Au Maroc, certains présidents de commune, candidats à leur succession à l’occasion de la session d’octobre, sont accusés d’avoir commencé à acheter les voix de certains élus pour garantir leur réélection.
A une dizaine de jours du démarrage de la campagne électorale au titre des élections législatives du 7 septembre, l’effervescence est montée d’un cran. Les principales formations politiques ont d’ailleurs déjà dévoilé leurs têtes de liste. Un véritable casse-tête pour les dirigeants des partis qu’ils ont réussi quand même à dépasser. Mais, ce ne fut pas sans dommages collatéraux.
Les enjeux sont considérables, les ambitions individuelles le sont encore plus. La règle étant de privilégier le candidat qui a le plus de chance de passer. Mais ce n’est pas toujours le cas. L’exercice a démontré que les calculs politiciens l’emporte souvent sur le militantisme. Les exemples sont légion, notamment chez les formations se prévalant du courant démocrate.
C’est le cas notamment pour le PPS qui a préféré mettre au-devant de la scène Guejmoula Bent Ebbi (6 mois à peine au PPS) au détriment de la militante de toujours (39 ans au parti), Nouzha Skalli. C’est aussi le cas pour Taïb Ghafès, ex-ministre des Pêches et Anis Birou, secrétaire d’Etat chargé de l’Alphabétisation que le Rassemblement national des indépendants (RNI) n’a pas encouragé à se présenter. En revanche, le parti a mis en avant des hommes d’affaires et industriels tels Commandant Karia, patron d’IMTC, dans la circonscription de Aïn Sebaâ- Hay Mohammadi à Casablanca, Chafik Rachadi, président de la Chambre de commerce de Settat, ou encore Driss El Houate, président de la Fédération des chambres de commerce. Évidemment, toutes ces candidatures ne seront effectives qu’une fois validées par la Commission administrative chargée des élections, laquelle relève du département de l’Intérieur.
Quelle lecture peut-on faire au-jourd’hui de ces différents « castings » ?
Premier constat : la Koutla n’a pas présenté de candidatures communes contrairement à ce que ses dirigeants laissaient entendre. Chacune des formations fait donc cavalier seul. Quoique les trois formations qui composent cette alliance (USFP, PI, PPS) ont convenu de sortir avec un programme commun à la veille de la campagne électorale. Une feuille de route qui sera présentée parallèlement aux programmes respectifs des trois partis.
Autre constat, certaines circonscriptions seront le théâtre de confrontations « musclées », même entre alliés. Les prémices de cette « bataille pour les sièges » sont déjà là. Dans la circonscription de Rabat-Océan par exemple, Abdelhamid Aouad (PI) devra affronter Latifa Jbabdi de l’USFP. Non loin, à Rabat-Chellah, le socialiste Drisss Lachgar sera opposé à l’Istiqlalien Moustapha Boukhriss. A Casablanca-Anfa, Yasmina Baddou a pour concurrents Ahmed Zaki du PPS et Moustapha Ibrahimi (USFP). A côté, à Hay El Hassani, où la bataille promet d’être rude, le promoteur Bouchta Jamaï (PI), du groupe immobilier du même nom, devra faire ses preuves face à Mohamed Karam, candidat usfpéiste.
Dans l’ensemble, tous les partis alignent ce qu’ils ont de meilleur dans un patchwork apparemment bien étudié. Qui aurait pensé que Saâdeddine El Othmani, numéro 1 du Parti de la Justice et du Développement (PJD), laisserait son fief d’Inezgane pour briguer un siège à la circonscription de Hay Hassani ? Il aura en face de lui de grosses pointures, telles Abdelouahed Souhaïl, membre dirigeant du PPS et membre du Conseil de la ville de Casablanca, Abdellah Azmani (ex-UC et ex-ministre du Commerce et de l’Industrie), ou encore Mustapha Boudraâ, élu communal jouissant d’une grande popularité dans cette circonscription.
Mais c’est certainement dans la circonscription de Fès-Nord que l’on fera sortir la grosse artillerie. Déjà depuis quelques semaines, PI et PJD s’affrontent ouvertement par députés interposés. Le conflit Chabat/Daoudi continue à défrayer la chronique et à faire les choux gras des médias. Un véritable feuilleton à rebondissements qui a fini par atterrir au Parquet.
Marrakech connaît aussi le même scénario. La Ville ocre a également récolté son lot de « joutes » » entre politiques du même parti ou de partis concurrents. Tout autant qu’El Jadida ou Safi, ou encore certaines villes des provinces du Sud.
Par ailleurs, l’arrivée impromptue de Fouad Ali El Himma dans la circonscription de Benguérir, a brouillé les pistes. Elle a complètement chamboulé les scenarii des principales formations politiques. Ces dernières, désarçonnées par cette sortie d’El Himma, redoutent l’amalgame que cette candidature risque de susciter auprès de l’électorat, fût-il du monde rural.
D’ailleurs, le PJD est allé plus loin pour dénoncer ce qu’il appelle déjà « une concurrence déloyale envers les partis politiques ». Pour Lahcen Daoudi, numéro 2 du parti, « la machine de l’Intérieur (dont El Himma a été ministre délégué) risque de peser de tout son poids. Qui est ce moukaddem, voire ce caïd, qui osera dire non au candidat El Himmma ?
Ou encore qui garantira qu’un candidat X du PJD aura les mêmes chances et traitement face au tonitruant El Himma ? », s’interroge Daoudi.
La validation des listes nationales réservées aux femmes (30%) reste jusque-là le talon d’Achille de nombreuses formations politiques. Même les partis se prévalant d’un appareil structuré et constituant une machine bien huilée, ont trouvé des difficultés à mettre sur pied la liste féminine.
A l’USFP, la pomme de discorde vient justement des critères de sélection qui apparemment ne font pas l’unanimité. Ce qui s’est traduit par des démissions, retraits de candidatures…, et une polémique s’en est suivie. Au RNI, le problème est autre : Mustapha Mansouri, président du parti, a indiqué à L’Economiste qu’une seule femme figure parmi les candidats des listes locales. Et ce pour la simple raison que les femmes ayant suffisamment de chances de passer, sont rares. Pour le PJD, le Secrétariat général a eu du mal à convaincre ses militantes pour se porter candidates. A peine annoncée, la liste nationale du PJD s’est rétrécie. Certaines candidates se sont désistées. Parmi elles, Mme El Ouafi, une MRE d’Italie.
Les circonscriptions de ... la mort
Rabat-Chellah, Rabat-Océan, Casa- Hay El Hassani, Casa-Anfa, Fès-Nord, Marrakech, Laâyoune, Rhamna…, sont autant de circonscriptions où il ne fait pas bon se présenter.
Pourtant, les candidats se bousculent au portillon. Et c’est de bonne guerre ! Des signes avant-coureurs renseignent déjà sur l’intensité de la concurrence et la complexité du choix de l’électorat face à un parterre de candidats aussi « costauds » les uns que les autres.
Forts des programmes chiffrés et mesurables de leurs partis, les candidats auront des arguments à défendre. Ils n’auront pas honte, cette fois-ci, de faire du porte-à-porte pour « se vendre en même temps que le programme ».
Bahraoui devant la justice
Omar El Bahraoui, ancien directeur des Collectivités locales et président du Conseil de la ville de Rabat, risque gros. Il doit comparaître, demain jeudi vers 13 heures, devant le Tribunal de première instance de Rabat suite à son interpellation pour avoir rassemblé quelques 81 personnes dont des fonctionnaires communaux, à son domicile. Les chefs d’accusation retenus contre Bahraoui sont : « campagne électorale prématurée », « utilisation de moyens appartenant à la Commune pour influencer les électeurs », « promesses électorales » et « non-respect de la réglementation électorale ». Outre Omar El Bahraoui (Mouvement Populaire), trois autres mis en cause de la même Commune comparaîtront dans le cadre de cette affaire devant le tribunal.
Les 81 personnes présentes jeudi soir au domicile du président de la commune (sis au quartier Souissi à Rabat), perquisitionné par les forces de l’ordre, seront convoquées par la cour en tant que témoins.
Contacté par L’Economiste, El Bahraoui « dénonce une machination orchestrée contre lui » par son principal concurrent aux législatives, sans le nommer. Selon lui, le parti lui a interdit de faire des déclarations à la presse. Un communiqué de presse devait être rendu public, hier, par la direction du parti.
A rappeler que des groupes d’intervention rapide ont été mis à la disposition du Parquet général pour constater les « cas de flagrants délits en matière de violation des lois électorales ».
Les mesures prises par le Parquet s’inscrivent dans le cadre des recommandations adoptées lors de la réunion de la commission mixte regroupant les ministères de la Justice et de l’Intérieur pour garantir le bon déroulement des prochaines élections législatives.
Leaders
On s’en doutait : Presque tous les chefs de parti vont se porter candidat aux législatives 2007. Excepté Mohamed El Yazghi, 1er secrétaire de l’Union socialiste des forces populaires (USFP), la tendance aujourd’hui veut que tout le monde s’y mette et descende sur le terrain. Alors pourquoi pas les dirigeants et leaders de parti ? C’est le cas pour Ismaïl Alaoui, SG du PPS, qui se présente à Taounate, Abbas El Fassi, SG du PI, qui revient dans son fief de Larache, Abdelouahed Radi, candidat à Béni Hssen dans le Gharb. Habib El Malki compte rempiler à Boujaâd.
Sâadeddine Othmani, SG du PJDE, a pour sa part opté pour la circonscription de Hay El Hassani à Casablanca. Abdelkrim Benatiq, SG des Travaillistes, devra faire ses preuves à Rabat-Chellah. Quant au porte-parole du gouvernement et ministre de la Communication, Nabil Benabdellah, il défendra les couleurs du PPS à Témara. Pour Mustapaha El Mansouri, président du RNI, ce sera la circonscription de Nador Sud-Est. Mohand Laenser, SG du MP, est pour sa part candidat à Boulemane. Karim Ghellab, ministre de l’Equipement et des Transports, sera, lui, le candidat istiqlalien à Ben Msik. Quant à Rachid Talbi Alami, ministre du RNI, retentera sa chance à Tétouan.
"Dans l’ensemble, tous les partis alignent ce qu’ils ont de meilleur dans un patchwork apparemment bien étudié"
L’Economiste - Jamal Eddine Herradi & Amin Rboub
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