Les personnalités, aussi bien marocaines que françaises, se sont toujours flattées des liens plus qu’amicaux qu’elles entretenaient les uns avec les autres. Les Présidents de la République française depuis le Général De Gaulle ont témoigné d’une grande sollicitude à l’égard de l’Empire Chérifien et en particulier à l’égard du Trône.
Jacques Chirac, en particulier, a, durant ses mandatures, accentué cette attention particulière qui en devenait presque paternaliste. Le fait d’avoir connu longtemps le Roi Hassan II, que Dieu ait son âme, le fait d’avoir blanchi ses cheveux sous les ors de la République lui donnaient, semble-t-il, une attitude quelque peu condescendante dans ses relations avec le Palais et les hommes du gouvernement. Cette façon d’aborder les relations avec le Maroc plaisait à la plupart et rassurait par certains aspects, sûr que l’on était que, en cas d’arbitrage ou de moment difficile, la France ferait toujours pencher la balance du côté marocain.
La longue histoire des relations franco-marocaines, les années du Protectorat, ont développé chez les responsables politiques français un sentiment de culpabilité diffus, une nostalgie des “heureuses années”, et une amitié certaine avec la plupart des responsables ou personnalités marocaines. La plupart avaient longuement séjourné au Maroc, et pour certains d’entre eux étaient nés dans une des métropoles marocaines sous le régime du Protectorat. Aujourd’hui, celui qui n’hésitait pas à se brouiller avec d’autres pays amis en défendant la cause marocaine, Jacques Chirac, n’est plus à la magistrature suprême de la France.
Exit Chirac, Nicolas Sarkozy est maintenant, au moins pour cinq ans et plus vraisemblablement pour deux fois, le Président de tous les Français. C’est une nouvelle génération qui vient aux commandes, en premier le Président. Sarkozy n’a connu ni la colonisation ni la décolonisation. Il aborde ses relations avec le Maroc sans regret ni nostalgie, sans culpabilité ni complexe.
Ami du Maroc, sûrement, mais sans grandiloquence ni paternalisme, il abordera ses interlocuteurs marocains sans aucune attitude de supériorité, mais avec pragmatisme. Ses objectifs sont clairs pour avoir été martelés durant sa campagne électorale. Maîtrise des flux migratoires, guerre à l’immigration clandestine, lutte contre le terrorisme, développement des relations économiques par une accentuation des investissements au Maroc et soutien à l’intégrité du territoire marocain.
Nul doute que les intérêts français rejoignent en cela les objectifs marocains à pérenniser le retour au sein de l’Empire Chérifien du Sahara marocain dont la colonisation espagnole avait amputé le Maroc. Mais le Président Sarkozy, au-delà des amitiés des uns et des autres, ne mènera qu’une politique : la défense des intérêts français et des emplois en métropole.
De tradition, la première visite du chef de l’Etat français était toujours réservée au Maroc, tradition qui soulignait les relations très personnelles entretenues par les dirigeants français avec le Maroc. Ce n’est plus le cas. L’arrivée de Nicolas Sarkozy à Rabat viendra après une visite à Alger et à Tunis. Subtile ordonnance qui reflète pour l’heure l’ordre des préoccupations du Président français.
Il faut aujourd’hui réaliser que ce temps a vécu et que les relations toujours amicales seront d’abord politiques et jugées à l’aune des intérêts français et de ces intérêts uniquement. L’illusion entretenue longtemps par certains n’est plus de mise.
Le nouveau Chef de l’Etat français ajoute, au pragmatisme, le langage direct aux vérités toutes nues. Mais n’est-ce pas comme cela que se nouent et se développent les véritables amitiés ?
Maroc Hebdo - Gabriel Banon