Elargissement de l’Union européenne : le Maroc et la nouvelle donne méditerranée

26 avril 2004 - 10h19 - Monde - Ecrit par :

Dix pays vont en effet devenir membres effectifs de l’Union européenne le 1er mai 2004 à Dublin (Irlande), capitale de l’Europe jusqu’à fin juin 2004. Sept pays qui faisaient encore partie il y a moins de quinze ans, de l’ex-Union soviétique : Hongrie, République tchèque, Slovaquie, Slovénie, Lituanie, Lettonie, Estonie. Ainsi que la Pologne et les deux îles méditerranéennes : Chypre et Malte. Le processus d’intégration qui a débuté dans les années 90, après la chute du mur de Berlin, s’est intensifié entre 1998 et 2000, et a été bouclé en décembre 2002 au sommet de Copenhague.

Les négociations ont été à la fois difficiles et laborieuses, du fait de coût de l’élargissement pour les quinze (27,5 milliards d’europs entre 2004 et 2006) et de la transposition de l’acquis communautaire dans la législation des dix nouveaux membres.

Le traité d’adhésion a été solennellement signé à Athènes le 16 avril 2003, et sa ratification a été achevée dans tous les Etats membres. L’Union européenne élargie verra sa population augmenter de 75 millions d’habitants, et deviendra le troisième ensemble de population du monde avec 450 millions d’habitants, derrière la Chine et l’Inde.

Sur le plan institutionnel, elle sera régie par le traité de Nice, conclu en décembre 2000, dont les mécanismes ont été dénoncés comme trop compliqués et peu pratiques. Cependant, avec le changement de gouvernement en Espagne, et l’assouplissement de la position de la Pologne, il y a de fortes chances que le projet de Constitution pour l’Europe, établi sous la conduite de M. Valéry Giscard d’Estaing, puisse être adopté d’ici fin juin 2004 sous la présidence irlandaise.

Ce projet de Constitution prévoit notamment des règles de fonctionnement de l’Union beaucoup plus souples que le Traité de Nice, notamment en ce qui concerne la prise de décisions.

Outre, les dix nouveaux membres, sept autres candidats d’Europe de l’est et des Balkans sont sur les rangs pour leur adhésion à l’Union européenne. Il s’agit de la Bulgarie et de la Roumanie, dont l’intégraation à l’Union est prévue en 2007. La Croatie espère également intégrer en 2007, tandis qu’il est prévu une date beaucoup plus lointaine pour les pays des Balkans : Macédoine, Bosnie-Herzégovine, Serbie-Monténégro et Albanie.

Face à cette situaton, quelle position le Maroc doit prendre ?

Notre pays est lié à l’Union européenne par un accord d’association signé en 1996, et mis en vigueur en 2000. Cet accord prévoit notamment l’instauration progressive d’une zone de libre-échange avec l’Union européenne qui sera totale en 2012. Il prévoit également une aide financière de l‘UE au profit du Maroc pour sa mise à niveau, dans le cadre du programme MEDA :
MEDA I : 1996-1999 : 616 millions d’euros
MEDA II : 2000-2006 : 485 millions d’euros

Dès lors que les dix nouveaux membres auront adhéré effectivement à l’Union européenne, ils intégreront dans leur législation les Traités et Accords qui lient l’UE aux pays tiers. Concrètement, cela veut dire que les règles régissant nos relations actuelles avec l’Union européenne seront transposées intégralement aux nouveaux membres.
Quelles conséquences cela aura-t-il sur l’économie de notre pays ?

Sur le plan des investissements, il est certain que ces dix nouveaux membres vont attirer de plus en plus d’investissements européens, et constituer une concurrence sérieuse puor le Maroc. Ils bénéficient en effet d’un coût de main-d’œuvre moins élevé qu’en Europe de l’Ouest, de la proximité géographique, et d’un niveau de développement économique assez élevé (infrastructures, télécommunications, qualification professionnelle). D’ores et déjà de grands groupes européens ont délocalisé leur activité chez les nouveaux membres :
Allemagne : Siemens a délocalisé la téléphonie en Hongrie.

Lufthansa veut délocaliser sa comptabilité et ses achats en Polognee Volkswgen produit 13% de ses véhicules en Europe Centrale et Orientale.
• France : Le groupe américain Whirpool a annoncé la délocalisation de son activité lave-linge d’Amieens en Slovaquie.
• Espagne : le groupe sud-coréen Samsung a quitté Barcelone pour la Slovaquie.
Le groupe néerlandais Philips a délocalisé sa production de luminaires industriels de Catalogue en Pologne.
• Suède : Le groupe Electrolux a délocalisé sa production d’électroménager en Hongrie.
Il est à criandre aussi que les fonds communautaires soient orientés prioritairement à ces nouveaux pays, plutôt qu’aux pays de Sud, notamment dans le cadre de l’aide à l’agriculture, et aux subventions aux régions les plus défavorisées.

A contrario, le Maroc pourrait attirer des investissements en provenance de ces nouveaux membres, quoique dans une moindre mesure.
Au niveau des échanges, le Maroc pourrait accéder à de nouveaux marchés sur ces dix nouveaux membres, notamment pour les produits agricoles frais et transformés, ainsi que pour les textiles, du fait du régime douanier préférentiel dont il bénéficiera. Mais il aura aussi à supporter la concurrence sur son propre marché, de produits en provenance de ces pays, qui seront totalement exonérés de droits de douane d’ici 2012.

Au niveau du tourisme, le Maroc pourrait bénéficier d’un apport additionnel en provenance de ces nouveaux membres, qui ont été peu prospectés jusqu’à maintenant, et qui connaissent mal le Maroc. A l’inverse, Chypre et Malte qui sont des sites tourisques par excellence, pourraient attirer encore plus de touristes en provenance de l’UE.

Tenant compte de ces élèments, la stratégie préconisée peut se décliner en trois volets ;
• Approfondir les relations avec l’UE, notamment dans le cadre de la “ nouvelle politique de voisinage ”. Il s’agit de se rapprocher le plus possible du statut de membre de l’UE, dans tous les domaines économiques et sociaux.
• Diversifier nos relatons en dehors de l’UE.
Cette diversification doit se faire à l’Est, notamment dans le cadre e l’Accord de libre-échange avec la Tunisie, l’Egypte, la Jordanie et la Turquie. Mais aussi à l’ouest, dans le cadre de l’Accord de libre-échange avec les USA, qui vient d’être signé.
• Améliorer la compétitivité de notre pays.
C’est la préconisation la plus importante, car les Accords avec les pays tiers ne sont que des cadres à l’intérieur desquels se font ou ne se font pas les actions concrètes.
Il faut que notre pys soit compétitif pour accueillir les investissements et les touristes étrangers, pour exporter ses produits sur un maximum de marchés, et pour protéger son marché national contre la concurrence étrangère. Devant la multiplication des accords de libre-échange, l’avancée inéluctable de la mondialisation, le Maroc se doit d’être vigilant.

(*) Jawad Kerdoudi - Consultant Economiste
Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internatinales) - Le Matin -

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