Le ministre de la Jeunesse, de la culture et de la communication, Mohamed Mehdi Bensaid, a assuré vendredi de la forte implication de son département dans le plan de reconstruction des sites historiques touchés par le séisme.
En lisant la presse de cette semaine, on a le choix entre l’improbable procès de Driss Basri et l’inévitable tremblement de terre d’Al Hoceima. Le lien entre les deux, il ne faut pas le chercher. Quoique... Faire le procès des années Hassan II et de son maître d’œuvre Si Driss, coupables de la marginalisation du Rif, ne serait pas de trop.
Mais bon, l’histoire est trop longue. Il faudrait remonter jusqu’aux années Oufkir, au massacre de 1958 voulu par Hassan II, alors prince héritier. Il faudrait retracer l’étymologie de ce néologisme d’Aoubach (entendez insectes à écraser) que Hassan II avait inventé pour bannir à jamais les Rifains de son royaume utile. Mais ce serait trop long. Et puis, le séisme nous oblige à vaquer au plus urgent.
Première leçon : Le Maroc est un royaume uni. Quelques heures après le drame, le premier avion qui a atterri sur place portait à bord deux voitures royales. Les années d’abandon et d’exclusion sont oubliées. Les secours se sont accélérés sur ordre royal. Les Rifains ne sont plus des Marocains de seconde zone, comme l’a longtemps distillé dans les consciences feu Hassan II.
Deuxième leçon : Heureusement que les Espagnols sont revenus. Tous ceux qui ont sillonné les routes accidentées, escarpées, menant aux villages réduits à néant par les secousses, l’ont remarqué de visu. S’il n’y avait pas des ONG locales et des programmes de coopération intensifs avec les Espagnols, plusieurs demeures seraient sans lumière, plusieurs localités seraient sans eau courante et plusieurs dchar (mini-villages) seraient inaccessibles par voie terrestre. Et puis, les rescapés du séisme n’auraient pas eu droit à un service médical performant. Le seul grand hôpital d’Al Hoceima, quoique portant le nom de Mohammed V, est né d’une coopération ibérique. On s’en rend compte, aujourd’hui, dans un moment de détresse. Mais, il ne faut pas l’oublier, depuis la décolonisation espagnole, le désengagement de l’État a été long et irrémédiable.
Troisième leçon : Les Rifains cherchent État-providence désespérément. Le séisme est un indicateur, grandeur nature, de l’état de santé du secteur immobilier. À Imzouren, le spectacle de bâtisses fissurées et d’autres, mitoyennes, réduites en amas de pierres - les responsables n’ont cessé de le réitérer - est dû au non respect des normes antisismiques, pourtant en vigueur. Difficile d’évaluer les vies qui auraient pu être épargnées par un contrôle plus strict des normes de construction. Les gens se sentent mal barrés. Avec un État corrompu, qui ne veille même pas à contrôler les gros œuvres, des quartiers entiers sont menacés, pas seulement de tremblements de terre, mais d’effondrement pur et simple. Certes, une catastrophe naturelle prend tout le monde de court. Les secours ne peuvent pas tomber du ciel. Quoique, l’aide internationale a été déterminante. Mais au bout de quatre jours, les gens sans abri, sans aide, ont fini par manifester. Ils attendent de l’État un service public minimal. Un redoublement d’efforts en temps extraordinaires. Et l’État, rompu à la matraque à chaque sit-in, a répondu par la violence. Les gens auraient aimé avoir plus de médecins à leur écoute. Ils ont eu droit à plus de gendarmes pour leur intimer le silence. Le quiproquo est classique. Servir un État gendarme à une population qui demande un service public est désolant.
Dernière leçon : Et si l’agence de développement du Nord faisait son travail ? Avec une bâtisse flambant neuf en plein centre de Rabat, l’agence dirigée par Driss Benhima s’illustre par son souci manifeste de proximité. Mais ce n’est pas le moment de faire de l’ironie. Le plus gros enseignement de ce séisme est que le développement du Rif ne peut se faire tant que la population est disséminée dans des minuscules bourgades (300 habitants en moyenne) isolées les unes des autres et très mal reliées entre elles. Malgré les mafias locales qui construisent des routes de fortune pour acheminer le kif et des ONG qui colmatent les brèches, ici et là, la région a l’allure d’un gruyère rongé par le délaissement. Jusqu’à quand ?
Tel Quel
Ces articles devraient vous intéresser :