Tout le monde a crié au scandale. La commission européenne, à travers le groupe vert du Parlement européen, a inscrit les derniers refoulements et expulsions à l’ordre du jour de la prochaine réunion du sous-comité des droits de l’Homme du Conseil d’association Union européenne-Maroc les 22 et 23 janvier à Bruxelles. Le HCR (Haut commissariat aux réfugiés) a appelé le Maroc à respecter le droit d’asile et précise que parmi les expulsés figurent pas moins de 70 détenteurs de carte de réfugiés ou demandeurs d’asile. Un collectif d’associations de la société civile marocaine est monté au créneau, dont l’Afvic (Amis et familles des victimes de l’immigration clandestine), l’ALCS (Association de lutte contre le sida) ou encore l’AMDH (Association marocaine des droits de l’Homme) pour s’élever contre la persécution des Subsahariens, « victimes des politiques sécuritaires menées par l’Union européenne et ses partenaires ». Amnesty International s’est adressée, quant à elle, à la Commission européenne en lui demandant de revoir sa collaboration avec le Maroc dans la lutte contre la migration clandestine, suite aux derniers événements.
Notre ministre des Affaires étrangères, M. Benaïssa, a visiblement un autre avis sur la question. Lors d’une séance plénière au Parlement, il a fait l’éloge de la politique marocaine dans la gestion du dossier des migrants subsahariens, omettant au passage de parler des dernières descentes opérées dans différentes villes du royaume.
Le Maroc, plus que jamais gendarme …
Les événements en question remontent à la fin de l’année dernière. Le 23 décembre dernier, la population subsaharienne résidant dans des conditions plus que précaires a été la cible de rafles menées par les autorités marocaines. A Douar El Hajja comme à Takadoum, les forces de l’ordre, policiers et éléments des forces auxiliaires, ont mené des rafles qui ont abouti à l’arrestation de près de 240 personnes qui ont été renvoyées en Algérie via un poste frontalier près d’Oujda. Deux jours plus tard, même scénario, cette fois-ci du côté de Nador où près de 40 Subsahariens ont également subi le même sort. Deux jours avant le nouvel an, d’autres migrants subsahariens ont fait l’objet d’interpellations à Laâyoune.
« Ce qui s’est passé durant le mois de décembre n’est pas un fait isolé. C’est quelque chose qui se passe au quotidien. Durant le mois de janvier, plusieurs demandeurs d’asile ont été expulsés. Pis encore, Ils ont été dépossédés du maigre patrimoine dont ils disposaient : téléphone portable, argent », raconte M. Khalid Jemmah, président de l’Afvic. Mais, qu’est-ce qui a poussé les autorités marocaines à adopter une telle posture ? Ils sont plusieurs à citer les pressions européennes sur le Maroc pour que ce dernier gère la sous-traitance de ce dossier. D’autres y voient une conséquence directe de la conférence gouvernementale sur les migrations qui a eu lieu en juillet dernier.
Officiellement, on répète que les Subsahariens qui clament avoir le statut de réfugiés disposeraient plutôt de faux-papiers. « Ce qui se passe n’est pas du tout normal. Le Maroc a signé des textes de loi qui interdisent ce genre de comportement. Il ne doit en aucun cas faire le sale boulot à la place des Européens », s’indigne Jemmah.
Mais que fait le HCR pour venir en aide aux détenteurs du statut de réfugiés ? Selon Jemmah, l’équipe du HCR du Maroc fait du bon travail au vu des moyens humains et matériels dont elle dispose. « Le problème est ailleurs. Le Haut commissariat aux réfugiés ne doit pas satisfaire les exigences européennes en interdisant aux personnes persécutées d’atteindre leur destination, c’est-à-dire l’Europe », nuance Jemmah.
Mehdi Lahlou, rédacteur de plusieurs rapports sur la migration subsaharienne, trouve, lui, que le HCR assure actuellement un mandat purement européen. « On assiste actuellement à une politique d’externalisation du flux migratoire. Le Maroc s’occupe de recevoir les demandeurs d’asile. Le HCR reconnaît alors ceux qui méritent le statut de réfugiés. Théoriquement, les Européens devraient s’occuper de la répartition des réfugiés », analyse M. Mehdi Lahlou. Ce qui en clair veut dire que le Maroc abandonne son droit de souveraineté, celui d’octroyer ou de refuser le droit de réfugiés aux demandeurs d’asile subsahariens.
Mais, à quel prix ? « Même si le HCR reconnaît à un Subsaharien le droit d’asile, les Européens ne se bousculent surtout pas pour les rapatrier », affirme M. Lahlou. Ce qui veut tout simplement dire que le Maroc, même en montrant cette bonne volonté d’être à côté de l’Europe dans son combat contre l’immigration clandestine, se trouve ainsi taxé par les sociétés civiles africaine et européenne de persécuteur d’une population fragilisée par la pauvreté. Et traîne également la réputation de non-respect des traités et textes des droits des réfugiés dont il a été signataire.
Le Journal Hebdomadaire - H. H.