Hausse des frais d’inscription pour les étudiants étrangers, instauration d’une caution de retour restituée à la fin de leurs études s’ils quittent bien le territoire français… Ces mesures consignées dans la loi immigration adoptée, à l’issue de la commission mixte paritaire, le 19 décembre, suscitent inquiétude et indignation. « Les étudiants font déjà face à des difficultés d’ordre financier, familial pour certains, puis social. Ce texte, c’est la double peine pour nous qui avons déjà du mal à nous faire notre place », regrette Zacaria*, étudiant marocain en Master, arrivé en France en 2018, pour poursuivre ses études supérieures à l’université de Bordeaux. « On est dans une marchandisation de l’enseignement supérieur et de la recherche, où on va aller uniquement chercher les étudiants qui ont les moyens de venir en France pour faire leurs études », a analysé le vice-président de France Universités Dean Lewis, au micro de Franceinfo le lendemain de l’adoption de la loi immigration.
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Pour Yanis Jaillet, secrétaire général du syndicat Union Étudiante Bordeaux, l’instauration de cette caution de “retour” dont le montant n’est pas encore précisé aura un « impact double ». « Stigmatiser les étudiants étrangers d’une part, détaille-t-il, puis créer une double sélection vis-à-vis du niveau social dans lequel on évolue ; les étudiants étrangers qui viendront étudier en France seront ceux qui auront les moyens. Ça ferme la porte à de nombreux étudiants. » Zacaria, l’étudiant marocain en économie critique, lui aussi, cette mesure. « On vous forme à un certain prix et après, on ne veut pas que vous restiez sur le territoire, c’est quoi ce délire ?, fustige-t-il. Selon lui, il s’agit de l’instauration d’une « sélection adverse », où les étudiants internationaux seraient mis en concurrence entre eux.
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L’augmentation des frais d’inscription – qui seraient multipliés par 16 – pour les étudiants étrangers fait aussi l’objet de vives critiques. « Demain, les étudiants seront amenés à payer leur année 2 770 euros contre 170 euros, c’est tout à fait stigmatisant, soulève Yanis Jaillet. Ce midi, on a rencontré des étudiants qui nous disaient que si ce texte allait au bout, ils ne feraient pas leur deuxième année de master. » Si certains établissements appliquent déjà cette différenciation, une autre posture est adoptée à Bordeaux. En 2019, l’Université de Bordeaux a préféré exonérer les étudiants de 83 pays de l’augmentation de ces frais. Quant à l’Université Bordeaux Montaigne, elle a décidé que tous les étudiants extracommunautaires paieraient les mêmes droits d’inscription que les Français. Si le Conseil constitutionnel valide le texte, les étudiants étrangers ne pourront plus bénéficier de cette exonération.
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Des centaines de personnes et d’associations se sont mobilisées à Paris pour « dénoncer l’inhumanité » de la loi immigration. Une soixantaine de présidents d’écoles et d’universités, dont ceux de Bordeaux, et de Bordeaux Montaigne, ont, dans un communiqué, exprimé leur « opposition ferme et déterminée » à cet ensemble de mesures. Selon Yanis Jaillet de l’Union Étudiante Bordeaux, des actions de blocage à la rentrée 2024 sont envisageables. « On fera tout ce qu’on peut pour que le texte ne passe pas », promet-on.
*Prénom modifié