Le tourisme marocain tire son épingle du jeu malgré une conjoncture difficile

6 janvier 2004 - 20h05 - Maroc - Ecrit par :

Alors que responsables et opérateurs s’attendaient au pire en raison d’une conjoncture morose perdurable, le tourisme marocain a réussi, relativement certes, à tirer son épingle du jeu.

L ’agriculture, le tourisme et les transferts des Marocains résidant à l’étranger (MRE) restent les principales mamelles de l’économie marocaine. Lorsque l’une d’elles est confrontée à une difficulté réduisant ses performances, c’est tout l’équilibre qui est compromis. Ainsi, depuis le 11 septembre 2001 le secteur touristique marocain peine à limiter la casse, tente de trouver de nouvelles idées, d’inventer les produits capables de compenser la baisse prévue de ses revenus. Les attentats du 16 mai à Casablanca n’ont pas facilité les choses, malgré la serénité affichée par une partie des investisseurs étrangers, précisant que « [leurs> plans, dans ce domaine n’ont pas été revus à la baisse, après ces événements tragiques ». Dans ce contexte, un sondage réalisé par notre confrère marocain Économie & Entreprises fait ressortir une régression estimée jusqu’à 25 % par rapport à 2002. Fathia Bennis, directeur général de l’Office national du tourisme marocain (ONMT), affirme, au contraire, que les résultats positifs sur les cinq derniers mois de l’année montrent un redressement de la barre. Un constat que partagent de nombreux opérateurs de la place. Selon les voyagistes européens, la baisse se situe entre 16 et 18 % à la fin de l’année en cours. Il y a eu, donc, un rattrapage significatif, notamment après un retard de plusieurs semaines, enregistré à partir de la mi-juin dernier. Pour preuve, les hôteliers de Marrakech, d’Ouarzazate et d’Agadir parlent d’une récente ruée sur les réservations. Plus particulièrement, après les attentats d’Istanbul et les annulations qui ont suivi. Trois destinations sont désormais conseillées par les voyagistes : Dubaï, Marrakech et Charm el-Cheikh.

Alchimie du redressement. Multiples sont les facteurs qui ont aidé le tourisme marocain à garder la tête hors de l’eau, notamment pour l’exercice actuel. Néanmoins, la mobilisation du public et du privé pour le secteur a démarré bien avant les attentats de Casablanca. Et les progrès constatés actuellement sont le fruit des efforts déployés depuis plus d’un an et demi. Date où l’ONMT a mis en place sa stratégie : ciblage, indexation, pluralité et proximité. Pour le premier point, il s’agit des marchés prioritaires et de la concentration des budgets de promotion. Concernant l’indexation ou actions de partenariat avec les voyagistes, le nombre de contrats avec ces derniers est passé de 40 à 80 depuis plus d’un an ; le nombre d’invités par l’office, qu’ils soient journalistes, professionnels du tourisme ou leaders d’opinion, a augmenté de 1 700 à 10 000. De plus, les campagnes engagées ont permis de développer la visibilité sur des marchés où la communication était, jusqu’ici, institutionnelle. Quant à la pluralité, il s’agit des destinations mises en valeur, tout en construisant plusieurs marques touristiques pour tirer profit des potentialités existantes et de l’authenticité du patrimoine, plus précisément liée aux villes impériales, Marrakech et Fès en tête. Reste la proximité, culturelle en particulier : reprofilage de l’image, innovation des produits, gastronomie et qualité de vie ; et ce, aussi bien dans le cadre des manifestations culturelles menées dans les pays émetteurs que sur le plan des festivals et moussems (saisons), initiés à travers le royaume.

Autre composante du redressement : le pari sur le tourisme interne. Les chiffres publiés à la mi-septembre par le ministère concerné montrent que les nationaux ont compensé en partie les désistements des étrangers. Notamment allemands, ces derniers ayant annulé leurs réservations juste après les attentats de Casablanca – le douloureux souvenir de l’île de Djerba en Tunisie semble être encore très présent.

Ce qui n’a pas été le cas, par exemple, pour les touristes français. Le tourisme interne, MRE compris, sur la ville de Marrakech a enregistré une hausse d’environ 20 % et sur Essaouira de 12 %. Si la régression du nombre d’Européens sur la première a été aux alentours de 5 % et de 3 % sur la seconde, la baisse globale s’est située à 1,5 % par rapport à la mi-septembre 2002. Quant à Tanger, qui n’a cessé de gagner du terrain durant les neuf premiers mois de 2003, plus de 158 000 touristes nationaux l’ont visitée (près de 60 % du total). Nette augmentation, en comparaison avec la même période de 2002 (près de 14,5 %).

Par ailleurs, les opérateurs privés du secteur touristique et les pouvoirs publics donnent « un bon point » à la campagne promotionnelle baptisée « Kounoz Biladi » (trésors de mon pays), lancée par l’ONMT. Pour Othmane Charif Alami, P-DG d’Atlas Voyages, « cette opération non seulement a été une réussite médiatique, mais elle a permis de récupérer un marché jadis considéré comme inaccessible ». Si nombre d’opérateurs locaux n’ont pu s’adapter aux formules packages proposées par Kounoz Biladi, comme la baisse des prix de 50 % sur le transport et l’hébergement hôtelier à travers 14 régions du pays, les résultats, en général, ont été satisfaisants. En effet, l’orientation vers le tourisme interne, prônée activement ces dernières années par la Fédération nationale du tourisme, a fait découvrir aux responsables et opérateurs du secteur une « manne » jusqu’ici inconnue. Aussi, les dirigeants de la Fédération n’hésitent plus à donner des leçons : « Il faut, une fois pour toute, prendre en compte que le marché national a sauvé les meubles ! Et le considérer, dorénavant, comme principale cible, non plus comme une roue de secours. » Et d’ajouter : « Les mentalités des responsables et de certains opérateurs, focalisés toujours sur l’Europe, doivent changer ! »

Le tourisme national représente plus de 9 millions de voyageurs. Et les nouvelles politiques d’attraction qui seront mises sur les rails après les 4e assises du tourisme, prévues en février prochain, lui permettront de franchir la barre des 10 millions, en 2004. Année, selon les experts de la profession, où toutes les batailles vont commencer.

Économie des festivals. Moussems, festivals, organisés dans les différentes villes et régions du Maroc sur toute l’année, et actions culturelles, lancées à partir des capitales occidentales et arabes, ont, à leur tour, attenué l’ampleur de la crise du secteur. Selon les statistiques, 650 manifestations ont eu lieu cette année : grandes fêtes populaires, foires, actions de divertissements. Ils font travailler des centaines de PME, créant des dizaines de milliers d’emplois fixes et à temps partiel. Une étude établie en octobre dernier par le ministère des Finances montre que les festivals ont rapporté un peu plus de 80 millions de dirhams (1 e = 10,97 DH) en 2003. À cela s’ajoutent les retombées économiques liées aux séjours hors du lieu des festivals. Ce qui multiplie le chiffre d’affaires des hôtels, restaurants et bazars. Les recettes de ces derniers auraient avoisiné 20 millions de dirhams.

L’organisation des festivals est devenue une profession participant efficacement à la promotion mondiale du tourisme marocain. Comme le Festival des musiques sacrées du monde qui se produit chaque année à Fès ; ou le Festival d’Essaouira Gnawa Musiques du monde. Cette musique de confréries très médiatisée ces deux dernières années attire des centaines de visiteurs de marque. Ainsi que le Festival international du film de Marrakech qui accueille en octobre des stars du monde entier.
Certaines opérations, tel le tournage d’Alexandre, d’Olivier Stone, à Marrakech, Essaouira et El-jadida, avec un budget de 150 millions de dollars, ont des répercussions financières et médiatiques positives. De même, la série des « semaines du Maroc », organisée par l’ONMT sur toute l’année ; et la participation aux grands salons touristiques dont le premier a démarré le 13 septembre dernier, à Londres, à l’occasion de la 35e édition du World Travel Market (4900 exposants venus de 172 pays et plus de 22 000 visiteurs).

Malgré ces indices encourageants sur la capacité du tourisme marocain à résister à la conjoncture internationale morose du secteur, mais aussi à engendrer des plus-values qui compensent les baisses des revenus, la bataille de 2004 s’annonce rude. Ce qui a poussé l’actuel ministre, Adil Diouri, à lancer l’« éternel » débat quant à l’adoption du tourisme de masse, et les revenus que le pays pourrait en tirer.

Aujourd’hui, l’objectif principal de l’ONMT : positionner le Maroc parmi les 20 destinations touristiques mondiales, constituant la stratégie globale de la « vision 2010 ». À savoir, faire passer le flux d’entrées touristiques à 10 millions de personnes contre environ 2,5 millions actuellement. Rentrées en devises attendues : l’équivalent de 80 milliards de dirhams. Ce qui permettra, selon les plans, de créer près de 600 000 emplois et d’ajouter 2 à 3 points à la croissance du PIB par an. « C’est trop utopique pour être vrai », commente un grand professionnel du secteur.

Sources : Arabies

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