La majorité de ceux qui ont connu Hassan II croyaient qu’il ne resterait pas longtemps au pouvoir. Il avait pourtant démenti tous les pronostics en survivant même à deux coups d’Etat militaires, menés respectivement par le général Mohamed Medbouh et le colonel Mohammed Ababou en 1971, et en 1972 par le général Mohamed Oufkir.
Plusieurs observateurs reprochent à Hassan II d’avoir tout fait pour sauver son trône, au lieu de bâtir le Maroc. Il ne s’est pas intéressé à l’économie parce qu’il était pris par la politique étrangère, en laquelle il était passé maître.
"Hassan II a instauré les fondements d’un pouvoir traditionnel axé autour de l’émirat des croyants, oubliant au passage qu’il est un monarque du vingtième siècle", estime le journaliste Taoufik Bouâchrine.
"Il a délaissé l’enseignement car il croyait qu’il n’enfantait que les gauchistes et les islamistes, léguant à son fils un pays au bord de la faillite, dont la moitié de la population était analphabète et le quart restant inconscient, en plus d’un taux de pauvreté très élevé".
A la fin de son règne, le défunt monarque instaura l’alternance gouvernementale, qui mènera les socialistes au pouvoir en 1998, car "le Maroc était dans une impasse totale et allait vers une crise d’envergure", estimait à l’époque le militant communiste marocain de confession juive Abraham Serfaty.
Quatorze ans après la mort de Hassan II, certains réformistes et démocrates marocains, estiment que le modèle du régime aujourd’hui, est ce que l’on appelle le changement dans la continuité, en clair "pas de changement".
"Mohammed VI s’est plus intéressé à l’économie, aux infrastructures de base et aux pannes sociales du pays, Hassan II savait lui que les vrais problèmes du Maroc étaient avant tout politiques", rappelle Taoufik Bouâchrine, pour qui, "si Mohammed VI avait commencé là où son père s’était arrêté, le Maroc aurait franchi de plus grandes étapes au plan des réformes politiques".
Mais si Hassan II était encore en vie, le Maroc serait-il ce qu’il est aujourd’hui politiquement, économiquement et socialement ?, s’interroge le quotidien Akhbar Al Yaoum. Comment aurait réagi le défunt monarque face à la grogne sociale ?, aurait-il permis aux islamistes d’accéder au pouvoir ?
Que pensent-ils de Hassan II
Des politiciens, des activistes et des salafistes interrogés par Akhbar Al Yaoum disent ce qu’ils en pensent. Pour le politologue Hassan Tarek, la mort politique de Hassan II, avait précédé sa mort biologique.
Mohamed El Yazghi, ancien secrétaire général de l’Union Socialiste des Forces Populaires (USFP), estime que "Hassan II avait procédé à la fin de sa vie à une autocritique et avait changé beaucoup de choses dans son mode de gouvernance, faisant entrer le Maroc dans une ère différente de celle des années ’1960 et ’70 sur les plans politique et économique, et c’est à l’ombre de cette situation que nous vivons aujourd’hui".
Abderrahman Ben Amrou, ex-président de l’association marocaine de défense des droits de l’homme (AMDH) et patron du Parti politique "Attaliaa" (Avant-garde), pense pour sa part que "si Hassan II était encore en vie, la situation au Maroc aurait été pire. Au moins, aujourd’hui, nous avons une marge de liberté, même si la nature du pouvoir est encore la même...".
Itimad Zahidi, députée du Parti Justice et Développement (PJD) est elle une nostalgique des discours de feu Hassan II. "Mémoires d’un Roi", d’Eric Laurent était son livre de chevet qui l’a initié d’ailleurs à la politique.
Pour elle, le Maroc a lancé le chantier des réformes bien avant la mort de Hassan II.
Si Hassan II était encore en vie, "le Maroc aurait rayonné à l’international comme du temps du défunt monarque, dont la personnalité exceptionnelle était appréciée des dirigeants du monde entier..., explique Younes Sekkouri, député du Parti Authenticité et Modernité (PAM).
Le salafiste Hassan Ketani estime que Hassan II n’aurait jamais laissé apparaitre certains courants laïques, ajoutant que le Maroc n’a plus le même statut à l’international, qui était d’ailleurs lié à la forte personnalité du défunt monarque.
Le journaliste Driss Ksikes avoue qu’il n’est pas un nostalgique de l’époque de Hassan II, affirmant que si le défunt Souverain était encore en vie, le pluralisme culturel n’aurait jamais vu le jour.
Pour Yassine Mkhali, magistrat, si Hassan II était encore en vie, la Constitution de 2011, n’aurait jamais vu le jour. Mohamed Manar (Al Adl Wal Ihssane) soutient lui qu’"un Maroc sans Hassan II, ne diffère en rien du Maroc de Hassan II...".
Karim Tazi, patron de Richbond note que le Maroc n’a pas changé, puisque le modèle patriarcal, dont Hassan II était le symbole existe encore. Mais Si Hassan II était en vie, il aurait entrepris des réformes économiques courageuses et aurait laissé éclore une presse libérale.
Quelques uns de ses plus grands opposants reconnaissent à contrecœur aujourd’hui que l’époque Hassan II leur manque dans presque tous ses états, même s’ils soutiennent que le défunt monarque aurait eu du mal à s’adapter au contexte actuel..., "mais il aurait certainement évité au Maroc l’extrémisme...".