Le Maroc veut pénaliser les violences à l’égard des femmes

6 avril 2008 - 17h08 - Maroc - Ecrit par : L.A

L’initiative récente du gouvernement marocain visant à lutter contre les violences faites aux femmes va de la mise en place de nouveaux centres d’écoute et d’abri pour les femmes battues à une révision du Code pénal, afin de pénaliser les violences liées au sexe.

Le Ministre du Développement Social, de la Famille et de la Solidarité Nouzha Skalli, qui avait annoncé ce plan d’action le 27 mars, a précisé qu’il envisageait la création de seize nouveaux centres cette année pour les femmes victimes de violences, la tenue d’une enquête nationale pour déterminer la prévalence des violences liées au sexe et la mise en place d’un centre de réinsertion pilote destiné à aider les hommes à contrôler certains comportements violents liés à des problèmes psychiatriques.

La préparation d’un projet de loi destiné à pénaliser les violences à l’égard des femmes sera toutefois l’objectif principal, a précisé la directrice des affaires de la femme, de la famille et de l’enfance au ministère, Naima Benyahya. Bien que le Moudawana, le Code de la famille, ait été révisé en 2006 pour donner aux femmes plus de droits dans le cadre du mariage et du divorce, il est maintenant temps de rouvrir le débat et d’étendre le Code pénal, a-t-elle déclaré.

"Il s’agit de donner une définition précise de la violence à l’égard de la femme ainsi que d’introduire des articles répressifs au Code pénal pour combattre ce fléau, et d’en annuler d’autres, tels que la preuve que doit apporter la femme pour prouver l’acte de violence alors que le phénomène se déroule dans un cercle fermé en l’absence de témoins", a expliqué le ministre Skalli à Magharebia, ajoutant que la parole de la femme doit être prise en tant que preuve, à l’instar des procédures appliquées dans d’autres pays.

Elle a également souligné que ce projet de loi s’inspire des principes de l’Islam, des valeurs de la société marocaine et des acquis réalisés par le pays dans le domaine de la préservation des droits de la femme.

D’après les responsables, plusieurs lacunes dans la loi freinent la campagne contre la violence. De plus, tout projet visant à réformer la législation existante et à assurer la mise en oeuvre de nouvelles dispositions est compromis par le manque de magistrats spécialisés et de personnels expérimentés dans le domaine de l’action sociale.

Les chiffres enregistrés au cours des trois derniers mois laissent apparaître l’urgence de la situation. Selon le ministère, les services des centres d’écoute ont déjà enregistré durant l’année en cours quelque 17 000 cas de violence, dont 78,8 pour cent ont été commis par le mari.

Selon Mme Skalli, la violence conjugale est due à une mentalité basée sur le machisme. Ainsi son ministère-t-il adopte une vision axée sur la nécessité de lancer des campagnes de sensibilisation, en collaboration avec les Ministères de l’Education Nationale et des Affaires Islamiques, pour mettre en place une culture visant à instaurer l’égalité entre les sexes.

Siham Badawi, membre de l’ONG "Dialogue pour le Développement", a déclaré à Magharebia que seule une intervention de l’Etat pourra garantir la protection des femmes.

"On attend avec une grande impatience la réforme de la loi pour que les verdicts soient sévères, afin de dissuader une grande majorité des hommes", a-t-elle déclaré.

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : Moudawana (Code de la famille) - Lois - Harcèlement sexuel - Femme marocaine - Nouzha Skalli - Ministère de la Solidarité, de la Femme, de la Famille et du Développement social

Ces articles devraient vous intéresser :

Maroc : la prolifération des malades mentaux inquiète

Bon nombre de malades mentaux errent dans les rues marocaines suscitant inquiétudes et craintes. Préoccupée, la députée Hayat Laaraich, du parti de l’Union Socialiste des Forces Populaires, adresse une question écrite au ministère de la Solidarité et...

Les Marocaines paieront aussi la pension alimentaire à leurs ex-maris

Au Maroc, les femmes ayant un revenu supérieur à celui de leur conjoint pourraient avoir à verser une pension alimentaire (Nafaqa) à ce dernier en cas de divorce, a récemment affirmé Abdellatif Ouahbi, le ministre de la Justice.

Malgré les obstacles juridiques, la polygamie persiste au Maroc

Alors que le gouvernement est en train de plancher sur une réforme du Code de la famille, le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire vient de publier son rapport sur la polygamie dans lequel on apprend que quelque 20 000 demandes pour un deuxième...

Maroc : plus de droits pour les mères divorcées ?

Au Maroc, la mère divorcée, qui obtient généralement la garde de l’enfant, n’en a pas la tutelle qui revient de droit au père. Les défenseurs des droits des femmes appellent à une réforme du Code de la famille pour corriger ce qu’ils qualifient...

Pilules abortives : le Maroc face à un gros problème

Des associations de défense des droits des consommateurs dénoncent la promotion sur les réseaux sociaux de pilules abortives après l’interdiction de leur vente en pharmacie, estimant que cette pratique constitue une « atteinte grave à la vie » des...

Maroc : un « passeport » pour les nouveaux mariés

Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) appelle à la mise en place d’un « passeport » ou « guide » pour le mariage, dans lequel seront mentionnées les données personnelles des futurs mariés, ainsi que toutes les informations sur leurs...

Maroc : les femmes divorcées réclament des droits

Au Maroc, les appels à la réforme du Code de la famille (Moudawana) continuent. Une association milite pour que la tutelle légale des enfants, qui actuellement revient de droit au père, soit également accordée aux femmes en cas de divorce.

Appel à lutter contre la mendicité au Maroc

Le niveau de pauvreté et de vulnérabilité n’a pas baissé au Maroc. En 2022, il est revenu à celui enregistré en 2014, selon une note du Haut-Commissariat au Plan (HCP) publiée en octobre dernier. Une situation qui contribue à la hausse de la mendicité...

Maroc : la réforme du Code de la famille fait toujours jaser

La réforme du Code de la famille a du mal à passer au Maroc. Face aux conservateurs et chefs religieux, le gouvernement n’arrive pas encore à trouver la bonne formule pour mettre fin aux discriminations envers les femmes en matière de succession, à la...

Vers une révolution des droits des femmes au Maroc ?

Le gouvernement marocain s’apprête à modifier le Code de la famille ou Moudawana pour promouvoir une égalité entre l’homme et la femme et davantage garantir les droits des femmes et des enfants.