Tourisme : Mal payés, ils préfèrent l’Espagne

22 mai 2008 - 23h41 - Espagne - Ecrit par : L.A

Le métier du tourisme est encore mal connu. Souvent déprécié. Même s’il est de plus en plus reconnu, il reste dévalorisé et souvent mal rémunéré. La profession a pourtant de grandes exigences. Les acteurs du secteur sont constamment sollicités par les touristes, les partenaires, ce qui suppose une grande organisation.

La fatigue est souvent la cause des départs, selon les professionnels, mais aussi la rémunération. Dans un métier où passion et enthousiasme sont les maîtres mots, transmettre son amour pour une ville, pour une cuisine, passe la communication. Un sourire accroché aux lèvres, tout le temps…

Dans l’industrie touristique, la qualité du produit (service) se vérifie en temps réel. Le rapport au temps est très intime et l’interaction avec le client rend le service encore plus difficile à accomplir. Selon Azelarab Kettani, président de la Fédération nationale des restaurateurs (FNR), « il n’y a pas seulement un problème de technicité, dans le tourisme au Maroc, mais aussi et surtout un problème comportemental » qui découle d’un non choix de carrière. Car, estime-t-il, il faut d’abord savoir si ceux qui assurent le service y sont allés par choix ou s’ils s’y sont retrouvés par défaut ?

« Faire ce métier à défaut d’autre chose se répercute sur le travail, car le serveur n’y met pas suffisamment du sien. Ce métier c’est savoir être et savoir faire à la fois et, surtout, savoir devenir. C’est-à-dire la participation à l’entreprise. Je ne m’arrête pas à la prestation qu’on me demande de faire, mais je me projette dans l’avenir. Un plan de carrière, un poste de management, etc ». Malheureusement, l’attractivité n’est pas le point fort du métier. On fait tout pour séduire le client et pas assez pour fidéliser le personnel. Les lauréats des écoles désertent le métier. Un plan de carrière, c’est trop long. Ils se considèrent sous-payés et dévalorisés. De plus, « les autres secteurs nous offrent de bien meilleurs salaires. Dans le tourisme, on nous demande d’être présentable, un costume coûte 2.000 DH, soit les deux tiers du salaire », confie un étudiant de l’Institut supérieur international du tourisme de Tanger (ISITT).

En effet, 35 à 40% des lauréats des grandes écoles de tourisme au Maroc vont vers d’autres métiers, essentiellement vers les banques. Pourtant, la demande est bien réelle au Maroc. « Les besoins de la station Saïdia dans l’immédiat sont de 1.500 lauréats et à Mazagan, on doit recruter, en toute urgence, plus de 800 candidats », annonce Anouar Alaoui, directeur régional de l’Anapec. Faute de talents, les objectifs du plan Azur seront-ils atteints ?

Les candidats au tourisme ne vont pas seulement vers d’autre métiers, mais aussi vers d’autres pays, notamment l’Espagne. Ce que les uns qualifient d’ouverture est considéré comme une véritable hémorragie par les autres.

Selon Alaoui, « les opportunités à l’international, c’est de l’expérience. Après 5 à 6 ans d’expérience en Espagne, les Marocains retournent chez eux avec de la valeur ajoutée » et de préciser « s’il y avait un système clair en matière de gestion du personnel, il n’y aurait pas eu de départs ».

Améliorer le service, c’est d’abord valoriser le métier et ceux qui le font. Kettani situe le problème entre l’école et l’entreprise. « Aujourd’hui, tant que nous n’avons pas une dualité dans la formation et d’alternance, on n’aura pas de qualité de service », tranche-t-il.

Chez Amoud, ce ne sont pas les chefs cuisiniers qui ont trouvé le secret de la bonne recette, mais le top management. Depuis 2 ans, l’entreprise a opté pour une formation duale.

Pour pallier le manque de pratique et la cherté des matières premières, « une formation complète a été dispensée aux étudiants. Nous nous sommes entendus avec l’Office de formation professionnelle (OFP), pour une formation en alternance entre l’entreprise et l’école », précise Hassan Boulaid, directeur chez Amoud.

Compléter la formation, c’est aussi s’investir dans l’encadrement. « Nous avons trois chefs, deux français et un marocain, qui chapautent les opérations », ajoute le directeur. L’interactivité entre l’école et l’entreprise s’avère indispensable à la réussite de la formation. « Il nous arrive souvent de donner des recommandations et des orientations aux professeurs à la fin du stage pour que la formation réponde aux besoins réels des professionnels », fait remarquer Boulaid.

Ce métier très riche en relations est en constante évolution. Rattraper la course ne peut se faire sans l’implication des professionnels et ils sont de plus en plus nombreux à en prendre conscience même s’il reste beaucoup de travail à faire.

Motivation

Selon Anouar Alaoui, directeur régional de l’Anapec, il est impératif d’instaurer la formation en continue pour améliorer la qualité des prestations. D’autant plus que « l’Anapec a mis à la disposition des structures touristiques un système de rémunération qui peut aller jusqu’à 10.000 DH par participant », précise-t-il. Les professionnels ont tout à y gagner, car il leur revient de choisir aussi leurs prestataires. Malheureusement, les inscrits ne se bousculent pas à l’Anapec !

Source : L’Economiste - Amira Khalfallah

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