Interpellé par un groupe parlementaire sur le droit des Marocains résidant à l’étranger (MRE) à participer aux élections au Maroc, Abdelouafi Laftit, ministre de l’Intérieur a répondu sans détour.
Bien plus que le score des islamistes aux législatives de demain, c’est son départ du gouvernement et son éloignement de l’entourage royal qui agitent le sérail politique. Car si Fouad Ali al-Himma était tout à la fois l’interlocuteur des partis politiques, l’un des principaux gestionnaires des affaires sécuritaires et de l’épineux conflit du Sahara-Occidental, bref le vrai numéro 2 du régime, c’était en raison d’une proximité avec le roi qui remonte loin : aux bancs du Collège royal. Une complicité à laquelle il doit d’avoir été le directeur de cabinet de Mohammed VI lorsqu’il était prince héritier.
Comment croire dès lors, dans ce pays où l’on ne quitte jamais le palais par décision personnelle, que al-Himma ait soudain « demandé à partir » pour se présenter aux législatives dans sa ville de Benguérir, près de Marrakech ? Qui plus est un mois avant un scrutin prévu de longue date. Quand, jamais dans l’histoire du royaume, un haut responsable n’a démissionné pour se présenter à un scrutin.
Allusion
En réalité, le problème couvait déjà depuis quelque temps. L’accumulation de faux pas semble avoir provoqué l’agacement du roi : « maladresses » dans la gestion du très délicat conflit du Sahara et « bavures » dans la lutte antiterroriste - que Fouad Ali al-Himma a menée dans un tandem très critiqué par la société civile avec le général Hamidou Lâanigri, lui-même déchargé de ses fonctions de chef de la Sûreté nationale en septembre 2006. Cette gestion du dossier sécuritaire lui avait valu d’être qualifié de « nouveau Basri », allusion peu flatteuse à l’ex-ministre de l’Intérieur et exécutant des basses œuvres de Hassan II décédé la semaine dernière à Paris.
Pour un bon connaisseur des arcanes royaux, c’est son « implication dans les intrigues du sérail royal qui a fait le reste ». L’euphémisme désigne sa rivalité avec Mohamed Mounir Majidi, le secrétaire particulier et grand argentier du roi. A tort ou à raison, Al-Himma est soupçonné d’avoir favorisé la publication dans la presse d’un scandale impliquant cet autre proche du roi dans l’achat, à prix symbolique à Taroudant (près d’Agadir), de quatre hectares de terres des Habous (ministère des affaires religieuses) destinés à une personnalité étrangère amie du Maroc. Ce scandale a pris d’autant plus d’importance qu’il risquait d’éclabousser le roi Mohammed VI. Un soupçon analogue portant sur la publication de documents militaires liés à la lutte antiterroriste aurait en outre attiré à Fouad Ali al-Himma l’hostilité de l’armée.
Dans ces conditions, la thèse de l’éloignement par Mohammed VI reste la plus plausible. Rares sont ceux en effet qui croient à une décision dictée par un calcul du palais : doter Al-Himma de la « légitimité électorale » qui lui permettrait d’occuper, demain, le poste de Premier ministre. L’homme qui s’occupait de tout, même s’il ne gérait pas directement les dossiers, aurait profité des élections pour faire une sortie honorable.
Disgrâces
Cet épisode reste un bon révélateur du système Mohammed VI. « Le roi joue sans cesse sur les rivalités de son entourage », note un proche du palais appartenant à la génération des quadras aujourd’hui aux affaires. « Mais, poursuit ce dernier, le système ne peut fonctionner avec deux clans de force égale, comme l’étaient celui de Majidi pour le business et d’Al-Himma pour le sécuritaire et le reste. »
Rien ne dit que la carrière de Fouad Ali al-Himma soit définitivement terminée. Les disgrâces, surtout celles touchant des très proches de Mohammed VI, ont jusqu’ici été transitoires. D’autant plus lorsqu’elles privent le roi d’une personnalité sur laquelle il pouvait entièrement s’appuyer.
Libération.fr - José Garçon
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