Si les premiers ont commandité des études sur « la capacité d’attractivité du Maroc dans les milieux des affaires aux Etats-Unis », les seconds portent leur préférence sur une approche plus pragmatique et directe des questions liées au développement économique et social du Royaume. Pour sa deuxième sortie, dans le cadre de son cycle de conférences, mercredi 23 mai à Casablanca, AMM est restée fidèle à sa démarche. « Le Maroc est-il attractif pour les investisseurs étrangers » ? Dans le cas où la réponse est oui, « est-ce que le Maroc tire profit de ce potentiel d’attractivité » ? Pour y répondre, Hassan Bernoussi, directeur d’Investir au Maroc, le Pr Larbi Jaïdi, membre du Centre marocain de conjoncture et du Conseil de la concurrence, et le représentant de la diplomatie économique de l’ambassade du Canada au Maroc, Gilles Tassé.
L’évolution des investissements directs étrangers (IDE) ces quinze dernières années plaident en faveur d’un oui sans équivoque que « le Maroc est attractif ». Bernoussi campe son rôle, chiffres et raisons à l’appui. Preuve, s’il en est, « nous sommes passés de 500 millions d’euros d’investissements directs étrangers, bon an mal an, durant les années 90, à plus de 3 milliards aujourd’hui ». Le patron d’Investir au Maroc explique cette évolution par l’amélioration de l’environnement des affaires et des indicateurs macro-économiques, ainsi que l’ouverture de l’économie sur son environnement international. Mais pour les conjoncturistes, notamment ceux du Centre marocain de conjoncture, « cette ouverture implique la levée des barrières à l’échange ». Ça, c’est un autre débat.
Pour Bernoussi, « rien ne peut et ne doit démentir la bonne forme économique et financière du Maroc ». Un déficit budgétaire ramené autour de 3%, un taux d’inflation largement au-dessous des 3%, (2,6% à fin avril 2007, ce qui, selon lui, « crédibilise l’apport financier d’un investisseur étranger ». Le troisième aspect, pas des moindres, qui fait que le Maroc est attractif, pour le patron d’Investir au Maroc, est le taux de croissance du PIB, compte tenu de l’année 2006 exceptionnelle (8,1%). Une performance que Bernoussi qualifie de « quasi insolente dans l’environnement dans lequel nous baignons ». Là-dessus aussi, les conjoncturistes prévoient une baisse de régime, en raison d’une campagne céréalière non performante. Invité du « Le Club de L’Economiste », le ministre des Finances, Fathallah Oualalou, saluait pourtant « l’autonomisation progressive de la croissance économique par rapport à l’agriculture ». Sous-entendue, l’existence de nouvelles locomotives qui bougent et dynamisent l’économie. Ce qui, pour le ministre, « révèle de moins en moins de dépendance vis-à-vis de la pluviométrie ».
De toute évidence, il en faut plus pour faire changer d’avis Hassan Bernoussi, sur l’attractivité du pays en matière d’investissement. Sa lecture de la baisse annoncée de la performance économique est tout autre. Car, si nous considérons la croissance du PIB dans les secteurs secondaires et tertiaires (services et industrie), « notre économie fait de mieux en mieux d’année en année ». L’amélioration de l’environnement économique des affaires, c’est d’abord une bonne santé financière. A en croire Bernoussi, « le système financier marocain est aujourd’hui l’un des plus performants de la région ». Mieux encore, « le Maroc envisage de se mettre au diapason de Bâle II », prouvant un système sain et maîtrisé.
Ne faut-il pas nuancer toutes ces améliorations, bien que caractérisées par une bonne lecture et une bonne prévisibilité des différents programmes de développement mis en place ? Pour le Pr Jaidi, l’attractivité est quelque chose de relatif car, même « si le Maroc tire son épingle du jeu, toutes les conditions d’accueil des investisseurs ne sont pas encore consolidées ». Il évoque des fragilités parce que, dit-il, « nous restons exposés à des chaos naturels ». Les entraves aux IDE ont pour noms la réforme de l’administration qui peine encore à donner les résultats escomptés, la transparence du marché dont la loi sur la concurrence attend son application, un code du travail non adapté, une concertation des investissements sur un seul axe de développement. Pis encore, se porte en faux Jaïdi, « quel que soit le progrès fait par le Maroc ces dernières années en termes de volumes, si on compare l’investissement étranger à d’autres ratios, notamment l’investissement national à capital fixe, il reste autour de 6 à 7% du PIB ». Autant dire que les statistiques peuvent être lues d’une autre manière.
Pourquoi ça marche au Canada ?
Les Canadiens investissent plus à l’étranger. L’attaché commercial de l’ambassade du Canada au Maroc, Gilles Tassé, l’a confirmé. Le montant de leur investissement a atteint 523 milliards de dollars canadiens l’année dernière. Pendant ce temps, le pays n’en a drainé que 425 milliards. Malgré une main-d’œuvre qualifiée, le Canada dissocie son développement économique des IDE. Il a mis en place un processus de ciblage basé sur une information de qualité. La stratégie consiste à adapter les produits canadiens aux produits des pays du G7, plus les Pays-Bas et Singapour, sur la base d’une étude comparative englobant les coûts de production. Il s’agit ensuite de développer des outils marketing, mettre en place une prospection active, un programme de champion (les responsables des entreprises les plus performantes à aller exposer leurs succès à l’étranger) et assurer un suivi continu à tous les niveaux. Car, pour le Canada, « il ne suffit pas d’attirer un investisseur, mais de lui donner un cadre compétitif et performant ».
L’Economiste - Bachir Thiam