C’est le quotidien israélien Maariv qui a relancé la polémique la semaine dernière. Il a annoncé qu’après six ans de rupture, les relations diplomatiques entre le Maroc et Israël pourraient reprendre à court terme et a même désigné Serge Berdugo comme étant le représentant secret du royaume en Israël. D’une part, l’intéressé a démenti l’information. D’autre part, une reprise imminente des relations diplomatiques entre les deux pays semble sujette à caution. Ce n’est en effet pas la première fois que les médias israéliens s’en font l’écho, sans suite. Déjà, en mars 2005, la télévision publique israélienne affirmait qu’un accord de principe avait été conclu entre Mohammed VI, et le vice-Premier ministre Shimon Perès à l’issue d’une rencontre lors de la commémoration du premier anniversaire des attentats de Madrid en Espagne.
Paradoxalement, si Mohammed VI a décidé de fermer le bureau de liaison marocain à Tel-Aviv en octobre 2000 pour protester contre la répression de l’armée israélienne dans les territoires palestiniens, tous les canaux de communication avec l’Etat hébreu n’ont pas pour autant été clôturés (cf. interview de Bruce Maddy Weitzman). Le fait que près de 10 % de la population israélienne se compose d’immigrés marocains ou d’origine marocaine pèse. Tout comme la présence historique d’une importante communauté juive au Maroc qui comptait jusqu’à 270 000 personnes à la veille de l’Indépendance du royaume. Mais pas seulement. Par exemple, le Maroc n’a pas hésité à passer par les lobbys pro-israéliens ultra-puissants aux Etats-Unis pour obtenir le soutien de l’administration américaine à son plan d’autonomie pour le Sahara et gagner en influence à Washington.
Éclipse marocaine
Si Mohammed VI se situe plutôt dans la continuité de son père avec Israël, on observe toutefois un changement de direction par rapport à l’ère Hassan II depuis qu’il est monté sur le Trône en 1999. Le roi défunt utilisait habilement le conflit israélo-palestinien tant pour briller sur la scène internationale que pour ériger le Maroc en interlocuteur incontournable dans le processus de paix au Proche-Orient. Il était par ailleurs profondément convaincu qu’une solution politique était la seule issue et ne ménageait pas ses efforts dans ce sens. On se souvient, par exemple, qu’en 1976, des rencontres secrètes entre Egyptiens et Israéliens s’étaient tenues au Maroc et avaient été suivies, quelques mois plus tard, de la visite historique du président Anouar El-Sadate à Jérusalem.
Depuis le début de son règne, Mohammed VI a, certes, rencontré des officiels israéliens : le ministre des Affaires étrangères Sylvan Shalom, le grand rabbin d’Israël ou encore le leader du parti des Travaillistes et futur ministre de la Défense, Amir Peretz. Mais, en parallèle, le Maroc s’est peu à peu éclipsé du dossier du conflit israélo-palestinien. Son retrait culmine même avec l’absence de la personne du roi au sommet arabe de Riyad qui s’est tenu à la fin de mars 2007 sous l’égide de l’Arabie Saoudite.
Coup de pied saoudien
En avril 2004, un diplomate marocain déclarait au Journal Hebdomadaire : « la donne a changé. Aujourd’hui, c’est une logique de haine qui prévaut au Proche-Orient et le Maroc ne peut influencer la donne. Il doit s’économiser, mettre ses réseaux en veilleuse et les actionner lorsqu’une dynamique de dialogue s’enclenche ». Certes. Mais en s’effaçant de la sorte, le Maroc a laissé l’Arabie Saoudite, et notamment le roi Abdallah, prendre la place qu’occupait jadis Hassan II. Les initiatives du royaume saoudien, comme par exemple l’organisation du sommet inter-palestinien entre le Fatah et le Hamas à la Mecque en février dernier, l’ont même consacré comme la première puissance diplomatique arabe.
Conséquence logique de l’éclipse marocaine : le Maroc se voit maintenant poussé vers la sortie de son dernier bastion au Proche-Orient par ses pairs arabes : la présidence du Comité Al Qods. Ainsi, l’Egyptien Amr Moussa n’a pas hésité, peu de temps après son élection au poste de Secrétaire général de la Ligue Arabe, à remettre en cause l’aspect héréditaire de la présidence du Comité Al Qods. De source diplomatique saoudienne, l’Arabie Saoudite cache à peine qu’elle préfèrerait voir un Turc à la tête de ce même Comité. Elle juge en effet que la Turquie est aujourd’hui la mieux à même de servir de pont entre le monde musulman et l’Occident. Et se base pour cela sur le succès du secrétaire général turc de l’Organisation de la Conférence Islamique (OCI) qui a justement succédé à un Marocain. Dans ce contexte, fort est donc à parier que Mohammed VI et le roi Abdallah d’Arabie Saoudite, en visite cette semaine au Maroc, ont eu bien d’autres sujet de discussion que les relations bilatérales entre les deux pays…
Le Journal Hebdo - Catherine Graciet