Depuis la promulgation de la nouvelle loi « asile et immigration » en France, les expulsions sous OQTF visent désormais plusieurs catégories d’étrangers autrefois protégées par la loi.
Amnesty International vient de rendre public un rapport des plus accablants pour les forces de sécurité espagnoles. Dans ce document, Amnesty retrace sept ans de ce qu’elle appelle une existence “habituelle et étendue” en Espagne de tortures et de mauvais traitements d’origine raciste perpétrés par les forces de sécurité espagnoles (Garde civile mais aussi les diverses polices des gouvernements autonomes) à l’encontre des immigrés et des minorités ethniques. Ces actes ont visé notamment des ressortissants africains, pour la plupart marocains ainsi que ceux en provenance des pays de l’Amérique latine.
Ce document, intitulé “Crise d’identité : tortures et mauvais traitement d’origine raciste par les agents de l’Etat”, ce rapport recense pas moins de 320 cas entre 1995 et 2002 contre des ressortissants de 17 pays. Amnesty détaille surtout les péripéties de 32 cas ayant visé notamment des Marocains. Des constats commentés par les responsables d’Amnesty comme étant plutôt dignes d’une dictature que d’une démocratie européenne où règne un dangereux “climat d’impunité”.
Dans son préambule à ce rapport, Amnesty déplore le fait que cela fasse partie de tout un climat que viennent conforter des déclarations irresponsables et publiques d’hommes politiques, relayées par plusieurs médias et trouvant écho chez des groupes racistes comme les skinheads dont le nombre a considérablement augmenté.
En fait de rapport sur ces graves atteintes à la dignité de la personne, la plus grande partie est consacrée aux tracas dont font notamment les frais les ressortissants marocains et, bizarrement, dans nos deux cités occupées.
Le plus flagrant des faits relatés concerne les évènements de février 2000 à El Ejido et Amnesty écrit que tout porte à croire que les graves violences ayant visé les immigrés ont, d’une manière ou d’une autre, été encouragées par les forces de police, du moins par le fait que ces dernières se sont abstenues d’intervenir au moment où des Marocains se faisaient lyncher par des racistes en fureur après avoir vu ce qui leur servait de domiciles partir en fumée. Amnesty cite également beaucoup de cas où des Marocains, ayant échappé à la vindicte raciste, avaient été tabassés et insultés par les forces de police espagnoles.
Le rapport est jalonné de faits avérés et dont les responsables n’ont pas été inquiétés ou alors simplement réprimandés par une justice peu encline à épouser la cause des immigrés. Ainsi en est-il de ce jeune Marocain mort en détention à Sebta en novembre 2000. La justice, elle , semble s’être ralliée à la thèse du suicide avancée par les policiers espagnols au moment où la famille de la victime continue de clamer que le Marocain n’avait aucune raison de choisir une telle option. L’affaire en restera là. Plus récemment encore, Amnesty revient sur cette autre affaire d’un autre Marocain mort dans un hôpital une heure et demie après son interpellation par les policiers espagnols en août dernier. L’autopsie avait conclu à une asphyxie et des contusions au visage. Cette affaire reste également irrésolue et les responsables courent toujours.
Ce ne sont que des cas, entre autres, illustrant la gravité d’une situation qui continue d’ailleurs à perdurer malgré les appels répétés d’organisations internationales de droits de l’Homme. Plusieurs cas, recensés dans ce rapport, prouvent que demander un renseignement, exiger des explications ou même proposer ses services d’interprète peut mener à une situation inextricable avec les policiers espagnols. Un entrepreneur Marocain en avait fait les frais le jour où il a proposé de faire l’interprète à un jeune policier qui rudoyait un marocain sexagénaire.
Pour ce qui des enfants, le rapport d’Amnesty est plus qu’alarmant. Sur la période en question, 12 mineurs détenus dans un centre d’accueil à Sebta auront été victimes d’agressions sexuelles. Un grand nombre d’enfants, dits non-accompagnés dans les deux villes occupées, sont systématiquement expulsés vers le Maroc dans des conditions inhumaines. Des gamins dont l’âge ne dépasse pas les 10 ans sont acheminés vers la “frontière” et lâchés dans la nature. D’autres se trouvent face au même sort alors qu’ils ont passé plusieurs années dans ces deux villes où ils continuent à avoir de la famille. Selon Amnesty, les autorités des deux villes ont cherché à maintes reprises à soustraire à la législation espagnole protégeant les enfants. Parler dans ce cas du respect des conventions et traités internationaux serait chose inutile. En mars dernier, près d’une trentaine d’enfants marocains en instance d’expulsion de Sebta et Melilia, avaient observé une grève de la faim, sans résultat.
Ce rapport revient aussi en détail sur les agressions sexuelles perpétrées par les policiers espagnols contre les immigrées, marocaines pour la plupart. Plusieurs en feront les frais en 1996 et 1998 à Mellilia, alors que deux policiers espagnols ont été arrêtés en mars 1999 pour des agressions sexuelles contre deux Marocaines et, en juin 2000, ce sont carrément des membres de la police espagnole qui sont arrêtés à Sebta où ils supervisaient un réseau de prostitution. Ces derniers maintenaient en captivité 21 femmes, Marocaines pour la plupart, et les poussaient à se prostituer avec la promesse de les aider ultérieurement à passer de l’autre bord de la frontière.
Ce ne sont là que des exemples flagrants de ce que plusieurs associations et organisations n’ont cessé de décrier.
C’est la première fois également que la grande ONG fasse un tel rapport à propos d’un pays européen. La démarche d’Amnesty aura été dictée par les déclarations du gouvernement Aznar. Déclarations jugées “déconcertantes” par Amnesty au moment où la presse, les ONG et les défenseurs du peuple espagnols relatent régulièrement des faits qui tracent une situation plus que préoccupante.
Il y a plusieurs semaines, un autre rapport faisait état de graves violations des droits de l’Homme dans les Iles Canaries et les drames qui se jouent dans les centres de détention des clandestins.
Liberation
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