Les transferts des migrants, un enjeu capital

13 juillet 2007 - 00h00 - Economie - Ecrit par : L.A

Thème récurrent, mais pas lassant. La question des transferts des MRE représente un enjeu majeur pour l’économie et la société marocaines. Ce n’est donc pas par hasard, qu’en pareille période estivale, la thématique de la migration et surtout du « rôle et la place des transferts dans le développement économique et social du Maroc » revient au-devant de la scène. De séminaires aux rencontres qui se chevauchent, les banquiers et les investisseurs, hautement intéressés par la manne des MRE, retroussent leurs manches en ce début d’été.

C’est que les montants transférés, et qui sont en augmentation soutenue d’une année à l’autre, représentent des ressources en devises d’importance stratégique pour l’économie du pays.

En effet, les transferts de fonds des MRE, réalisés par les trois millions d’individus (près de 10% de la population nationale) ont connu ces 10 dernières années une évolution fulgurante passant de 19 milliards de DH en 1996 à plus de 40 milliards de DH en 2005. Au-delà du fait qu’ils constituent un soutien aux familles, en termes de dépenses de consommation courante, les montants des fonds transférés, rapportés aux grandeurs économiques du pays constituent désormais un enjeu fondamental pour le Maroc.

En effet, sur le plan économique, les 4,4 milliards d’euros de recettes réalisées en 2006 ont représenté le quart des recettes courantes de la balance des paiements, constitué 10% du PIB et 7 fois les IDE pour l’année 2004 et plus de 27% des encours globaux des banques. Cette manne a permis, en outre, de couvrir les trois quarts du déficit commercial.

Sur le plan social, l’impact des transferts est loin d’être négligeable : soulagement du marché de l’emploi, amélioration du niveau de vie des familles des migrants, une large répartition des dépôts MRE sur les régions.

Pour l’heure, l’emploi de ces capitaux dans les secteurs productifs reste insignifiant : 72% des fonds vont dans l’immobilier et le foncier, contre 20% dans le secteur des services et 8% seulement dans l’investissement productif.

Cette année, on s’attend à une augmentation des transferts au moins égale à la moyenne des dix dernières années (près de 9%), en dépit de l’engouement des banques étrangères, qui jouent désormais la partition de charme vis-à-vis de la communauté des MRE.

Les chiffres fournis par l’Office des changes font en effet état d’une hausse de près de 16%, au terme des 5 premiers mois de l’année en cours. Les recettes MRE se sont établies à 20.215 millions de DH contre 17.494,4 millions de Dh de janvier à mai 2006, soit une progression de 15,6%, ou 2.720,7 millions de DH de plus par rapport à la même période de l’année dernière. Pour le seul mois de mai 2007, les recettes MRE se sont établies à 4.223,3 millions de DH contre 3.907,1 millions de DH, le mois précédent, soit une hausse de 8,1%.

Il est intéressant de noter que les recettes MRE sont nettement supérieures aux recettes des investissements et prêts privés qui ont totalisé, pour leur part, 14.282 millions de DH, à fin mai 2007.

Cela étant, le Maroc, compte tenu de l’évolution fulgurante des fonds transférés depuis le début des années 2000, est devenu l’un des pays où le ratio des fonds transférés per capita est l’un des plus élevés au monde. Par ailleurs, les arrivées des MRE ont connu depuis 1996 à 2005 une hausse moyenne annuelle de 11,3% passant ainsi de 1,06 million à plus de 2,7 millions.

Devenu facteur essentiel du développement humain, à la fois sur le plan local, régional et national, la question de la migration a fait l’objet, l’année dernière, d’un séminaire organisé par le Conseil Consultatif des Droits de l’Homme (CCDH) sur « Le rôle et la place des migrations marocaines dans le développement humain », avec l’objectif affiché de s’intéresser essentiellement aux enjeux des migrations et du développement, des transferts financiers et de savoir-faire et du rôle des associations en tant qu’acteurs de développement local.

A noter que SM le Roi Mohammed VI avait confié au CCDH la mission de mener des consultations préalables et de lui soumettre des propositions, notamment en vue de la constitution du Conseil supérieur des Marocains résidant à l’étranger.

Les séminaristes ont relevé que seuls près de 15 % de ces fonds transitent par les banques en raison sans doute de la faible bancarisation des MRE dans les pays de résidence d’une part et de la faible bancarisation de leurs familles récipiendaires de ces fonds au Maroc, étant entendu qu’en Espagne, la part de l’informel se monte à 35% des fonds rapatriés alors que les organismes de transferts d’argent se taillent près de 50% des fonds en dépit de la cherté de ce mode.

Ce séminaire, rappelons-le, devait débattre d’une question cruciale : comment capter une partie de ces fonds aux possibilités d’investir au Maroc dans des secteurs productifs de richesses et d’emploi et comment amener les banques à proposer des offres spécifiques et adaptées aux besoins de ce segment.

Aussi, pérenniser ces flux (ce qui est peu évident) devenus primordiaux dans la politique macro-économique de notre pays et préserver au mieux les intérêts des personnes concernées, le séminaire du CCDH devrait mener des études de benchmarking en vue d’analyser les contraintes que rencontrent les MRE dans leur désir d’investir (opportunités économiques, structures d’accompagnement ou d’aide à la création d’entreprises, éloignement, problèmes de gestion à distance ou de confiance, problèmes administratifs, accès au crédit, …)

Un autre séminaire, prévu à Rabat, les 19 et 20 juillet courant, à l’initiative de la Fondation Hassan II, sur « Les transferts des migrants : expériences et perspectives », constitue, sans aucun doute, un prolongement de la conférence internationale Euro-Africaine tenue en 2006, et se veut un espace d’échange, d’évaluation et de prospection des instruments de transferts nouveaux. Ce ne sera certainement pas le dernier, mais, comme dit l’adage, « du débat jaillit la lumière ».

Libération - Abdelouahed Kidiss

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