La frontière entre l’Algérie et le Maroc a été exceptionnellement ouverte cette semaine pour permettre de rapatrier le corps d’un jeune migrant marocain de 28 ans, décédé par noyade en Algérie.
La question du renforcement des frontières avec le voisin de l’Est est un souci qui préoccupe les autorités marocaines depuis quelques années déjà. L’heure a, semble-t-il, sonné pour passer à l’action. La visite du général Abdelaziz Bennani, Commandant en chef de la zone Sud à Ouarzazate et régions a permis de faire le point sur la situation qui y prévaut. Les dispositifs, quant aux dernières mesures à prendre, ont été ainsi évalués ces derniers jours. On s’attend alors à l’alignement prochain de davantage de troupes militaires marocaines pour sécuriser des frontières longues et « poreuses ».
Il n’y a pas longtemps, en effet, des éléments des Forces auxiliaires au niveau de la région de Tata ont été punis pour n’avoir pas pu rapporter une grande opération de trafic de camelins. D’aucuns disent qu’il s’agissait, en fait, plus que des chameaux. Mais, pour les connaisseurs de la région, ce genre de trafic ainsi que celui des cigarettes sur des points proches de M’hamid El Ghizlane font désormais partie du quotidien de la région.
Il est vrai que de temps à autre, à intervalles de quelques mois, des communiqués de la gendarmerie Royale font état de saisie de tonnes de cigarettes et d’arrestation du chauffeur, mais pas plus que cela. Ce dont on a peur est que lorsqu’il y a trafic de marchandises normales, des groupes armés nocifs ne sont jamais loin. D’ailleurs, les cas de Tétouan, M’diq, Larache et Tanger sont notoires en la matière. L’infiltration de groupes islamistes au sein de ces réseaux ne fait plus l’ombre d’un doute. Des rapports secrets espagnols ont en fait état ces derniers mois.
Il ne faut donc pas se leurrer, l’action de renforcer le ceinturon frontalier relève de raisons plus sérieuses. Depuis plus de trois ans, les rapports des services de renseignements américains, français, espagnols et même tchèques comportent des informations faisant état d’activités intenses de certains groupes appartenant ou du moins ayant des affinités idéologiques avec la nébuleuse d’Al Qaïda. Et depuis un peu plus de deux mois, des informations ont fait état d’une infiltration d’armes à partir du tronçon reliant Tata, Foum Lahssen et M’hamid El GHizlane. Donc, pas de fumée sans feu.
Si on passe du côté des recherches effectuées et rendues publiques dans ce sens, on évoque d’emblée l’exposé que le professeur de géopolitique à la Sorbonne, Aymeric Chauprade, a donné en décembre dernier à l’Université de Genève au sujet de la mutation en cours au sein du mouvement du polisario. M. Chauprade qui est également directeur des études à l’Ecole de Guerre de Paris, rédacteur en chef de la Revue française de géopolitique, a affirmé que l"évolution de la formation séparatiste qui élit domicile à Tindouf, sud-ouest de l’Algérie, serait en train de basculer vers l’islamisme radical et le terrorisme. Même son cloche chez l’ISISC, pour qui Al-Qaïda aurait déployé un « quartier général opérationnel » destiné à propager son idéologie et son combat en Afrique et à frapper le Maghreb et l’Europe. Récemment, les services algériens ont tenu à prendre en main la situation dans certains camps, notamment celui de Dakhla.
Si l’affaire de Zouérate en Mauritanie avait braqué les projecteurs sur cette zone du nord de l’Afrique, le revirement du GSPC algérien (Groupe salafiste pour la prédication et le combat) pour être dans le giron d’« Al-Qaïda », en s’autoproclamant « Al-Qaïda aux pays du Maghreb », replace cette zone au coeur du débat de toute la communauté internationale en accord pour la lutte contre le terrorisme.
Libération - Nouri Zyad
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