Si les problèmes font partie intégrante de la vie quotidienne, c’en est trop pour le lycée musulman Averroès de Lille. Dans un courrier en date du 18 octobre adressée au président de l’association Averroès, Mohamed Damak, et dont Saphirnews détient une copie, le préfet de la Région Hauts-De-France, Georges-François Leclerc évoque l’éventualité de la résiliation du contrat d’association liant depuis 2008 l’établissement privé confessionnel à l’État. « Lorsque les conditions auxquelles est subordonnée la validité des contrats d’association cessent d’être remplies, ces contrats peuvent, après avis de la commission de concertation […], être résiliés notamment par le représentant de l’État à son initiative », indique le responsable, sans toutefois fournir des explications. La direction est convoquée à une réunion de la commission de concertation pour l’enseignement privé qui se tiendra fin novembre à la préfecture à la suite de laquelle le contrat pourrait être résilié.
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Eric Dufour, le directeur du lycée Averroès confirme avoir reçu la correspondance du préfet. « Nous avons reçu le courrier le lendemain de la parution de l’article du Point » avec la mention « Exclusif », raconte-t-il, déplorant le fait que l’hebdomadaire n’aurait pas pris la peine d’interroger les responsables de l’établissement avant la parution de l’information. Dans un communiqué, ceux-ci expriment leur étonnement quant à « ces fuites à la presse qui perturbent délibérément la sérénité du groupe scolaire » « dans un contexte international et national qui jette l’opprobre sur la communauté musulmane avec une opinion publique exacerbée » et à la convocation. « On pensait en avoir terminé après la parution (voici plusieurs mois, NDLR) du rapport de la Chambre régionale des comptes (CRC), vu que l’excellence académique nous a été reconnue », affirme Eric Dufour, qui a une petite idée sur les raisons qui poussent le préfet à envisager la résiliation du contrat d’association.
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C’est « probablement » lié à la présence d’un livre jugé problématique dans le programme du cours (facultatif) d’éthique musulmane par la CRC, pour laquelle « on s’est largement expliqué dessus », estime le directeur. Il s’étend sur le sujet : « Ce qui posait problème, ce n’est pas le cours en lui-même, mais la présence dans le programme d’une référence bibliographique, un livre de commentaires des ‘Quarante Hadiths de l’imam an-Nawawî’. Ce qui nous est reproché, ce sont très précisément les commentaires de certains hadiths, par exemple contre la mixité et pour lesquels j’étais moi-même horrifié, car ils sont contraires à nos valeurs. Nous sommes un exemple de mixité : mixité hommes-femmes, mixité sociale, mixité d’opinions […] Cette référence bibliographique a été immédiatement supprimée ». Eric Dufour s’agace en outre contre le fait que « ce qu’on nous reproche n’est jamais explicité en réalité. On ressasse sans cesse les mêmes fantasmes sur le groupe scolaire relayés par une certaine presse », notamment sur le lien supposé d’Averroès avec les Frères musulmans.
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« Je veux bien qu’on nous dise ce que cela signifie concrètement d’être en lien avec les Frères musulmans, car cela ne veut rien dire… C’est une manière de nous discréditer sans preuve », estime-t-il. Et de déplorer : « Chaque année, on voudrait être tranquille et travailler convenablement, sans pression, sans faire l’objet de soupçons permanents », mais cela s’avère impossible en dépit de « la douzaine d’inspections depuis 2015 qui ont chacune démontré notre excellence académique, (de celle) qui a propulsé des milliers de jeunes dans la société qui apportent leur contribution à la République ».