Le même Davis, a ajouté qu’il avait informé le comité des ministres européens de sa décision, précisant avoir demandé par lettre aux gouvernements de fournir des informations avant le 21 février 2006. Chaque Etat membre de l’Europe devra ainsi déclarer si, entre janvier 2002 et aujourd’hui, un fonctionnaire ou un officiel « a pu être impliqué d’une quelconque manière -par action ou par omission- dans des privations de liberté non reconnues ou dans le transport d’individus ainsi privés de liberté », ou encore de l’existence de possibles « prisons volantes ». Il est aussi demandé, le cas échéant, si de telles privations de liberté sont « le fait d’agences étrangères » ou si elles ont pu avoir lieu « à leur instigation ».
Il n’existe pas de preuves de l’existence de centres secrets abritant des prisonniers islamistes de la CIA en Europe, mais « des indices sérieux », a récemment indiqué Dick Marty, rapporteur d’une commission sur le sujet au sein du Conseil de l’Europe. Il a par ailleurs indiqué qu’il avait demandé aux autorités américaines des explications sur une liste de l’organisation Human Rights Watch de « 31 avions qui auraient des liens directs ou indirects avec la CIA ». Selon différentes enquêtes de la presse internationale, ces avions auraient servi à la CIA pour transporter des terroristes présumés vers des centres clandestins de détention et auraient fait escale dans plusieurs pays d’Europe.
Si elles sont avérées, ces méthodes, qui visent à « kidnapper les gens et à les soustraire à tout contrôle judiciaire et administratif », sont « absolument inacceptables », a jugé Dick Marty, estimant qu’elles donnaient « une légitimité aux terroristes » auprès de leurs « sympathisants ».
Evidemment, le Maroc, pointé lui aussi du doigt dans ces mêmes enquêtes, n’ a pas annoncé l’ouverture d’une quelconque enquête après les révélations selon lesquelles des terroristes présumés auraient été secrètement détenus ou transportés par la CIA vers le centre de Témara. Au contraire, les officiels du royaume, le porte-parole du gouvernement à leur tête, ont régulièrement éludé la question. Quant aux parlementaires, comme à leur habitude, ils ont brillé par leur silence. Trop occupés peut-être à jongler avec la patate chaude que leur a balancée le Palais sur la question tout aussi dérangeante du projet autonomiste du Sahara. Il faut dire que nos élus n’ont pas (à part peut-être ceux du PJD dans certains cas) le goût de l’initiative. Véritable, choristes des décisions prises au Cabinet royal, les élus de la nation attendent certainement qu’on leur souffle ce qu’ils doivent dire, discuter avant de faire semblant, lorsqu’ils sortent de leur torpeur, de décider. En attendant, les sécuritaires sont bien les seuls dans ce pays à utiliser comme ils l’entendent, l’accord de libre-échange qu’ont bien voulu nous accorder les Etats-Unis d’Amérique dans leur grande magnanimité. Et comme dit le dicton, cette grande démocratie a vendu le macaque pour mieux rire de son heureux acquéreur. D’ailleurs, les Américains ne s’en cachent même pas à en juger par la dernière déclaration burlesque de Peter Goss, le directeur de la CIA, dans « USA Today » cette semaine : « Notre agence ne pratique pas la torture. La torture ne fonctionne pas », a-t-il dit. « Nous utilisons le potentiel légal pour obtenir des informations vitales et nous le faisons en recourant à un certain nombre de moyens uniques et innovants ». En clair, ces moyens innovants se résument à utiliser le potentiel illégal de pays à la transition démocratique en panne dont le Maroc figure en tête de peloton.
Le Journal Hebdo