Au Maroc, le secteur de la location de voitures reste impacté par une offre en hausse, des achats importants de véhicules, et l’informel.
57, boulevard Abdelmoumem à Casablanca. Un immeuble, d’apparence ordinaire, abrite sur deux étages un véritable temple de R&D. C’est le QG de Matra Automobile Engineering Maroc. Et ici, on n’entre pas comme dans un moulin. Les bureaux sont hautement sécurisés. Pas d’accès sans code confidentiel et au pied de chaque imprimante, un destructeur de papier. Aucune information ne sort des lieux. C’est la confidentialité totale.
Et pour cause ! Ce qui se réalise ici est d’une importance que l’on ne peut soupçonner. Cela va de la faisabilité du style à la réalisation des outillages qui rentrent dans la construction de voitures. Et pas n’importe lesquelles. Matra travaille pour des marques internationales prestigieuses comme Ferrari, mais aussi Renault et Peugeot. En Afrique, ce centre de recherche et développement n’a de pareil qu’en Afrique du Sud. L’ambiance est à la créativité et à la rigueur. On pourrait entendre une mouche voler ! La société propose des services à forte valeur ajoutée à ses filiales et à des constructeurs et équipementiers internationaux. Matra, c’est 40 ans de conception de véhicules. Elle a produit des modèles qui ont fait évoluer le paysage automobile (l’Espace, la Rancho) et continue sur cet élan grâce à la collaboration de nos jeunes diplômés.
Calcul et réalisation de plan de forme, architecture électrique, développement de pièces plastiques intérieures et extérieures… A chaque application, est dédiée une équipe de techniciens supérieurs et d’ingénieurs. Ces génies sont exclusivement Marocains, à l’exception d’un chef de projet et du directeur général de la société. « Nous avons su nous entourer de personnes motivées et très performantes, ce qui est indispensable pour monter en compétence », indique Yves Pierre, directeur général de Matra Maroc. La société ne recrute que des jeunes fraîchement diplômés, qui bénéficient régulièrement de formations à l’étranger et au Maroc. Ils sont lauréats de l’Ecole Mohammadia d’ingénieurs, de l’Ecole supérieure de technologie de Casablanca, l’Ecole normale supérieure de l’enseignement technique de Rabat ou encore l’Ecole nationale supérieure d’arts et métiers de Meknès. « Le succès revient à la fidélité des collaborateurs, ce qui assure une forte capitalisation des compétences », affirme Yves Pierre. Une équipe qui aujourd’hui gère des commandes d’une valeur 5 fois plus élevée que celles qui lui parvenaient en 2006, malgré sa petite taille (60 personnes). Des commandes appelées à augmenter d’autant plus que PSA a annoncé 29 nouveaux modèles entre 2007 et 2010 au dernier Tec’Auto.
Développeur d’activité de design chez Matra, Yves Pierre faisait appel à des prestataires low cost en Inde. Mais « l’expérience n’étant pas satisfaisante », il décide de créer un pôle décentralisé low cost au Maroc. Au début, pour réaliser des prestations partielles (pièces), la filiale marocaine a intégré en 2 ans l’ensemble des compétences R&D, couvrant le cycle complet de développement d’un véhicule, du design à la mise en fabrication. « Nous remportons de plus en plus de marchés face au principal concurrent du Maroc dans le domaine qui est l’Inde », signale Pierre. « Cela provient de la faible réactivité des prestataires en Inde, qui connaissent un fort turn-over », explique-t-il. Cette forte rotation résulte d’un fort mouvement de délocalisations émanant d’Europe et des Etats-Unis qui génère une pénurie de compétences. Si la société a du mal à retenir ses collaborateurs, elle ne peut intervenir plus tôt dans le processus et gagner en compétences en réalisant des fonctions complètes (planche de bord, structure…).
Au Maroc, soutient Pierre, le turn-over est quasi-nul (5%). « Le secteur gagne des parts de marché et en maturité. Ses acteurs doivent être confiants et se projeter dans l’avenir en se fixant des plans de carrière. Ils peuvent aujourd’hui évoluer d’une manière prodigieuse dans l’entreprise », assure le DG.
Le bilan est jugé plus que positif depuis 2005, année d’installation de la filiale marocaine du groupe mondial Matra/ Pininfarina. Le chiffre d’affaires a doublé chaque année, passant de 1,1 million d’euros en 2006 à 2 millions en 2007 (l’équivalent de 22,6 millions de DH). Le groupe international prévoit aujourd’hui de faire de son site marocain l’unique centre de délocalisation low cost à l’étranger pour l’ensemble de ses filiales. Une perspective qui confirme la vocation du Maroc dans l’industrie automobile. Matra cherche aussi à développer son QG en acquérant d’autres plateaux et à grossir ses effectifs. La société est d’ailleurs dans une phase de recrutement pour porter son équipe à 80 personnes en 2008. Au démarrage, elle en comptait 25. Un déploiement pour élargir les domaines de compétences dans l’automobile, mais aussi dans d’autres secteurs. Matra pourrait se tourner vers l’aéronautique. En tout cas, elle a été approchée par le secteur.
Du nuage de points au test de résistance
Azzeddine et Souad parlent de leur métier avec beaucoup de passion. Parce qu’il faut être passionné pour passer plusieurs mois, voire des années, afin de voir aboutir un seul projet. Derrière son ordinateur, Azzeddine (25 ans), technicien de formation, travaille sur des plans de forme. Tout part d’un croquis réalisé par un styliste du constructeur. A partir de ce croquis, une maquette est montée et scannée sur ordinateur. Azzeddine et les autres membres de l’équipe la reçoivent sur ordinateur sous forme de nuage de points. Là commence le travail d’interprétation et de créativité. Les premières ébauches sont transmises à une deuxième équipe spécialisée dans la « caisse en blanc et ouvrants » et « plasturgie », qui regroupent tout l’aspect technique du véhicule (structure, planche de bord).
Installée dans un bureau distinct, l’équipe s’assure de la faisabilité du modèle au niveau technique. Elle étudie par exemple si toutes les options intégrées par le constructeur pourront être placées à l’intérieur du véhicule. Des modifications interviennent au fur et à mesure de l’état d’avancement du projet. Ce bureau réalise par ailleurs les pièces automobiles qui rentrent dans la fabrication du modèle et qu’on ne voit pas toutes. « Nous sommes en quelque sorte les hommes de l’ombre de la construction automobile », dira Vincent, 36 ans, chef de projet. Souad, 28 ans, est, quant à elle, dans le métier « plasturgie ».
Son équipe réalise, entre autres, des planches de bord. « Le métier est de plus en plus motivant car les projets que nous réalisons sont plus intéressants qu’au début de l’activité de l’entreprise », atteste-t-elle.
Enfin, dans un dernier bureau, l’équipe de simulation s’attelle à « tordre » dans tous les sens ces pièces pour tester leur résistance à différents chocs.
L’Economiste - Jihane Kabbaj
Ces articles devraient vous intéresser :