L’affaire des polos Lacostearborant une carte tronquée du Maroc, excluant ses provinces du sud, connaît un nouvel épisode. Le ministre de l’Industrie et du Commerce, Ryad Mezzour, a confirmé que les responsables de la célèbre marque française de...
Je suis attristé, affligé encore une fois d’apprendre ce grave revers et l’arbitraire de cette humiliation inconcevable ; c’est en effet un « tremblement de terre diplomatique » qui menace d’une manière substantielle notre intégrité territoriale. Notre fiasco implique la victoire de l’autre qui n’a pas lésiné, ni sur les moyens ni sur le personnel engagé, à entraver et rendre impossible la proposition réaliste d’autonomie du Royaume ; initiative lucide, clairvoyante et pleine de bon sens et de discernement.
Désormais, il faudrait redresser la barre, passer à une cadence accélérée, soutenue afin de s’inspirer le plus vite possible des états fédéraux allemands, comme l’a proposé feu Hassan II de son vivant ; c’est bien notre seul et unique salut, si vivifiant et riche en exhalaisons pour notre bien-être et survie. Etant donné que ce modèle est le plus prometteur et qu’il a donné ses fruits, surtout en ces temps de crise, politique et économique, rempart contre toute sorte de « sclérosisation », inertie et paralysie. De ce fait, nous ne créerons pas seulement de la compétitivité loyale entre les régions, mais aussi de la richesse et de l’emploi.
A côté des grands chantiers à caractère économique et social, l’instauration des régions selon le modèle allemand doit prendre une place de choix sur l’échiquier politique national, dans le but d’en faire ainsi le cheval de bataille, le fer de lance de la diplomatie marocaine qui accuse une longueur de retard considérable sur nos adversaires, supérieure même à nos aspirations et prévisions, autrement il n’y aurait jamais ce dérapage et « tsunami diplomatique ». La stratégie marocaine doit s’inscrire dans une politique diplomatique, multipolaire, partenariale et surtout anticipatrice, alimentée par des hautes compétences, aussi bien au niveau du premier diplomate marocain, ministre de tutelle, que les ambassadeurs dépêchés auprès des pays avec lesquels nous entretenons des relations diplomatiques.
J’ai beaucoup d’estime et de respect pour la personne Saad Eddine El Othmani, mais je ne suis pas si sûr ; est-ce qu’il se sent vraiment à l’aise comme premier responsable de la diplomatie marocaine ? Certes, il ne connaît pas de répit et il fournit beaucoup d’efforts, pourtant ces derniers doivent se traduire par du palpable, des résultats concrets, appréhendés par la raison dans sa nature la plus intense et vérifiable dans sa teneur, authenticité et exactitude.
Mr. Saad Eddine El Othmani parle arabe et français ; pourtant nous avons besoin de quelqu’un qui maîtrise au moins 5 langues étrangères : anglais, français, allemand, espagnol, russe ou portugais. La maîtrise de la langue anglaise représente le « sine qua non » et l’agent principal de la circulation sanguine du corps de la survie diplomatique internationale ; étant donné qu’on ne peut communiquer tout le temps avec ses homologues par le biais d’un interprète. Il faut savoir défricher les lignes commerciales en premier lieu, tisser des réseaux, des liens, des solidarités organiques, des relations personnelles et fortes, instantanées et directes avec ses partenaires.
Je partage complètement l’avis de mon collègue Pr. Taj Eddine El Housseini ; oui, en effet, notre « diplomatie marocaine doit faire montre de beaucoup d’agressivité », comme il l’a suggéré récemment dans un quotidien marocain, francophone à grand tirage. Le bon diplomate n’est guère celui qui sourit tout le temps, à tort et à travers, et qui sait faire les beaux yeux et rédiger une belle rédaction dont on n’a pas réussi encore à mettre son parfum en flacon ; mais celui qui sait s’imposer et qui maîtrise toutes les techniques de combat nécessaires, guidées par les intérêts suprêmes du Royaume : le flirt diplomatique, le jet de fleur, la pondération, trêves, feintes, mais savoir aussi s’approprier le corps à corps, taper sur la table, très fort et très dure, si cela est indispensable. Dorénavant, il faudrait larguer, reléguer la « diplomatie au gant de velours » et de cesser de réagir uniquement, au lieu d’agir ; car la politique ne pardonne jamais : « avant l’heure ce n’est pas l’heure, et après l’heure ce n’est plus l’heure ». Meilleure preuve ? L’état d’Israël, « Blitzkrieg » ; Nasser bavasser, « parloter », prononçait des discours-fleuves qui n’en finissaient pas, Israël agissait, tout en détruisant l’armada des avions de guerre de l’armée égyptienne en un seul jour, avant qu’ils ne quittassent le sol.
Aujourd’hui même, nous ne faisons que subir, réagir, au lieu de garder la situation bien en main, d’être acteur, meneur d’opinion, décideur et une force de proposition, dans le but de convaincre et de promouvoir notre cause juste, tout en la rattachant aux intérêts réels de la vie quotidienne, à la réalité historique et à la raison. La récente noyade de sept Marocains au large des Iles Canaries, causée par un navire de la police espagnole en témoigne bien de cette attitude, approche purement passive, contemplative, comme si nous ne serions pas concernés. Il ne faut pas manquer le rendez-vous et apparaître à la traîne de l’histoire.
Nous sommes tenus à présent de penser à une refonte, reconfiguration des profils des ambassadeurs marocains ; vu que les dernières nominations, proposées au Souverain par Mr. Saad Eddine El Othmani, ne peuvent guère nous aider. Il faut qu’il y ait un dosage équilibré, bien agencé, entre fonctionnaires et fins, habiles connaisseurs des pays en question ; car la plupart des fonctionnaires des Affaires Etrangères ne connaissent même pas le pays d’accueil ; ils n’ont jamais rédigé, publié une seule phrase et ne parlent même pas la langue de ce pays ; comment alors tisser des liens forts avec les décideurs locaux, les médias, la société civile, les chefs d’entreprises etc. afin de promouvoir la cause de notre intégrité territoriale ? J’ai vécu plus de 35 ans en Allemagne ; il n’y avait qu’un seul ambassadeur avenant, dynamique et plein de zèle pour une si noble tâche, venu du secteur privé et qui parlait la langue du pays et a su nouer tout de suite, sans perte de temps, des relations fortes avec les meneurs d’opinion locaux, les chefs d’entreprise, les journaux, les chaînes de télévision allemandes, les intellectuels, penseurs, universitaires, la société civile etc. Il faut que notre diplomatie soit visible par le truchement des figures de proue, de bons communicateurs, des intellectuels avisés qui ont une vaste et profonde connaissance du pays d’accueil et de ses sensibilités.
La quasi-totalité des ambassadeurs accrédités au Royaume parlent au moins le français couramment, sinon 4 ou 5 langues étrangères, surtout les ambassadeurs des grandes et importantes nations. Il y a une myriade d’ambassadeurs qui maîtrisent même la langue arabe, comme l’Ambassadeur de l’Inde, aussi bien que son prédécesseur ; Jean-François Thibault, ancien ambassadeur de France au Maroc, est un fin connaisseur de la langue, culture arabe et marocaine. Murad Wilfried Hofmann, un musulman allemand et ancien ambassadeur de l’Allemagne, était un grand érudit et orientaliste. Alors pourquoi cet entêtement ? L’entêtement est le seul qui n’accepte pas la preuve ; et pourquoi dépêcher des ambassadeurs marocains dans des pays anglophones qui ne parlent même pas une seule syllabe d’anglais ?
Mr. Benkirane, il faut remédier à ce problème le plutôt possible ; de plus, un rééquilibrage, une remise dans le jeu de toutes les capacités nationales, un remaniement ministériel sont devenus inéluctables. Sans vouloir entrer trop dans les détails, les compétences de votre équipe touchent bien à leurs limites ; il faut lever les freins et entraves à l’activité pour ne pas sombrer dans le marasme et la récession galopante. Nous avons grand besoin de penseurs, de créateurs de richesse, de visionnaires, d’éminents hommes politiques, à la fois instruits et cultivés, pas de « fonctionnaires-ministres ».
En ces périodes de crise économique et politique, coalition gouvernementale hétérogène, guidée par les égomanies de chaque formation et alimentées régulièrement par des troubles bipolaires en permanence, notre salut ne peut qu’être la refonte d’un « gouvernement de compétences » ; le gouvernement en place est un gouvernement de « cartel ethnique et de copinage » ; car il ne représente guère d’une manière équilibrée et juste toutes les composantes et sensibilités de la société marocaine ; ou est la représentativité de la femme marocaine, de notre minorité juive et noire marocaine ? Il faut bien savoir ce que nous voulons et lancer un débat national, civilisé et serein sur la question suivante : « Quel Maroc voulons nous ? » Un Royaume monarchique, moderne et ouvert sur le monde, ou un empire à l’Oufkir, ethnique et replié sur lui-même, voir les derniers propos du grand routier de la politique marocaine Mhammed Boucetta, recueillis par « Zamane », avril 2013, p. 32, numéro 29.
Car nous ne voulons ni l’éclatement de la société marocaine, ni des tensions d’ordre ethniques qui nous mèneront droit dans le mur, à des affrontements, implacables, irréversibles et inexorables. La monarchie est notre récipient identitaire et la seule garante de la stabilité politique, la prospérité, la paix sociale et la coexistence pacifique, sédiments innombrables de notre histoire et culture qui ont construit la personnalité marocaine d’aujourd’hui.
Mr. Benkirane, vu que toutes et tous nos compatriotes assistent régulièrement à vos interventions au parlement, et que grâce à vous ils/elles s’intéressent de nouveau à la chose publique, pourquoi ne pas officialiser la langue marocaine, reconnue déjà dans la nouvelle constitution, et publier vos discours sur le site gouvernemental et les diffuser par la suite sur support papier afin que tous les Marocains et Marocaines adhèrent à la défense de nos intérêts suprêmes et soient conscients de la menace de contagion de l’erreur, de l’errance et de la déstabilisation que connaîtrait la région ? Etant donné qu’il faudrait mobiliser de plein gré et d’une manière volontaire tout le peuple marocain, et pas seulement les partis politiques, les ONG marocaines qui ne représentent qu’une élite restreinte et minoritaire, adeptes d’une théorie de droit divin sous-jacente.
Professeur Mourad Alami
Universitaire, écrivain et traducteur
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