Le secrétaire général du Parti de la justice et du développement (PJD), Abdelilah Benkirane, a récemment confié avoir demandé à plusieurs reprises au roi Mohammed VI de le démettre de ses fonctions de Chef du gouvernement.
Pour l’analyste Amel Boubekeur, l’issue des élections locales marocaines du 12 juin dernier témoigne de la grande fragilité des partis politiques du royaume chérifien.
Le Maroc vient de vivre les dernières étapes de ses élections municipales. Sept millions d’électeurs (moins que les 54,6 % lors des municipales de 2003 mais plus que les 37 % d’abstention aux législatives de 2007) ont élu leurs conseillers communaux le 12 juin 2009. Ces conseillers ont ensuite contracté diverses alliances entre leurs partis respectifs pour élire enfin le président du conseil communal (maire) de chaque ville.
Les réformes initiées pour l’occasion ont permis des avancées "techniques" dans la gestion des communes telles que l’élection des jeunes et des femmes. Elles n’ont pas réussi cependant à consolider le rôle toujours instable des partis face à la monarchie.
Les réformes et leurs limites
Le fonds de financement des partis mis en place pour promouvoir des candidatures féminines est le plus grand succès de la nouvelle charte communale de 2009. Le quota minimum de 12 % de représentation féminine décrété a même été dépassé et 3 406 femmes ont été élues (sur 20 458 candidates) contre 127 en 2003.
La société civile, notamment à travers le "collectif pour l’observation des élections" qui regroupe 70 ONG, a été encouragée à veiller à la transparence des élections. Cependant, avant même la fin de l’élection des présidents de commune, 1 767 plaintes pour fraude, achats de voix, menaces ou encore coups et blessures ont été enregistrées.
Le nouveau mode de scrutin, indirect et proportionnel, choisit pour ces municipales a déçu les Marocains, qui ne sont pas sûrs de voir le parti pour lequel ils ont voté présider in fine leur commune. Les alliances entre partis, parfois opposés sur la constitution d’une liste majoritaire, a rendu la question des programmes de développement des communes secondaire.
Des partis fragiles
Le grand gagnant des élections est le Parti authenticité et modernité (PAM, centre-droit) avec 21,7 % des voix. Lancé cinq mois avant les élections avec l’appui du roi, il est l’initiative de l’ancien ministre de l’Intérieur Fouad El-Himma. Bien que n’ayant pas participé aux dernières législatives, il s’est retrouvé majoritaire grâce à la centaine de sièges occupés par les députés des cinq petits partis qui ont fusionné en son sein. Se présentant comme un parti désireux de "renouveler la politique", il a décrédibilisé les partis historiques de l’opposition comme le parti de l’Istiqlal (PI, droite conservatrice) et l’Union socialistes des forces populaires (USFP, gauche socialiste). La question est désormais de savoir si le PAM, qui doit son succès plus aux réseaux sociaux de ses candidats (élus transhumants d’autres partis et notables locaux) qu’à une réelle valeur politique ajoutée, sera capable de fidéliser sa base et de survivre aux élections.
Si l’Istiqlal est arrivé second aux élections avec 19 % des votes, l’USFP, qui n’a obtenu que 11,6 %, traverse une crise grave. En rejoignant le gouvernement, ce parti avait fait le pari du "soutien critique au roi". Or l’Union a été incapable d’imposer son programme de réforme de la Constitution afin de permettre un renforcement du rôle du Premier ministre et voit sa base sociale affaiblie.
Les islamistes du Parti de la justice et du développement (PJD) n’obtiennent que 5,4 % des voix, proportionnellement bien moins qu’en 2003. Depuis 10 ans, ils ont normalisé leur présence dans le champ politique, mettant l’accent sur la bonne gestion des villes plutôt que sur leur idéologie. Résultat : le PJD a dû faire face avant les élections à la démission de nombreux députés et militants.
Source : France 24 - Amel Boubekeur
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