En effet, s’il faut se féliciter, par exemple, des retrouvailles, puis de la consolidation des relations maroco-espagnoles, comme l’exprime notamment le récent sommet informel près de Tolède entre le Président du Conseil espagnol José Maria Aznar et le Premier Ministre marocain Driss Jettou, d’autres situations et événements ne laissent pas d’inquiéter. Ainsi, la série d’attentats kamikazes qui a secoué la ville de Casablanca et les suites de cette boucherie perpétrée par des exécutants marocains, membres de groupes terroristes clandestins, prouvent que l’infection et la gangrène obscurantiste ont atteint aujourd’hui un degré impressionnant dans notre pays.
Les nombreuses arrestations et interpellations, les connexions, connivences et complicités nouées avec des islamistes légalistes, des prêcheurs réputés (pour leur intransigeance et leurs anathèmes surtout), des organes de presse (partisans ou "indépendants"), les soutiens financiers souterrains mais importants accordés à la mouvance islamiste, tout cela tend à démontrer que la pénétration de la société marocaine, en ses diverses strates et classes, mais aussi sans doute des institutions, des milieux d’affaires, des organisations syndicales, professionnelles, sectorielles, etc, par l’obscurantisme réactionnaire est fortement avancée.
Durant de trop longues années, le Maroc a constitué, pour les propagateurs (locaux et importés) de l’idéologie wahhabite une “ terra nullius ”, un espace immense de conquête. Les autorités, d’abord par calcul politicien, puis par laxisme et passivité, ont laissé faire quand elles n’ont pas encouragé un véritable processus de “ DEMAROCANISATION ” de notre société. Dans le système éducatif (national et privé), la Santé, le Commerce, les instances associatives et caritatives, dans les mosquées, dans les souks et les bidonvilles, dans les banlieues bourgeoises, dans les banques (des sièges aux agences de quartier), les salles de sport, à la ville comme à la campagne, l’islamisme a installé ses valeurs, ses interdits, ses préférences vestimentaires, totalement étrangères au demeurant à nos saines traditions. Les barbes ont fleuri, les voiles ont essaimé, le rigorisme des tartuffes s’est développé tandis que s’installait l’idée pernicieuse que l’acceptation de ces outrances, de ce colonialisme idéologique wahhabite était chose naturelle, normale, innocente, puisqu’il s’agissait seulement d’une “ simple ” lecture de l’Islam !
Aujourd’hui, avec effarement et frayeur, d’aucuns s’aperçoivent que le mal est profondément installé, qu’il touche même des journaux et journalistes prétendument iconoclastes et modernistes mais dont l’action, en vérité, sert de faire-valoir et de marchepied médiatique aux islamistes conquérants.
Cette conjoncture requiert courage, détermination, fermeté et continuité dans l’action multiforme de correction d’une situation passablement dévoyée.
Oui, le Maroc et sa société ont besoin de sécurité, de protection, de tranquillité et de garantie de leurs biens et intégrité physique. Cette exigence implique certainement que toutes les mesures légales destinées à prévenir des actes et des comportements criminels doivent être appuyées, encouragées même, afin que ceux qui seraient tentés par des actes barbares et ceux qui en feraient l’apologie reçoivent le châtiment qu’ils méritent.
Cette exigence implique également que l’état affirme sa présence, sa suprématie, son omnipotence sur tous les terrains dont il a constitutionnellement la charge, sans permettre à certains d’occuper des espaces laissés vacants pour y instiller leur idéologie haineuse et passéiste.
Cette exigence implique encore que le champ de l’information, de la communication et de la médiatisation soit assaini et expurgé de tous ceux qui se sont transformés en cinquième colonne des wahhabites.
Cette exigence implique aussi que les chaînes nationales revoient leurs programmes, affirment leurs discours, améliorent leurs émissions, sans indulgence pour les médiocres et les pistonnés.
Cette exigence implique, enfin, que le gouvernement et les diverses instances décisionnelles, convaincus désormais que l’État était la cible principale de l’obscurantisme islamiste, mettent en oeuvre rapidement les nageurs pour solver les problèmes les plus urgents de la société marocaine écrasée par la misère, le chômage le logement insalubre, les soins déficients, l’analphabétisme, la disparité des revenus, l’égoïsme des nantis.
C’est donc à un sursaut national et collectif qu’il faut appeler, en mobilisant de façon appropriée les forces vives de ce pays, la classe politique (dont les formations doivent êtres soutenues à condition qu’elles acceptent les critères d’appartenance démocratique et pluraliste), la presse sérieuse et responsable (qui ne deviendra pas pour autant aux ordres), les milieux économiques et d’affaires (qui pourraient être plus “ inspirés ” dans leur volonté d’investir, la haute administration (souvent coupée des réalités du terrain), etc.
Un tel sursaut est nécessaire car, comme le prouvent les attentats de Casablanca, mais aussi la tentative de putsch en Mauritanie, les forces obscures ont divers moyen pour détruire et déstabiliser sociétés, États et institutions. Si le Maroc a été victime d’une entreprise criminelle et terroriste inspirée de l’étranger sans doute, mais perpétrée par des concitoyens, en Mauritanie, ce sont des éléments de l’armée qui ont été dévoyés et manipulés pour abattre le régime. Ceci, alors que la question du Sahara marocain est toujours l’objet de manœuvres et de manipulations afin de priver le Maroc d’une partie de son territoire inaliénable et que des puissances voisines, hypocrites et machiavéliques, poursuivent leur besogne séparatiste entreprise depuis plus d’un quart de siècle.
C’est à une réaction forte, ferme, soutenue qu’il faut appeler les pouvoirs publics, la société civile, les forces politiques, afin que le Maroc, uni et déterminé, mobilisé derrière SM le Roi Mohammed VI, affronte avec succès les défis qui, multiples et cruciaux, se posent à lui aujourd’hui.
Fahd Yata - La nouvelle tribune