Dans le secteur du sport en plein essor au Maroc, l’informel gagne du terrain. Les professionnels, mécontents, tirent la sonnette d’alarme.
Après l’été, voici l’hiver : deux périodes critiques au cours desquelles la demande d’électricité atteint des pics frôlant les 4 000 MW. Bien normal : avec la prochaine généralisation de l’électricité à l’ensemble du pays et la modernisation des foyers, chaque Marocain consomme aujourd’hui, en moyenne annuelle, 520 kWh, contre 75 kWh en 1960.
Face à cette évolution de la demande, les interrogations fusent de nouveau quant à la capacité du système à satisfaire convenablement les besoins. L’on se rappelle en effet qu’il y a un an la question s’était posée avec acuité.
Même si une panne n’est jamais à exclure, ces interrogations, que la représentation nationale fait désormais siennes, ne sont pas dénuées de fondement, de l’aveu même, au demeurant, de l’opérateur national, l’Office national de l’électricité (ONE). Et ceci pour une raison bien simple : au Maroc, l’offre (5200 MW) et la demande (4000 MW) sont presque en équilibre si l’on sait que, d’une part, dans cette offre, il y a les parts de l’hydraulique et de l’éolien sur lesquelles on ne peut pas toujours compter (comme en période de sécheresse et de manque de vent) ; d’autre part, la demande ne cesse de progresser, au rythme de 8 à 9 % par an.
Enfin, les investissements pour accompagner cette consommation en croissance accusent du retard. Moyennant quoi la marge de réserve est aujourd’hui tellement faible que l’ONE, pour ne pas faillir à sa responsabilité de fournir l’électricité sur tout le territoire et à tout instant, est obligé de recourir à deux moyens de substitution très coûteux : l’importation à travers le réseau d’interconnexion et la mise à contribution de centrales de secours dont le coût de production est très élevé. Alors que l’interconnexion avait vocation, comme l’expliquent les responsables de l’office, d’« assurer le secours mutuel et de développer les échanges électriques, avec l’Europe, notamment », elle a surtout servi jusque-là à acheter de l’électricité à partir de l’Espagne. Si bien qu’en 2006 - et c’est le cas en 2007 - ces achats ont contribué à près de 10 % de la demande (contre 4,2 % en 2005), dont seulement 2 % à titre d’arbitrage économique, précise-t-on en substance. Plus simplement, cela veut dire que 80 % des approvisionnements effectués à partir de l’Espagne sont des approvisionnements contraints, donc onéreux.
Certes, on peut toujours estimer que, quitte à en payer le prix, le recours à l’électricité espagnole est là, ce qui évite les risques de pénurie. Seulement, quand bien même le Maroc serait décidé à en payer le prix, il ne peut en acheter que sur le surplus ponctuel. En d’autres termes, l’hiver étant une donnée structurelle pour tous, il faut, au moment où s’exprime le besoin, que l’Espagne ne soit pas en situation d’utilisation maximale.
A tout cela, il faut ajouter une utilisation à flux tendu du parc de production existant - afin de faire face à la demande - ce qui n’est pas sans conséquence sur ses performances et sa durée de vie.
6,5 milliards de DH d’achats de combustibles, 16,2 milliards de dettes de financement
Le problème est que ce déficit en production - faute d’investissements réalisés à temps - intervient dans un contexte international marqué par une flambée des prix des matières premières (des combustibles en l’occurrence). En 2006, l’ONE a acheté pour près de 6 milliards de DH de combustibles (charbon, fioul et gaz) et d’énergie (l’électricité achetée à l’Espagne), soit 2,4 milliards de plus qu’en 2003, et pour la même quantité. En 2007, ces opérations commerciales devraient dépasser les 6,5 milliards de DH, avec, en sus, les risques de change qui sont inhérents à ce commerce, puisque l’office achète en dollars essentiellement, et accessoirement en euros. Si on ajoute à tout cela les remboursements des dettes de financement, évaluées à 16,2 milliards de DH à fin 2006, on comprend bien que la situation financière de l’office inquiète. Et comme un malheur ne vient jamais seul, en 2006, un redressement fiscal de 2,4 milliards de DH (certes payables sur plusieurs exercices) est venu alourdir le fardeau qui pèse sur cet organisme public. De sorte que même avec un chiffre d’affaires de 15 milliards de DH, soit une progression annuelle moyenne de 8 % entre 2002 et 2006, l’ONE a enregistré un résultat d’exploitation négatif (- 196 MDH) et un résultat net tout aussi négatif (- 1,7 milliard de DH).
Malgré (ou à cause de) ces contraintes, l’opérateur historique n’a d’autre choix que d’investir. Certes en production concessionnelle et, surtout, sans les garanties de l’office, comme c’est le cas actuellement (rappelons ici que c’est l’ONE, seul, qui supporte aujourd’hui les risques de fluctuation des prix des combustibles à la place des distributeurs et des producteurs privés). Mais en fait d’investissement, ce dont l’ONE (le secteur en réalité) a besoin, ce sont des investissements stratégiques et lourds, comme des centrales thermiques, à charbon notamment, et non plus seulement des investissements d’appoint, comme l’éolien, très coûteux (des protocoles d’accords ont été signés avec des opérateurs privés pour l’auto-production de 820 MW d’énergie éolienne). C’est en effet là le talon d’Achille de l’office. A court terme, donc, et en attendant l’entrée en service, en 2009, des équipement prévus dans le cadre du plan d’urgence, la situation restera très tendue.
A moyen terme, la solution ne peut venir que d’un gros investissement. Après l’annulation du projet de Cap Ghir, dans les environs d’Agadir, rejeté par les élus pour raisons environnementales, une solution de rechange semble en voie de finalisation. Selon des sources sûres, la même centrale (deux unités de 660 MW chacune) à charbon sera implantée à Safi. Il resterait juste à conclure avec les autorités locales...
Il faut bien voir cependant que la problématique dépasse le seul volet investissement - certes stratégique. La relation de l’office aussi bien avec l’Etat qu’avec les autres partenaires (distributeurs, privés ou publics, les utilisateurs, etc.) mérite sans aucun doute d’être redéfinie. Cette relation est aujourd’hui enveloppée d’une certaine confusion, puisque l’ONE assure à la fois des missions de service public et des activités à caractère marchand. Quand l’office apporte la lumière dans les douars les plus reculés, en prenant en charge plus de la moitié de la facture et qu’ensuite il vend le kWh selon une tarification fixée par l’Etat et qui ne tient pas compte du renchérissement des prix des combustibles, ses finances ne peuvent être que malmenées. Il y a lieu de signaler ici, en effet, qu’outre les facteurs déjà évoqués et relatifs aux charges qui phagocytent l’ONE, la hausse du portefeuille clients alimentés en basse tension, et tout particulièrement ceux du Programme d’électrification rurale généralisée (Perg), qui passent de 393 000 en 2002 à 1,04 million à fin 2006, au lieu de donner de l’oxygène à l’office, l’asphyxient au contraire. Pourquoi ? Parce que le tarif de vente pour la tranche inférieure à 100 kWh, qui représente quelque 70 % de la consommation domestique, est inférieur au coût de fourniture de l’électricité. Ne parlons pas des créances qui sont encore dans la nature, évaluées à 6,45 milliards de DH, dont notamment des créances sur l’ex-RAD de Casablanca (990 MDH) et l’ex-RDE de Tétouan (72 MDH).
Il y a donc au minimum une clarification du rôle de l’office à opérer. C’est l’objet de la restructuration juridique - et même financière - lancée depuis le dernier conseil d’administration, il y a quelques semaines. En attendant, vent et soleil pour développer les énergies alternatives sont les bienvenus.
La vie éco - Salah Agueniou
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