L’Union européenne veut mettre fin au transfert de fonds des Marocains résidant en Europe vers leur pays d’origine via les banques marocaines présentes sur le continent.
Ksioua ghaouti, secrétaire général adjoint à l’Association de la défense des intérêts des victimes de la gérance de la SCIME, explique les tenants et aboutissants d’un dossier qui dure depuis plus d’un quart de siècle. Il exhorte les autorités marocaines à rendre justice aux personnes lésées.
Comment a commencé cette affaire qui dure depuis vingt ans ?
Ksioua Ghaouti : Plus de vingt ans ! Le bureau a été ouvert par Alfred Langlais en 1979. Ce Français, natif de Caen, a séduit de nombreux immigrés marocains par un discours humain et sa force de persuasion.
Il était intarissable sur les bienfaits qui viendraient de la coopérative où il n’y aurait pas de hiérarchie. Il s’agissait de créer une association à but non lucratif dont il serait seulement le gérant.
Le but consistait à payer des cotisations afin de disposer d’un appartement au Maroc. 1.200 personnes ont été séduites par la formule et ont payé pour la plupart des sommes allant de 20.000 à 30.000 francs. A l’époque, c’était beaucoup d’argents. Presque toutes les économies de ces gens.
Qu’est-il arrivé ensuite ?
M. Langlais nous avait promis que nous aurions nos appartements, clefs en mains, dans les deux ans. Or, il s’est avéré qu’il nous menait en bateau.
En 1982, il a transféré les bureaux de son association de Paris à Casablanca. C’était, disait-il, pour être plus près du terrain et de presser les autorités locales afin d’accélérer la procédure d’obtention des permis de construire.
Ensuite, il nous a expliqué qu’il attendait la création d’une agence urbaine et qu’il ne pouvait pas débuter les travaux de construction avant que le nouveau schéma directeur de Casa ne soit établi par ladite agence.
Et d’autres expédients… Mais nous avons fini par perdre patience.
Qu’avez-vous fait alors ?
En 1985, les adhérents de l’association ont intenté un procès contre M. Langlais. Ils l’ont gagné. Mais M. Langlais a fait appel et entre temps, il a changé de politique. Il a semé la zizanie au sein des rangs des adhérents.
Il a convoqué certains à part et leur a donné des lots à Aïn Sebaâ. Il leur a donné aussi un peu d’argent pour construire. Mais ces personnes n’ont toujours pas de titres fonciers.
Aujourd’hui, combien de personnes n’ont encore eu de lots ?
350 personnes, et ces gens ne savent plus malheureusement à qui s’adresser. Alfred Langlais a quitté le Maroc en 1999. Il a envoyé une lettre légalisée pour que les 350 personnes reçoivent des lots dans un terrain de 4 hectares à Aïn Chock. Il a aussi laissé un chèque de 3 millions de dirhams, mais sans provision. Nous avons intenté plusieurs procès au Maroc, mais en vain.
Pourquoi ?
Le procureur nous a expliqué que le chèque sans provision n’est pas considéré comme un crime pour que la justice engage une demande d’extradition de l’intéressé.
Pourquoi ne pas le poursuivre, encore une fois, en France ?
Parce que le statut de la société a été déposé au Maroc.
Le dossier relève, par conséquent, de la compétence des autorités marocaines. Nous avons frappé à plusieurs portes, dont le ministère chargé des Marocains résidant à l’étranger. Mais rien n’a été fait pour mettre un terme à notre course qui dure depuis près d’un quart de siècle.
Qu’attendez-vous des autorités marocaines ?
Qu’elles nous aident. Que l’on sente que nous ne sommes pas abandonnés. Il faut savoir que parmi les personnes qui ont cotisé dans ce programme, certaines sont aujourd’hui décédées.
A présent, ce sont leurs enfants qui cherchent à avoir une maison dans leur pays. C’est important. Nous sommes très affectés.
Nous avons vieilli, nos cheveux sont devenus gris, nos muscles répondent au ralenti.
Nous espérons ne pas mourir sans voir le rêve que l’on a nourri dans les années soixante-dix, enfin, se concrétiser.
Aziz DAKI - Aujourd’hui le Maroc
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