Quatre personnes auraient été tuées ces derniers jours par des drones marocains au Sahara, selon des médias proches du Polisario.
Nous avons décidé de régler le plus vite possible le problème des prisonniers marocains que nous détenons encore. Il faut en finir, agir dans le sens de leur libération. Nous allons informer le CICR [le Comité international de la Croix-Rouge] et régler avec lui les détails techniques de leur libération."
C’est en ces termes que le chef du Front Polisario, Mohammed Abdelaziz, a fait part au Monde , mercredi 13 juillet, au cours d’une rencontre informelle à Madrid, de la décision des dirigeants sahraouis de libérer "le plus vite possible" les 408 prisonniers marocains encore détenus dans les camps sahraouis, dans la région de Tindouf, au sud de l’Algérie. Certains s’y trouvent enfermés depuis plus de vingt ans, victimes d’un conflit déclenché en 1975 par l’annexion par le Maroc de l’ancienne colonie espagnole du Sahara.
Le chef du Front Polisario n’a pas voulu donner de date précise, mais il est difficile d’imaginer que la libération des militaires marocains tarde, dès lors que le choix de les libérer est rendu public.
"Ça n’a pas été une décision facile , assure Mohammed Abdelaziz. Comment la faire accepter à notre peuple alors que la justice marocaine a condamné à de très lourdes peines de prison des jeunes militants sahraouis dont le seul crime est d’avoir manifesté fin mai en faveur d’un référendum d’autodétermination pour le Sahara ?"
500 Sahraouis disparus
Le chef du Polisario faisait allusion aux peines jusqu’à huit ans de prison ferme prononcées, mardi, par un tribunal marocain à l’encontre de jeunes Sahraouis indépendantistes. Fin juin, pour des faits identiques, des jugements encore plus sévères avaient été prononcés.
Depuis longtemps réclamée par la communauté internationale, la libération des prisonniers marocains, a précisé Mohammed Abdelaziz, ne doit pas faire oublier que Rabat détient de son côté "150 Sahraouis prisonniers de guerre" et que "plus de 500 Sahraouis sont toujours portés disparus" , dit-il.
Interrogé sur les manifestations au Sahara, Mohammed Abdelaziz a prédit qu’elles vont se poursuivre : "Les Sahraouis qui vivent dans les territoires occupés parlent d’Intifada de l’indépendance. La protestation va donc continuer avec des moyens pacifiques jusqu’ à l’organisation d’un référendum d’autodétermination, l’indépendance et la libération des détenus sahraouis. Si les autorités marocaines persistent à réprimer le mouvement, alors il leur faudra agrandir leurs prisons pour accueillir les Sahraouis."
En revanche, lorsqu’on l’interroge sur les informations récentes de la presse marocaine faisant état de troubles dans les camps de réfugiés de Tindouf, le chef du Polisario parle de désinformation, de "pure propagande" . "Venez voir vous-même , lance-t-il. Venez interroger les Sahraouis, les représentants des Nations unies, du HCR, les ONG... Ce qu’ils racontent ne repose sur rien."
Alors que le dossier du Sahara est au point mort aux Nations unies depuis plusieurs mois (le secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan, n’a toujours pas nommé de représentant personnel dans la région), il pourrait rebondir sur un autre terrain avec l’ouverture, à la fin du mois, de négociations sur la pêche entre le Maroc et l’Union européenne.
L’accord en discussion concernera-t-il les seules côtes marocaines ou inclura-t-il les côtes du Sahara réputées très poissonneuses ? Si cet accord devait être conclu, Rabat aurait tout intérêt à ce qu’il englobe les côtes du Sahara, puisque ce serait une sorte de reconnaissance officieuse de la "marocanité" de l’ancienne colonie espagnole.
D’où, par avance, la mise en garde de Mohammed Abdelaziz aux Européens : "Je sais que des pays sont prêts à appuyer le Maroc dans ce sens , dit-il dans une allusion à la France (qu’il se refuse à nommer). Si un accord de pêche laissait place à une quelconque interprétation, nous y verrions une déclaration de guerre."
Et de conclure : " Les Sahraouis n’hésiteraient pas à interpeller l’opinion publique internationale et à saisir les juridictions internationales. Les Européens doivent se souvenir que les Etats-Unis ont exclu le Sahara de l’accord de libre-échange qu’ils ont conclu avec le Maroc. C’est une position sage."
Jean-Pierre Tuquoi - Le Monde
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