C’est en ces termes que Patrick Hardouin, secrétaire général adjoint aux Affaires régionales, économiques et de sécurité de l’OTAN, s’est exprimé mercredi à Rabat, au cours d’une rencontre initiée par l’Institut marocain des relations internationales (IMRI). Depuis 1995, l’OTAN a élargi ses activités jusqu’au Maghreb à travers le Dialogue Méditerranéen, qui regroupe sept pays du pourtour du bassin (Maroc, Mauritanie, Algérie, Tunisie, Jordanie, Egypte et Israël) dans le but d’instaurer de meilleurs apports multilatéraux avec ces partenaires jugés "hautement stratégiques", selon Hardouin.
"Depuis la chute du Mur de Berlin et la dissolution du Pacte de Varsovie, la fin de la guerre froide a vu de nombreux partenaires potentiels se joindre progressivement à l’OTAN, pour contribuer à maintenir la stabilité dans toute la région de la Méditerranée", affirme Jawad Kerdoudi, président de l’IMRI.
L’OTAN, dont la politique arabo-musulmane est à ses balbutiements, a étudié la question au Sommet d’Istanbul en 2004.
"À l’origine, notre préoccupation se limitait essentiellement à contenir l’URSS, le Maghreb étant perçu comme le flanc Sud de la bataille centrale. Mais aujourd’hui, la donne a changé avec les attentats du 11 septembre 2001, qui ont frappé cruellement l’un des nôtres", explique Hardouin.
Le diplomate français confirme que le "Grand Moyen-Orient" initié par le gouvernement américain, se voit confier une mission nouvelle dans une guerre aux contours encore mal définis, et où le Royaume se trouve lui aussi placé sous la menace.
"Toutefois, nuance Hardouin, l’OTAN ne cherche pas à jouer le rôle de gendarme du monde : Nous ne sommes pas un pouvoir supranational, mais plutôt une organisation intergouvernementale cherchant avant tout à défendre l’intégrité territoriale de nos membres, par le biais de décisions d’interventions prises à l’unanimité, placées sous contrôle direct des chefs d’État et de gouvernement".
Bien que le Maroc ne soit pas un allié officiel de l’OTAN, qui compte 19 adhérents, en majorité des pays européens et américains, le Royaume participe activement aux efforts déployés avec le concours de ses armées : les soldats marocains ont servi en 2002 dans la SFOR (Force de stabilisation en Bosnie-Herzégovine) et la KFOR (Force pour le Kosovo) ; le Maroc apporte aussi son aide à l’opération navale de l’OTAN Active Endeavour, mission maritime destinée à la détection et au contrôledes navires suspects et à la dissuasion et la protection contre les activités terroristes en Méditerranée.
Enfin, à ce niveau, un changement majeur intéresse directement le Maroc et concerne l’approfondissement de ses relations avec l’OTAN. Il a été proposé d’augmenter les échanges en matière de formation d’officiers de la Marine ou de l’armée de terre. "Un réseau d’écoles et d’académies militaires pourra se tisser, en vue de renforcer la compréhension mutuelle entre les diverses cultures militaires issues de l’Atlantique Nord. Il s’agit d’un élément fondamental pouvant contribuer à la coordination efficace de la sécurité commune", explique Hardouin.
Sans qu’aucun échéancier ou calendrier précis n’ait été fixé, la volonté de dialogue se confirme : l’organisation militaire la plus puissante au monde se tourne résolument vers les ressources géostratégiques qu’offre le Maghreb.
Libération - Philippe Picard