Human Rights Watch épingle la justice marocaine

23 octobre 2004 - 13h26 - Maroc - Ecrit par :

La scène est quelque peu surréaliste, mais elle a bien eu lieu, jeudi 21 octobre à Rabat, filmée de surcroît par les télévisions nationales. Une première au Maroc et dans le monde arabe : une ONG active dans les droits de l’Homme présente son rapport, il s’agit de Human Rights Watch (HWR).

La symbolique est certes très forte, mais elle ne doit pas occulter pour autant que le rapport de l’ONG basée à New York, même s’il fait état de nombreuses avancées, accable les autorités marocaines. Rejoignant en cela les conclusions du rapport d’Amnesty International publié en juin dernier.
L’enquête effectuée en janvier et février 2004 par les responsables de HRW fait état d’une recrudescence des répressions en matière des droits de l’Homme. “La lutte contre l’islamisme radical a sérieusement entravé les progrès accomplis par le Maroc dans le domaine des droits de l’Homme”, estime Eric Goldstein un responsable de HRW. La nouvelle loi antiterroriste, adoptée en urgence après l’événement, a "sérieusement érodé la protection des droits de l’Homme" au Maroc, ajoute le rapport de cette ONG indépendante. "Les droits des Marocains se trouveront en péril si les autorités ne combattent pas le terrorisme d’une manière qui soit compatible avec leurs engagements vis-à-vis de ces droits", souligne l’organisation qui publie de multiples témoignages de tortures et d’irrégularités judiciaires. "C’est tout le système judiciaire marocain qui pose problème", a souligné Goldstein. Selon lui la justice n’a pas suivi les progrès enregistrés par le Maroc sur le terrain des droits de l’Homme.
Dans son rapport, l’ONG publie nombre de témoignages d’avocats et de proches des personnes condamnées qui font état de nombreux cas de torture (technique de la bouteille), physique et morale, perpétrées lors des interrogatoires pour arracher des aveux. Les détenus, dans certains cas, n’ont même pas le droit à un avocat et la police n’a pas révélé à leurs proches l’endroit de leur détention. “Plusieurs suspects ont été reconnus coupables et condamnés avant le 1er octobre 2003, date de l’entrée en vigueur d’un amendement au code de procédure pénale octroyant aux défenseurs le droit de faire appel de leur condamnation pour les faits reprochés”, expliquent les responsables de HRW.
L’organisme indique notamment que la nouvelle législation antiterroriste, en référence à laquelle quelque 2.000 personnes ont été arrêtées et jugées, a porté à 12 jours la période de garde-à-vue des suspects et à 10 jours le délai légal avant qu’ils puissent exiger la présence d’un avocat.
"Les juges montrent peu d’intérêt pour savoir dans quelles conditions la police a obtenu les aveux", souligne le rapport selon lequel "les tribunaux marocains ont largement échappé aux avancées des droits humains". L’ONG rappelle que la définition légale des actes relevant du terrorisme a été "considérablement élargie" dans cette législation, tandis que les peines prévues ont été aggravées, avec la multiplication des cas pouvant justifier la peine de mort. Le rapport n’est pas totalement négatif considérant que la création de l’Instance Equité et réconciliation (IER) représente une évolution de taille dans le domaine des droits de l’Homme. “Chargée de régler les dossiers des graves abus commis pendant la période des "années de plomb", cette commission n’a pas son égal dans le monde arabe”, soulignent les responsables de HRW.

L’économiste

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : Droits et Justice - Human Rights Watch (HRW) - Liberté d’expression - Amnesty international (AI) - Torture

Ces articles devraient vous intéresser :

Maroc : mères célibataires, condamnées avant même d’accoucher

Au Maroc, les mères célibataires continuent d’être victimes de préjugés et de discriminations. Pour preuve, la loi marocaine n’autorise pas ces femmes à demander des tests ADN pour établir la paternité de leur enfant.

Un MRE expulsé après 24 ans en France

Un ressortissant marocain de 46 ans, résidant en France depuis 24 ans, a été expulsé en février dernier, suscitant l’émoi et soulevant des questions quant à l’application de la loi Darmanin sur l’immigration.

Un agriculteur espagnol attaque la famille royale marocaine

Le Tribunal de l’Union européenne a entendu mardi les arguments de l’entreprise Eurosemillas, spécialisée dans la production de semences sélectionnées, qui demande l’annulation de la protection communautaire des obtentions végétales pour la variété...

Au Maroc, le mariage des mineures persiste malgré la loi

Le mariage des mineures prend des proportions alarmantes au Maroc. En 2021, 19 000 cas ont été enregistrés, contre 12 000 l’année précédente.

ADN au Maroc : vers un fichage incontrôlé ?

L’utilisation à des fin illégales des empreintes et des échantillons d’ADN des Marocains, prélevés dans le cadre des enquêtes criminelles, préoccupe des parlementaires qui ont interpelé le gouvernement à ce sujet.

Maroc : WhatsApp banni pour la Gendarmerie royale

Suite à la décision de justice annulant un procès-verbal dressé via WhatsApp, la Gendarmerie royale a invité les commandements régionaux, casernes, centres et patrouilles au respect strict des textes en vigueur et à éviter d’envoyer tout document via...

Maroc : des biens et des comptes bancaires de parlementaires saisis

Au Maroc, les parquets des tribunaux de première instance ont commencé à transmettre aux nouvelles chambres chargées des crimes de blanchiment d’argent les dossiers des présidents de commune et des parlementaires condamnés pour dilapidation et...

Hassan Iquioussen vs Gérald Darmanin : la justice se prononce aujourd’hui

Le tribunal administratif de Paris examine l’arrêté d’expulsion de Hassan Iquioussen, pris par le ministère de l’Intérieur, Gérald Darmanin, en juillet 2022. Cette audience déterminante permettra de statuer sur la possibilité de l’imam de revenir en...

Corruption : des élus locaux pris la main dans le sac

Abdelouafi Laftit, ministre de l’Intérieur, tente d’en finir avec la corruption et la dilapidation de deniers publics. Dans son viseur, une trentaine de présidents de commune et de grand élus dont il a transféré les dossiers devant l’agent judiciaire...

Maroc : un magistrat sévèrement sanctionné

Le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire vient d’ordonner la révocation d’un juge exerçant dans un tribunal de première instance, condamné pour corruption. Le magistrat a été pris en flagrant délit, alors qu’il recevait la somme de 500 dirhams de la...