Les femmes marocaines continuent de subir en silence des violences sexuelles. Le sujet est presque tabou au Maroc, mais la parole se libère de plus en plus.
Le tourisme sexuel au Maroc encore une fois pointé du doigt. En effet, un rapport 2006-2007, élaboré par la coalition Cocasse sur « les abus sexuels sur les enfants au Maroc », traite aussi de cette question.
Dans cette étude, les auteurs se sont axés sur les problèmes de pédophilie et d’abus sexuels sur les enfants, la non-sévérité des lois nationales et le manque de sensibilisation dans ce domaine. Les abus sexuels et la violence sur les mineurs prennent de plus en plus d’ampleur au Maroc. Près de 80% des abus sur les enfants sont de nature sexuelle et 75% des « abuseurs » ont une relation familiale avec les victimes, donc il s’agit d’inceste. La plupart des victimes sont âgées de moins de 10 ans, souligne le rapport. Pour lutter contre ce fléau, la Cocasse compte poursuivre sa croisade contre ce phénomène qui s’amplifie de plus en plus dans les différentes villes du Royaume, surtout touristiques, indique Khalid Cherkaoui Semmouni, le coordinateur général de la coalition.
Rappelons que le Centre marocain des droits de l’homme (membre fondateur de Cocasse) a lancé en avril 2006 une pétition de dénonciation contre le tourisme sexuel au Maroc dans le but de rassembler un million de signatures. La pétition a recueilli près de 250.000 signatures à fin septembre 2006. Le CMDH compte en recueillir un million pour cette année.
Mémorandum
En fait, la coalition prépare un mémorandum dans lequel elle suggère qu’une série de « mesures légales » soient prises pour combattre les « offenses à la dignité des enfants ». Ces mesures permettront de combler le vide juridique qui permet aux criminels d’échapper à la justice. Le tourisme sexuel a pris une telle ampleur qu’il est devenu urgent de renforcer l’arsenal juridique. La Cocasse prévoit, dans le cadre de sa campagne de dénonciation baptisée « Initiative nationale de lutte contre le tourisme sexuel au Maroc », d’organiser des journées d’études dans différentes villes dont Marrakech, Agadir et Rabat. Elle prévoit aussi d’impliquer les médias audiovisuels. La coalition suggère de surcroît d’adopter une législation efficace. Les majeurs ne peuvent en effet faire l’objet d’une législation à proprement parler, puisqu’ils sont soumis aux législations nationales en vigueur et sont considérés comme consentants en toute connaissance de cause et moins fragiles que les mineurs. De son côté, le Bureau international des droits des enfants sensibilise les juges, avocats et agents de police aux droits des enfants. Il préconise des procédures plus adaptées aux enfants : moyens audio-visuels pour retranscrire l’attitude terrifiée d’un enfant ou encore former les acteurs du système pénal pour garantir une réponse judiciaire plus adéquate aux besoins des jeunes...
D’autres propositions : fournir une assistance juridique, sociale et psychologique aux victimes d’abus sexuels, sensibiliser les familles, éduquer les jeunes filles et les mettre en garde contre les dangers de la prostitution.
A noter que l’intervention de la justice pénale ne peut avoir lieu qu’en présence d’indices suffisants pour prouver la culpabilité de l’auteur présumé. Les abus ont généralement lieu dans l’intimité, sans témoin et sans laisser de séquelles physiques. L’auteur est souvent un proche des victimes. D’où la difficulté, pour les juges, de recueillir les preuves qui vont permettre de poursuivre puis de condamner l’abuseur.
Néanmoins, le recours à la justice répressive est souvent vécu comme une épreuve supplémentaire faite aux enfants et à leurs parents. Surtout si ce recours n’est pas accompagné d’un soutien psychosocial.
Dans les affaires pénales, la loi prévoit la confrontation des témoins comme moyen d’investigation. Or, confronter un enfant victime d’abus sexuels à l’auteur présumé des faits provoque inévitablement un nouveau traumatisme. Il devra affronter la culpabilité d’avoir trahi le secret qui le liait à son abuseur. Confronté aux conséquences concrètes de sa révélation, l’enfant risque de se rétracter ou de s’enfermer dans le mutisme. Certains juges reconnaissent donc avec raison à la victime le droit de refuser d’être confrontée à l’auteur.
Quelles sont les causes et les origines des abus sexuels ? Les auteurs du rapport citent la violation des droits socioéconomiques de l’enfant et le manque d’éducation sexuelle et des droits de l’homme (ces valeurs ne sont pas enseignées dans nos écoles).
La pauvreté est un autre facteur déterminant qui pousse les enfants à s’engouffrer dans le monde de la prostitution en plus de l’éclatement de la cellule familiale et la maltraitance au sein de la famille. D’autres facteurs incriminants : l’absence d’un plan d’action national pour l’enfance et la non-sévérité de la loi : un viol d’enfant n’est puni que de cinq ans. Elle doit être la même pour tout le monde, qu’ils soient Européens ou venant du Golfe, soulève les auteurs du rapport.
Violeur, violé
L’abus sexuel existe dans tous les milieux sociaux. Il s’agit de toute contrainte (verbale, visuelle, psychologique) ou tout contact physique, par lesquels une personne se sert d’un enfant, d’un adolescent ou d’un adulte, en vue d’une stimulation sexuelle, la sienne ou celle d’une tierce personne. Les séquelles sont souvent graves en l’absence d’une prise en charge efficace. D’après l’enquête, il est avéré que certains abuseurs souffrent de carences affectives. Faute d’avoir pu être aidés, ils commettent les agressions dont ils ont éventuellement été victimes dans leur enfance. Le rapport distingue deux types d’abus sexuels : extra-familiaux avec un abuseur proche de la victime ou inconnu et intra-familiaux (inceste).
L’Economiste - F. Z. T.
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