
Un parlementaire du parti de l’Istiqlal vient d’appeler Nasser Bourita, ministre des Affaires étrangères et de la Coopération africaine, à agir pour combattre les attaques racistes répétées ciblant les Marocains résidant à l’étranger (MRE).
Par la formulation même de ses questions, ce baromètre annuel consolide les préjugés et les réactions xénophobes.
Le 21 mars, suivant une routine établie en 1989, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) a remis au premier ministre son rapport pour 2006 sur « la lutte contre le racisme et la xénophobie », assorti comme chaque année des résultats du sondage
« Les Français et le racisme », réalisé à la fin de l’année précédente auprès d’un « échantillon représentatif de la population française ».
Comme chaque année, ce sondage dit « barométrique » a piégé les personnes interrogées dans une problématique tout entière pétrie du racisme que la CNCDH prétend combattre. Comme chaque année par exemple, le Français « représentatif » s’est vu suggérer, entre autres, que les homosexuels, les juifs, les Maghrébins, les musulmans, les Noirs africains, les Noirs antillais constituent, face aux catholiques, chacun « un groupe à part dans la société », qu’« aujourd’hui en France on ne se sent plus chez soi comme avant », ou encore qu’« il y a des races supérieures à d’autres ».
L’interviewé peut certes répondre par la négative, mais il n’en reste pas moins enfermé dans une posture intellectuelle dont la fausse neutralité est pleine d’insinuations stigmatisantes.
Prenons cette interrogation :
« Vous sentez-vous plus proche » de l’opinion que « rien ne peut justifier les réactions racistes », ou de celle que « certains comportements peuvent parfois justifier des réactions racistes » ? Que de messages insinuants en si peu de mots ! Le racisme pourrait donc, éventuelle-
ment, se « justifier », et donc être excusé. « Certains » comportements pourraient légitimement être attribués à des gens en raison d’une appartenance « raciale » – mon voisin est bruyant ; or il est noir ; donc les Noirs sont bruyants. Et quelles « réactions racistes » seraient « parfois » justifiées : sortir son fusil, insulter, déménager, « ne sait pas » ? L’innocent sondeur ne fait qu’enregis- trer l’opinion, prétend-il.
Caution des associations
Comme chaque année, l’interviewé a été assaisonné d’un salmigondis de notions qui créent la plus surréaliste des confusions au gré des questions et parfois dans une seule question où alternent les mots « étranger », « immigré », « d’origine étrangère », « d’origine maghrébine », « étranger non européen », marques qui se superposent avec la religion et la couleur de peau, au gré des fantasmes du sondeur, comme si tout cela avait le même sens. Et comme chaque année, l’immigration a été présentée comme un « problème » et comme une « crainte », au même titre que notamment la pollution, le terrorisme, l’intégrisme, la perte d’identité de la France et… le racisme.
Comme chaque année, il a été demandé aussi à l’interviewé s’il se
sent « plutôt, un peu, pas très ou pas du tout raciste », et comme chaque année, l’on a glosé, au vu des résultats, sur une « aggravation » ou sur une « décrispation » du climat. Comme chaque année, le questionnaire ne peut être passé qu’à une population réputée blanche et d’origine chrétienne et française, donc non représentative du pays.
Peut-on, en effet, imaginer de demander à un musulman si le respect de la prière peut « poser problème pour vivre en société », à une « personne de couleur » (sic) s’il y a « trop de personnes de couleur parmi les élus politiques », ou à un Arabe si « sale Arabe ! » proféré en public doit être condamné ?
Comme chaque année, il nous a été expliqué savamment que le racisme est surtout répandu chez les gens pauvres et peu instruits, ce qui dédouane à bon compte les instances qui (ce sondage y compris) colportent le racisme, par exemple en comparant les enfants de l’immigration à de la racaille ou en affirmant que les juifs ne sont pas des Français innocents.
Le sondage « Les Français et le racisme » avait été interrompu en 2001, consécutivement sans doute à la dénonciation que nous en avions faite en 2000 dans la revue Hommes & Migrations. Puis, nettoyé de ses questions les plus manifestement incitatives à la haine raciale, il a repris en 2002. Et comme chaque année, nous continuons à nous demander pourquoi des associations comme la Ligue des droits de l’homme (dont pourtant le Congrès de 2001 avait unanimement voté une motion condamnant le sondage), le MRAP ou SOS-Racisme cautionnent, par leur participation aux travaux préparatoires de la CNDH, une opération qui participe à la consolidation du préjugé raciste et de la xénophobie sous toutes ses formes.
Le Monde
Ces articles devraient vous intéresser :