
Le gouvernement d’Aziz Akhannouch a dévoilé les grands axes clés de la stratégie nationale Digital Morocco 2030. Le Maroc nourrit de grandes ambitions pour l’économie numérique.
La démarche est nonchalante, mais le pas assuré. Casquette vissée sur la tête, jeans et baskets à la mode “streetwear”, Hicham ressemble à n’importe quel jeune homme de son âge. Pourtant, Hicham n’est pas un garçon comme les autres. À 20 ans, il est l’un des pirates informatiques les plus en vue du Maroc. Son dernier fait d’armes : l’attaque du site de la Coupe d’Afrique des nations (CAN) juste après l’élimination de l’équipe nationale de la compétition continentale. “C’était juste pour le fun, histoire de marquer ma colère”, se justifie-t-il simplement.
Geek attitude
“Ne comptez pas sur les sites et les blogs qui prolifèrent sur le Net pour vous introduire dans le secret des dieux”, explique-t-il, catégorique. Le hacking ne s’apprend pas non plus à l’école. C’est en fait sur le tas, face au moniteur que les diplômes s’obtiennent. Et un CV de hacker se construit au fil des signatures laissées sur les sites piratés, à lire comme des “attentats revendiqués”. Hicham, esthète et puriste dans l’âme, décrit ainsi sa passion quelque peu hors norme : “La récompense, c’est celle d’approcher la perfection : l’effraction sans trace”. Pour cet autre newbie (novice), c’est le sentiment de puissance qui motive la plupart des pirates du Web : “Il y a une très forte montée d’adrénaline quand, après plusieurs heures de recherche, on arrive enfin à trouver la faille d’un site de renom”.
Simo, lui, a le recul de ses 25 ans. Il est presque en fin de carrière, abandonnant peu à peu ce qui fut sa passion durant des années. “Le problème avec le hacking, c’est que c’est une vraie drogue. Nous sommes de véritables geeks (accros de l’informatique), qui passent au minimum douze heures par jours devant un PC. Décrocher, c’est très difficile”, argumente-t-il. Tous s’échangent les souvenirs de tel génie du Web qui a sombré dans la paranoïa, ou d’un féru d’informatique tellement obsédé par le détail qu’il est devenu maladivement déconnecté de la réalité.
Pourtant, leur passion est bien réelle, souvent ancienne. “La plupart des hackers ont commencé très jeunes. Moi, j’avais 14 ans quand mon père m’a offert mon premier ordinateur, je le bénis encore”, confie Hicham. Et d’ajouter : “Mais, pour accéder au rang de ‘pirate’, il faut gagner le respect de la communauté”. Youssef, alias Virus (pseudo simple mais efficace), se souvient d’une de ses premières réunions de travail : “Il y avait un binoclard qui ne ressemblait à rien. Très vite, c’est devenu notre souffre-douleur… jusqu’au jour où on s’est aperçu que, derrière sa timidité, se cachait un vrai pro de la programmation. C’est à ce moment-là qu’il a gagné notre respect et qu’il est véritablement entré dans la communauté”.
Le côté obscur…
Car le milieu du hacking est un petit monde, avec ses propres codes, ses propres valeurs. Chacun évolue derrière son écran, en loup solitaire, à la recherche d’une brèche dans un système. Rarement, les hackers se réunissent pour traquer la faille en meute. Simo se souvient par exemple du jour où ils se sont retrouvés à quinze dans un même appartement pour attaquer le site de Hit Radio, et faire leur auto-promotion au micro de Momo. “C’était génial de pirater leur site Internet en même temps qu’on leur parlait au téléphone. A un moment donné, ils étaient vraiment paniqués”, s’amuse-t-il. Rachid, son acolyte, tempère aussitôt : “C’est bien la dernière fois qu’on fait un truc pareil. C’est beaucoup trop risqué d’être tous au même endroit au même moment”.
Mais pour ce qui est de se servir de ses “pouvoirs” dans ses relations personnelles, Rachid est moins regardant. “J’ai un moyen très simple de me venger de quelqu’un : le bombarder (sous une fausse identité) de 3000 SMS d’un coup. Sa carte sature et grille aussitôt”, explique-t-il doctement. À force d’outrepasser impunément les règles (et de se faire repêcher dans des entreprises tout ce qu’il y a de plus officiel), la frontière entre le légal et l’illégal devient de plus en plus floue. Evoluant dans une sorte de quatrième dimension où n’entrent que quelques initiés et où ils sont les maîtres, les hackers se font souvent justice eux-mêmes. Alors, les hackers, simples passionnés d’informatique en mal de sensations fortes, ou petits délinquants à la limite de la criminalité ? Certainement un peu des deux…
Source : TelQuel - Souleïman Bencheikh
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