Maroc : l’immobilier peine (toujours) à décoller
L’immobilier peine à connaître à nouveau ses heures de gloire. En cause, le secteur est partagé entre récession économique, stagnation et légère embellie économique.
Le moins qu’on puise dire c’est que l’immobilier est sur une très bonne tendance au Maroc. Le gap de logements à pourvoir dépasse 1.000.000 d’unités... Néanmoins, il n’y a pas un seul quartier de la grande métropole de Casablanca où des projets immobiliers, bien entamés, sont immobilisés depuis belle lurette. Souvent les acquéreurs, qui n’hésitent pas à effectuer des achats sur plan, ne savent plus à quel saint se vouer.
Déjà bien debout, quelquefois dotés de cadres aux fenêtres, jamais peints, les projets immobiliers bloqués font partie du décor de la ville. Que ce soit en plein centre ville ou à la périphérie, les immeubles non achevés passent difficilement inaperçus. Souvent ce sont plusieurs millions de Dh investis qui sont ainsi en perdition. Reste à savoir pour qui ? Plus dure encore est la situation des acheteurs qui ont versé d’importantes avances (généralement pas moins de 50.000 Dh), ou payé cash pour entrer en possession de l’appartement de leur rêve. Sur certains projets, des populations qui ne savaient plus comment faire attendre leur locataire ont dû forcer des scellés pour intégrer l’appartement acheté, mais dont l’ensemble résidentiel était en saisie, après que le promoteur véreux ait pris la poudre d’escampette.
Les exemples de projets bloqués ne manquent pas. Au bout de la rue Mozart, à l’angle avec le boulevard Abdellatif Ben Kaddour à Casablanca, s’élève un immeuble majestueux de 7 étages au moins, comprenant deux résidences, qui devraient verser dans le très haut standing. Saisi depuis plus d’une dizaine d’années, cet ensemble résidentiel initié par un certain Tazi, serait aujourd’hui la propriété du Crédit Immobilier et Hôtelier (CIH). Nous en saurons un peu plus ultérieurement.
A l’angle du boulevard d’Anfa avec le boulevard Moulay Youssef, exactement à l’ancien emplacement du Consulat Britannique à Casablanca, un immeuble d’une dizaine d’étages a vu ses constructions s’arrêter depuis maintenant deux bonnes années. Même topo au début du boulevard Rachidi, en face de la clinique du même nom, où un immeuble de cinq niveaux, appartenant à M. Jalal Larbi, est à l’arrêt depuis un certain temps. Sur chacun de ces projets immobiliers, point de squats, des gardiens sont bien présents, payés ou pas, et les chefs de chantiers passent régulièrement, nous confirme-t-on. Si pour ces deux derniers cas, nos sources nous font savoir que ce sont les promoteurs qui ont volontairement bloqué les travaux, par contre sur d’autres projets, les litiges s’amoncellent.
Là où le bât blesse, c’est lorsque des familles entières sont obligées d’intégrer des lotissements à moitié achevés. A Widadiate, sur le terrain appartenant à feu Lotfi, entre El Oulfa et Hay Salam, non loin d’un autre lotissement de la RAM, lui aussi aux arrêts, une trentaine de familles ont dû braver les rudesses d’une habitation sans eau courante ni électricité.
Un véritable calvaire
Dans un espace, qui n’est pas sécurisée, ce ne fut pas une sinécure pour les femmes, les enfants et les personnes âgées. Les témoignages de Hicham et Ahmed ont été accablants pour le promoteur Widadiate qui a disparu dans la nature. Même si la situation s’améliore un peu plus, vu qu’ils ont l’eau courante depuis bientôt cinq mois, et que la lumière est arrivée, il y a à peine deux mois, la principale difficulté réside en l’usufruit de leur bien (aucun titre foncier remis). Le scénario est simple, le promoteur amasse plusieurs avances et non des moindres (autour de 50.000 Dh) puis disparaît dans la nature. Une banque de la place, citée par les habitants, en l’occurrence le Crédit Agricole, nie son implication dans ce projet. Notre interlocuteur à la banque, qui a préféré garder l’anonymat avoue ignorer l’existence de ce dossier. Pourtant, selon les habitants de Widadiate, il s’agit bien de cette banque, qui a d’ailleurs mis en branle les procédures de saisie et fait marcher ses garanties ... Les magasins et commerces du rez-de-chaussée revenaient en principe au propriétaire du foncier, aujourd’hui décédé. Nous n’avons pas pu mettre la main sur ses héritiers, annoncés aux Etats Unis d’Amérique et en Europe. A l’arrivée, hormis les piliers qui soutiennent cet immeuble de quatre étages, actuellement habités par 30 familles, c’est le désert total. Il est déjà peu aisé de s’organiser lorsque tous les habitants sont réunis dans une résidence, en dépit de la loi 18-00 relative à la co-propriété, à plus forte raison dans un immeuble à moitié fini. Tout ce qui a trait aux utilités (eau, électricité, éclairage public, assainissement, …), et à la sécurité, pour ne citer que ces paramètres, se pose avec acuité. “Ici, dès le crépuscule, il n’est pas question de montrer le nez dehors, surtout pour les femmes et les enfants”, martèle un habitant.
Relativement au regard porté par la profession sur ces promoteurs véreux et les éventuels recours et solutions, nous n’avons reçu aucune réponse, au moment où nous mettons sous presse, du côté de la Fédération Nationale de l’Immobilier. Reste à savoir si les autorités de la ville sont enclines à recevoir ces laissés-pour-compte qui ne savent plus à qui s’adresser. A suivre, …
La Nouvelle Tribune - D. MB.
Aller plus loin
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