Un peu plus de 45 milliards de dirhams ont été envoyés au Maroc par les Marocains résidant à l’étranger à fin mai dernier, selon les chiffres dévoilés par l’Office des Changes.
Dans une Renault 12 vert pistache, le conducteur de taxi perd patience. Au beau milieu de la chaussée, une mule fatiguée bouche le passage. L’animal, de mauvaise grâce, se pousse enfin, charriant des nuages de poussière aussitôt emportés par le vent de la mer. Imane est enfin chez elle, au 172, avenue de la Palestine, dans la petite ville de Mohammedia sur la côte marocaine.
Après trois jours de voyage en bus avec sa mère, la lycéenne de 17 ans, arrivée de Gennevilliers (Hauts-de-Seine), passe ses vacances chez ses grands-parents. Trois étages spacieux coincés entre une quincaillerie et une menuiserie où deux gamins de huit ans s’abîment les mains en ponçant des fenêtres. Dans le quartier, la « petite Française » était attendue : « Même le bijoutier a demandé de tes nouvelles », lui annonce sa grand-mère. Sur l’avenue, les palmiers ont remplacé les platanes de la banlieue nord. Le petit balcon de l’appartement gennevillois est devenu, lui, une vaste terrasse où sèche le linge en plein soleil, au milieu d’une forêt de paraboles. « J’aime cette ambiance, ces bruits qu’on n’entend pas ailleurs, les marchands de détergents qui passent sous les fenêtres en criant : "Javel, javel" », sourit l’adolescente. Ne lui parlez pas de sa rentrée en seconde au lycée Galilée, Imane est en vacances. Les deux romans de Zola qu’elle a emmenés sont restés au fond de la valise. Le temps est à la famille, et aux trois copines qu’elle retrouve après un an d’absence.
Marocaine en France, au Maroc Française Pendant que sa grand-mère découpe une énorme pastèque pour le déjeuner, l’adolescente furète dans la maison. « Les murs ont été repeints, quelques meubles déplacés dans la cuisine. Sinon rien n’a changé. » Les mêmes banquettes recouvertes de tissu brodé, un tapis rouge en laine, l’indispensable télévision et, sur le mur, une photo du grand-père. La ville non plus n’a pas changé : la boutique du tailleur qui lui prépare un ensemble sur mesure, les marchands de fleurs, la porte de la vieille ville et surtout la Petite Sirène bleue, son café préféré le long de la plage. Ici, les vieilles Peugeot côtoient les grosses berlines des Marocains d’Europe, immatriculées en France, aux Pays-Bas ou en Belgique. Conséquence : « Au marché, le kilo de tomates est passé de 1 à 2 dirhams (10 à 20 centimes d’euro). Ça ne semble pas grand-chose, mais ça ne fait pas le bonheur des habitants d’ici », explique R’Kia, la maman d’Imane. Demain, il y aura une grande fête dans la maison pour fêter l’arrivée de la petite famille. Au menu : viande d’agneau, olives et citrons confits. Imane se contentera de la préparation du thé. « Je ne sais pas cuisiner, c’est le grand désespoir de ma grand-mère. Elle me compare toujours à ma cousine, ici, qui sait déjà faire du pain. » Mais, la jeune fille assume de ne pas être totalement marocaine. D’ailleurs, dans la ville, on ne s’y trompe pas, bien qu’elle parle parfaitement l’arabe. « Je n’ose pas sortir toute seule même pour aller faire les courses. Ici, les garçons sont encore plus dragueurs qu’à Gennevilliers et pourtant je ne m’habille pas trop sexy. » Pas de petite robe à bretelles mais des épaules couvertes. Imane reste pudique. « Elle fait bien plus attention à ce qu’elle met que certaines Marocaines de son âge, beaucoup plus exubérantes », observe sa maman, en djellaba vert clair. Marocaine en France, Française au Maroc, heureuse pourtant d’être différente mais d’un bonheur pétri de contradictions, Imane pose fièrement devant le rouge et le vert du drapeau marocain, essayant de ne pas voir un enfant qui lui tend la main pour quelques dirhams.
Nicolas Fertin pour le Parisien
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