Energie : Demain, la révolution

7 mars 2007 - 00h12 - Maroc - Ecrit par : L.A

Vraie crise ou fausse peur ? La question de maîtrise de l’énergie électrique en Europe est au centre des débats. La dernière illustration des enjeux de la mise en place d’une véritable politique européenne de l’énergie remonte au 4 novembre dernier.

Ce jour-là, une panne électrique a plongé près de 728 millions d’Européens dans le noir pendant une bonne heure (l’Europe est le troisième foyer de peuplement après la Chine et l’Inde). Conséquences : collapsus en cascade de lignes à très haute tension du nord au sud du continent européen pour minimiser les dégâts et éviter surtout le blak-out (le déséquilibre entre production et consommation dont le seuil minimum requis est de 50 Hz).

La mise hors-service automatique de l’interconnexion entre l’Espagne et le Maghreb, si l’on en croit la version officielle, visait à « protéger le système électrique du Maghreb ». Les électriciens sont unanimes à reconnaître que « la sûreté de fonctionnement du réseau interconnecté est une condition sine qua non d’un marché de l’électricité efficace ».
Faut-il voir dans l’incident qui a handicapé de nombreux Européens une menace à la sécurité de l’intégration énergétique régionale du Maghreb ? Auquel cas, le Maroc, pour ne prendre que cet exemple, risque-t-il de voir augmenter sa vulnérabilité par rapport aux importations d’énergie primaire ? (Lire l’entretien avec Youness Maamar, DG de l’ONE page 8).
En tout cas, côté européen, on prend cet incident très au sérieux. Des experts en énergie de l’Union ont élaboré une sorte de feuille de route pour parer aux dangers. Le rapport d’André Merlin, président du directoire du RTE (Réseau de transport d’électricité) et directeur de Supelec (Ecole supérieure d’électricité) de France, en donne un large aperçu. Son départ annoncé de la filiale d’EDF, vendredi dernier, « pour limite d’âge » contribuera-t-il à calmer les peurs des dirigeants d’EDF (RTE contribue à hauteur de 8% au résultat net d’EDF), opposés à l’autonomie du réseau, ardemment défendue par Merlin.

En attendant, Merlin appelle dans son rapport à la création d’un Centre européen de coordination du transport de l’électricité, à l’harmonisation des compétences et des décisions des autorités nationales de régulation... Pour cela, il propose l’élaboration de bilans prévisionnels sur l’équilibre offre/demande, la création d’un groupe formel de gestionnaires des réseaux de transport d’électricité ainsi que le renforcement et l’adaptation des infrastructures des réseaux européens dans des délais plus courts.

Au Maroc, le retard accusé dans le programme d’investissements de l’ONE (Office national d’électricité) inquiète les investisseurs. Avec une croissance forte, autour de 9% en moyenne ces quatre dernières années, les retards d’investissements de l’ONE équivalaient en 2005 à 900 mégawatts, sur la base des projections faites en 1999. Les besoins d’investissements de l’Office sont estimés à environ 10 milliards de dirhams par an. L’ONE, qui est un importateur net de l’énergie fossile, seul acteur à supporter les répercussions des hausses des cours à l’international, dispose d’une marge d’autant plus réduite que la structure de la demande nationale est basée sur la basse tension, essentiellement les ménages. Dans sa stratégie, l’Office vise à diversifier les sources d’approvisionnement, à consolider le Maroc en tant que carrefour régional d’interconnexion et à exporter son savoir-faire. La construction annoncée (et contestée) de la centrale de Cap Ghir, dans le Souss, pour répondre à la croissance de 11,3% de consommation électrique régionale contre 8,1% au niveau national, va-t-elle changer la donne ? On en doute, d’autant que la « non construction » de nouvelles centrales en Europe, ces six dernières années, fait écrire à Merlin dans son rapport que « les électriciens européens sont arrivés aux limites de leur capacité ». En perspective de sortie de crise, « 500 milliards d’euros d’investissement sur les quinze prochaines années seront nécessaires ».

Révolution en expérimentation

Depuis la publication de ce rapport, les faits et gestes des ténors du secteur sont suivis à la loupe. Preuve en date, la proposition d’Offre publique d’achat d’E.ON (deuxième groupe énergétique européen, avec 75.7 milliards d’euros en termes de capitalisation boursière) sur Endesa (6e) qu’il valorise à 41 milliards d’euros, est au centre des débats. Le dernier Forum économique mondial de Davos en Suisse, fin janvier, a consacré plusieurs ateliers à la question énergétique dont l’offre de l’électricien allemand, pour le contrôle de l’espagnol Endesa. Car avec cette OPA, le nouveau trust hispano-allemand sera propulsé sur le podium de la capitalisation boursière européenne avec 117 milliards d’euros, devant le français EDF (99 milliards d’euros). En attendant, c’est le groupe italien Enel qui s’est invité au capital d’Endesa à hauteur de 10%. Une prise de participation qu’il compte hisser à près de 25%. Une stratégie qui vient contrer, sur le fil, les ambitions de l’allemand E.ON. Au-delà, c’est toute une révolution énergétique qui est en expérimentation pour l’après-pétrole que les experts situe aux alentours de 2030. La mine de Jerrada ressuscitera

L’Economiste - Bachir Thiam

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