Treize personnes ont été arrêtées par le Bureau Central d’Investigations Judiciaires (BCIJ), jeudi dernier. Soupçonnés d’être partisans de l’organisation terroriste « État islamique », les individus ont été arrêtés lors d’opérations menées dans...
Acquitté à Rabat après avoir été accusé de liens suspects avec un groupe islamiste, le cas Pierric Picard est bien éloigné du parcours de Richard Robert.
Le verdict était tombé dans la nuit du vendredi 8 août, à minuit trente, dans la salle 1 de la chambre criminelle de Rabat, celle-là même qui juge actuellement le Stéphanois Richard Robert. Acquitté ! Ainsi finissait, plutôt bien, la mésaventure marocaine de Pierric Picard, 30 ans, natif d’Oullins dans le Rhône. Pris dans la vague d’arrestations qui a déferlé dans tout le Maroc après les attentats du 16 mai à Casablanca, le Lyonnais, converti à l’islam, se retrouvait accusé de liens avec des membres du mouvement intégriste Salafia Jihadia, formellement poursuivi pour « non dénonciation de complot terroriste ».
A partir de 17 heures ce vendredi, après des jugements d’autres accusés, il a expliqué à la cour antiterroriste sa conversion par goût personnel, un choix issu de lectures de nombreux philosophes. Mosquées, prières, ablutions dans son appartement de la Croix-Rousse, ce passionné de dessin voulait apprendre la calligraphie. Coursier, vendeur chez un boucher hallal, il est d’abord parti en septembre 2002 à Constantine en Algérie. Toujours selon le récit d’audience, il a vainement attendu un ami, puis a rencontré un Lybien qui l’a orienté vers le Maroc, à Fès. Un voyage sans visa, jusqu’à Sebta, l’enclave espagnole près de Tanger, où il a été repéré en situation illégale.
Un costume trop grand pour lui
« Il semblait dépassé par un rôle trop grand pour lui, on a vite compris qu’il était au mauvais endroit au mauvais moment, qu’il avait dû croiser des gens douteux sans s’en rendre compte, un cas naïf différent de Robert », se souvient un journaliste marocain qui a suivi toute l’audience, pour qui, finalement, « son arrestation lui a peut-être rendu un grand service, pour qu’il ne se fasse pas embrigader dans une voie irrémédiable ».
« Les jeunes convertis de souche française sont vulnérables, ils arrivent dans une autre culture, ils en font beaucoup pour démontrer la légitimité de leur foi, du coup ils peuvent tomber sous de mauvaises influences », analyse un autre journaliste.
Sauvé par son père
Pour tous les observateurs locaux, c’est surtout la venue à Rabat de son père Christian qui a définitivement sauvé la mise au jeune homme. Pierric avait d’abord donné l’image d’un musulman très pratiquant, habillé à l’afghane, la barbe fournie. Certes, il a expliqué qu’il était venu au Maroc « pour vivre sa foi », sans aucune intention violente. Un esprit pacifique confirmé par tous ses proches. Mais son père Christian, bouleversé à la vue de son fils, parfois en sanglots, « a fait pencher la balance ».
« Même les policiers s’étaient pris de sympathie pour lui, en une journée il était devenu une figure touchante au tribunal, un homme modeste qui avait beaucoup sacrifié pour venir aider son fils », raconte un chroniqueur. Sous l’émotion ou faute de charge, le dossier s’est en tout cas dégonflé, jusqu’au réquisitoire du procureur général, qui a lui même demandé l’acquittement, avec cet argument imparable : « il ne parle vraiment pas bien l’arabe, comment aurait-il pu avoir connaissance et dénoncer un complot ? »
Vu l’heure tardive du verdict, Pierric Picard a dormi une nuit supplémentaire dans la prison de Salé, dans un bureau prêté par des gardiens. Le lendemain, son père a repris l’avion. « La famille n’avait pas les moyens, Pierric a dû rentrer en bus en traversant tout le pays, on a eu peur qu’il lui arrive encore quelque chose, heureusement il est bien arrivé à Lyon » témoigne une journaliste, une jeune femme surprise lorsque Pierric a refusé de lui serrer la main au départ de Rabat, en vertu d’une conception religieuse rigoureusement persistante.
RICHARD SCHITTLY pour leprogres.fr
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