
Maroc : vers la fin de la suprématie du français ?
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La langue française n’a plus la cote au Maroc. Elle est de plus en plus délaissée au profit de l’anglais qui progresse. Le constat est criant dans le monde du livre.
Depuis trois ans, le Maroc a généralisé l’enseignement de l’anglais au collège. « C’est la langue des réseaux sociaux, plus simple que le français, lequel est mal enseigné à l’école publique, et tard », explique auprès de Livres Hebdo, Rabia Ridaoui, animatrice et formatrice en cinéma à l’Institut français du Maroc. À Casablanca, le déclin du français est palpable. Les jeunes de 18-30 ans boudent les livres en français, préférant ceux en anglais. Que ce soit à la librairie Livremoi, ou dans les éditions de la Croisée des Chemins et celles du Fennec, la tendance est la même. « On a été francophones pendant trente ans. Mais pendant le Covid, nous avons été sauvés en ouvrant des rayons en anglais et arabe », confie Yacine Retnani, éditeur de la Croisée des Chemins et promoteur de la librairie Carrefour des livres.
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Malgré ce désamour pour le français, le Maroc est l’invité d’honneur du Festival du Livre de Paris. Une invitation qui fait suite à la visite d’État d’Emmanuel Macron à Rabat fin octobre dernier, marquant la fin d’une longue crise diplomatique entre les deux pays et le début d’une nouvelle ère dans leurs relations bilatérales. Mais « quand ils vont en France, les Marocains se rendent comptent du racisme contre les Maghrébins… », se désole toutefois une libraire de la capitale économique du royaume. En partenariat avec une école de management locale, Yacine Retnani a créé la collection Les Essentiels de l’entreprise pour mettre en avant les success-stories marocaines, « plutôt que des livres qui prennent pour exemple le modèle américain ».
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« Pendant longtemps, le Maroc a effroyablement manqué d’essais en sciences humaines et sociales pour mieux se connaître », affirme Layla B. Chaouni, la directrice des éditions du Fennec, notant une absence de solidarité entre les maillons de la chaîne du livre francophone. « Les libraires passent directement par les Français, avec des livres à 200 dirhams [20 euros], alors que je les vends en version locale à 10 dirhams ! Ils disent que ça n’est pas le même papier », s’emporte-t-elle. « Les couvertures sont surtout laides », assène un libraire. Pour l’autrice et journaliste Fedwa Misk, « les éditeurs entretiennent une opacité des ventes et le discours qui répète que les Marocains ne lisent pas ».
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Dans un pays où 28 % de la population est analphabète, Layla B. Chaouni est inquiète pour l’avenir du livre et des éditeurs. « Le métier d’éditeur n’est pas sexy pour les jeunes, qui préfèrent travailler dans la finance ou la com ». Autre constat : le nombre décroissant des librairies dans le royaume. Dans la capitale économique, elles sont passées de 65 en 1987 à 15 en 2016. Mais l’espoir reste permis. Les éditeurs optent pour la production de BD, même si les bédéistes marocains sont des pièces rares. Les auteurs, quant à eux, initient des rencontres d’échanges. C’est le cas du groupe éditorial Le Matin, qui a lancé son BookClub il y a trois ans. De son côté, le gouvernement marocain prévoit de généraliser le Pass Jeunes, qui offre 5 000 dirhams (477 euros) aux 16-30 ans résidant au Maroc pour participer à des activités culturelles et sportives.
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