La chanteuse marocaine Manal Benchlikha est critiquée pour ses propos envers ses collègues qu’elle accuse de l’imiter dans l’espoir d’obtenir le succès que rencontrent ses dernières œuvres musicales, publiées sur YouTube.
Le deejing fait de plus en plus d’adeptes auprès des jeunes marocains citadins. Enquête sur un univers musical méconnu.
Et plus lucratif qu’on le croit.
Mixtapes, remix, chart list, guest, resident…Pour les amoureux de la fête et de la nuit, ces mots aux consonances d’Outre-Atlantique n’ont rien d’étrange. Ce sont ceux du deejing, l’univers musical effréné des disc-jokeys. Un monde inconnu pour nombre d’entre nous et qui, pourtant, fascine une certaine jeunesse marocaine citadine. Des jeunes qui n’ont d’yeux que pour les DJ, ces génies du mixage qui parviennent à enflammer les pistes de danse des discothèques jusqu’au bout de la nuit, avant que leurs notes vibrantes et déjantées ne s’évanouissent aux premières lueurs de l’aurore.
Le deejing, quelques jeunes Marocains audacieux en ont fait un métier à part entière. Faisant fi du dénigrement ou, au meilleur cas, du regard affectueux et plaisantin porté sur cette activité perçue jusque-là comme un simple hobby, un gentil défouloir rythmique pour des générations en mal d’idoles et d’idéologies fortes. Non sans raison.
En effet, sans pour autant égaler les cachets copieux des DJ stars internationaux, tels un Bob Sinclair, un Tiesto, un David Vendetta, un Martin Solveig ou un Laurent Wolf, dont la prestation peut commencer à 300.000 dirhams la soirée, et qui font “piste pleine” lors de leur venue au Maroc, les DJ locaux n’ont pas à se plaindre, eu égard au Smig national.
Le cachet varie de 6.000 à 15.000 dirhams par mois pour les DJ résidents, c’est-à-dire ceux recrutés à plein temps par le pub ou la boîte de nuit en question, et de 3.000 jusqu’à 25.000 dirhams pour les DJ Guest, autrement dit les DJ invités le temps d’une soirée, généralement privée ou dite “spéciale”, pour les lieux de distraction nocturnes.
« Dans ce dernier cas, tout dépend du professionnalisme du disc-jockey, de sa célébrité, mais aussi des exigences et de la générosité du client », témoigne Karim El Hachimi Idrissi, ex-Dj et directeur actuel d’une entreprise de régie technique.
Dans les intimes veillées huppées du jeune ghotta marocain, à Casablanca, Rabat et Marrakech, essentiellement, les prix des prestations peuvent grimper à des sommets vertigineux, rien n’étant trop fort pour faire se défouler les gosses de l’élite. Encore faut-il avoir du doigté et un don certain, ou du moins un certain talent pour la chose.
Savoir mixer facilement et rapidement, prêter l’oreille aux moindres petits détails sonores, maîtriser la transition d’un beat (battement) à l’autre, d’une chanson à l’autre, de telle sorte qu’un auditeur amateur ne sente pas le passage en question. Et que la noctambule lambda ne soit pas freiné dans son déhanché endiablé lorsque le DJ passe du dernier tube de la sulfureuse Shakira aux titres remixés de la mythique Oum Kelthoum. Cela, c’est pour le côté technique, qui ne suffit pas à vous faire accéder à lui seul au panthéon des icônes de platines.
« Un bon DJ est celui qui arrive à garder le maximum de gens sur la piste, du début jusqu’à la fin de la soirée. Pour cela, il faut aussi avoir une bonne culture musicale. Même si la tendance est aujourd’hui à la house et à la techno, un bon DJ ne peut se permettre d’ignorer les autres genres musicaux, récents ou anciens. C’est indispensable pour pouvoir s’adapter au public », affirme Smaïl, gérant d’un pub sur la corniche casablancaise.
Même son de cloche chez Karim El Hachimi : « Les DJ qui font le plus de tabac actuellement à travers le monde sont ceux qui ont vécu pleinement les années 70 et 80, une époque riche et pas seulement sur le plan artistique ». Contrairement aux disc-jockeys “new wave” natifs des années 90 et qui s’y connaissent essentiellement en musiques commerciales comme la house et la techno, ces DJ bien trempés surfent sur tous les genres. Une clé d’entrée pour l’animation des soirées privées, ici comme ailleurs, ou le style rétro, de Barry White à Elvis Presley en passant par Aretha Franklin ou les Pink Floyd est de plus en plus demandé.
Beaucoup d’adolescents peuvent donc, à juste titre, être attirés par le deejing, d’autant plus que celui-ci ne requiert pas de diplôme particulier. Bien que le coût du matériel soit évictif. Pour un équipement basique, à savoir deux lecteurs CD et une table de mixage, il faut compter de 16.000 à 35.000 dirhams, selon la marque, en plus des baffles pour diffuser le son, 15.000 dirhams environ, et les accessoires annexes, comme le casque, indispensable.
La plupart des DJ, encore plus au Maroc, sont ainsi formés sur le tas. La première école de deejing au Maroc, filiale d’une école française, n’a ouvert ses portes qu’à la fin des années 90, à Marrakech. Septembre 2006, Khalid Douache (alias Dj Key) et Imad Ezzaki (dit Lord Kamaz), deux jeunes marocains ambitieux, forts de 10 ans d’expérience dans le domaine, ont lancé à leur tour leur DJ School, à proximité du cinéma Liberté à Casablanca, moyennant un investissement de 100.000 dirhams. Les formations durent d’un mois à 6 mois, selon le besoin et coûtent de 850 à 2000 dirhams par mois. L’école dispense des cours en création musicale (intro, mix tape, scratch, jingles) classique, assistée par ordinateur ou encore virtuelle. Les plus pointilleux vont apprendre à scratcher sur les platines et les vinyles à l’étranger, essentiellement en France et aux Etats-Unis.
Peut-on pour autant qualifier le deejing de métier d’avenir ?
« C’est une profession comme une autre, mais on ne peut pas en faire un métier à vie. Physiquement, on peut difficilement veiller au-delà de 40 ans jusqu’à 4 ou 5 heures du matin tous les jours, surtout si on songe à fonder sa petite famille. Le plus sage est de créer sa propre boîte dans un des métiers du son, de l’éclairage ou de l’événementiel pour pouvoir subvenir plus tard à ses besoins », tempère Karim El Hachimi, dans le domaine depuis 1995.
Subvenir à ses besoins et même s’assurer de vieux jours dorés. A l’instar du fameux DJ David Guetta, devenu producteur et propriétaire de nombreuses discothèques à travers la France. Ou, plus proche de nous, Claude Challe, installé à Marrakech et disposant de son propre label, Chall’Omusic.
En attendant une reconnaissance locale qui tarde à venir, de jeunes DJ marocains ont décidé de plier bagage vers des cieux plus cléments. Certains sont parvenus à se faire une jolie place au soleil, comme DJ Salah. A 35 ans, ce natif de Casablanca, DJ depuis 1994 et producteur depuis 2001, est l’un des animateurs les plus demandés de la nuit luxembourgeoise.
Les disc-jockeys marocains les plus talentueux voient s’ouvrir devant eux, comme chaque été, les portes d’Ibiza, paradis des DJ et du people, devenant ainsi les ambassadeurs musicaux d’une culture marocaine plurielle…que l’on persiste à ignorer.
Maroc Hebdo - Mouna Izddine
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