La youtubeuse "Mi Naïma" est sortie de prison
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Au Maroc, une vingtaine d’anciens prisonniers se sont découverts une passion pour l’audiovisuel et collectionnent les abonnés et les vues à chaque vidéo publiée. Ils y racontent la vie en milieu carcéral, les guerres entre détenus, les mauvais traitements, la surpopulation carcérale, et bien d’autres informations sur lesquelles des millions d’internautes n’hésitent pas à cliquer.
Au nombre de ces ex détenus, il y a Mohamed Moustadraf, ancien trafiquant de drogue qui a passé 23 ans derrière les barreaux, rapporte l’AFP. Ce n’est pas pour autant qu’il se soit rangé du côté de la loi, une fois en détention. Sur sa chaîne YouTube, il révèle comment il a continué à dealer au nez et à la barbe des gardiens.« Il fallait être un as pour vendre, comme moi, de la drogue en prison. En prison comme dehors, je gagnais beaucoup d’argent, mais il me manquait une seule chose : ma liberté. Aujourd’hui j’essaie d’en profiter et de partager mon expérience surtout avec les jeunes », lance Mohamed. Moustadraf alias « Slaoui ».
Âgé de 48 ans, ce père de trois enfants dit s’être complètement rangé, après sa dernière sortie de prison en 2016. Il s’est reconverti et lorsqu’il n’est pas sur YouTube à parler de la vie carcérale, il est chef de chantier à Rabat. Même si son apparence reste encore proche de celle d’un caïd de la drogue (cheveux dressés en queue de cheval, survêtement, grosse montre dorée), ces vidéos ont cumulé plus de treize millions de vues, compte tenu des sujets qu’il aborde. Il met à nu les difficultés des prisonniers “entassés”, des surveillants “corrompus”, les micro-réseaux de trafic de drogue. Il n’oublie pas les décès suspects et les violations des droits des détenus. Selon lui, survivre en prison exige de « gravir les échelons, d’être endurant, de supporter la torture et les injustices », écrit l’AFP.
Mohamed Moustadraf a surtout créé sa chaîne YouTube en 2019 pour sensibiliser la population sur le regard qu’elle porte sur les anciens détenus. « Ce n’est pas parce qu’on a fait de la prison qu’on est une personne sans foi ni loi », confie-t-il. Ilyas Korrari est aussi un ancien détenu qui fait sensation sur YouTube. Pour lui, s’adresser à ses abonnés est « comme une thérapie ». Ses vidéos retracent les dix-sept années tumultueuses passées derrière les barreaux. Il est aujourd’hui à la tête d’une petite société de production audiovisuelle.
Il y a aussi Mohamed Bentazout, ancien boxeur condamné pour meurtre, et qui a été libéré en 2019 après plus de vingt ans de réclusion criminelle. L’homme a toujours clamé son innocence et tente d’obtenir une révision de son cas. Ses vidéos sur YouTube lui ont permis de toucher un « large public au Maroc et dans le monde ». En guise de dénonciation de l’injustice qu’a été son incarcération, il vit depuis sa libération dans une cellule minuscule construite sur la terrasse de la maison familiale.
Que pense la direction de l’administration pénitentiaire (DGAPR), de ces vidéos qui dénoncent de nombreuses irrégularités, des violations des droits de l’homme ? Elle a indiqué « ne pas accorder d’importance à ces chaînes YouTube, préférant ne pas réagir aux mensonges qu’elles véhiculent ». La DGAPR avait déjà qualifié le surpeuplement carcéral de « problème chronique » dans une note publiée en 2020.
La surface moyenne par détenu est de 1,8 m², selon la Cour des comptes. Avec plus de 86 000 détenus en 2019, le taux d’occupation dépasserait 250 % de la capacité de certains établissements, précise le dernier rapport de l’Observatoire des prisons. Cette organisation marocaine pointe également du doigt « le manque d’hygiène, de personnel soignant ». En 2019, près de 700 détenus ont porté plainte pour « mauvais traitement », précise la même source.
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