Le retour à l’école est particulier pour les femmes musulmanes enseignantes dans les écoles publiques en Espagne. Elles doivent faire face à toutes sortes de préjugés en raison du port du hijab. Hind Mounjid, 29 ans et originaire d’Úbeda (Jaén), est institutrice. Elle a fait ses études en anglais, français et éducation physique dans une école jésuite et enseigne aujourd’hui dans la même école de la ville. « Bien sûr, ils savaient que je suis musulmane, même si à l’époque je ne portais pas le foulard, et il n’y a jamais eu de problème », déclare-t-elle fièrement. Plus tard, elle a commencé à travailler dans le public, « à Séville, en tant que professeur de français en 6ᵉ ». « Les enfants te regardent bizarrement au début. C’est normal, ils n’ont jamais vu quelqu’un enseigner la tête couverte. Mais tout s’est bien passé. À la fin du cours, ils étaient très heureux », explique-t-elle.
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Pour les trois enseignantes, la diversité d’origine des élèves dans les classes constitue le plus grand moteur d’antixénophobie. « Il y a des enfants d’Amérique latine ou du Maroc, mais aussi d’autres régions d’Europe ou du monde », raconte l’une d’entre elles. « Aujourd’hui, vivant dans un monde plus globalisé, nous avons des élèves métissés, issus de parents de nationalités différentes… Tout se normalise. Vous trouvez aussi des gens plus ignorants, plus fermés », ajoute Hind Mounjid.
Khaoula El Kamouni Chebli, une Madrilène de 27 ans, porte le hijab depuis l’adolescence. « À tout moment et à toute heure, je me sens jugée, mais on apprend à vivre avec et à ne pas se laisser affecter par ces préjugés. Cela semble un peu dramatique mais c’est réel », a-t-elle confié. Et d’ajouter : « Chaque jour où vous décidez de faire votre vie avec un hijab, vous allez rencontrer des incompréhensions, des questions, des jugements, voire des attaques. Et cela peut arriver dans n’importe quel domaine. La société ne l’accepte pas encore totalement ».
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« La religion islamique a toujours été très entachée de ce genre d’accusations qui n’ont rien à voir avec la réalité de l’islam et des musulmans. La désinformation est ce qui rend cette image si inappropriée », estime par ailleurs Khaoula El Kamouni. Elle est soutenue dans cette position par Carolina Saidi Rodríguez, une majorquine de 45 ans. « Pour les enfants d’origine marocaine ou pakistanaise, vous êtes leur super héros. Ils sont émerveillés, et pour les parents vous l’êtes aussi, car c’est un signe de progrès qu’il y ait des professionnels qui portent des hijabs de toutes sortes », explique t-elle.
« Il faut se rendre visible, ça n’a rien d’étrange. C’est tout à fait normal. Chacun est libre », se défend fièrement Saïdi. « C’est ce qui m’identifie en tant que femme musulmane. Cela représente ma personnalité, ma façon d’être. Je le porte pour Dieu, je l’ai librement choisi, je l’ai fait très tard, à 39 ans. Les gens pensent que tu le portes parce que soit tu es mariée, soit ton père t’y oblige. Et non, ce n’est pas du tout le cas », rectifie Saidi.
En 2020, l’Espagne disposait d’une forte communauté musulmane composée de 2 216 512 personnes, selon les données fournies à la Sexta par l’Union des communautés islamiques d’Espagne. Cette communauté variée est présente dans toute l’administration publique.