Une cinquantaine d’individus ont été arrêtés mercredi au Maroc lors d’une importante opération visant des membres présumés de groupes djihadistes.
Dimanche, le Premier ministre apparaissait sur les écrans de télévision. L’air grave, le ton ferme, c’est debout derrière le drapeau marocain que Driss Jettou a adressé un message de vigilance et de mobilisation aux forces vives d’un pays frappé en son cœur par des attentats sanglants.
Alors même que Casablanca, endeuillée et choquée enterrait ses morts dans la douleur et la dignité, le chef de l’Exécutif, absent du Maroc lors du drame, et qui sera de retour très tôt dans la matinée de ce dimanche, apparaissait pour dire sa compassion aux familles des victimes lâchement assassinées et son horreur face à « ces lâches attentats terroristes (...) visant la stabilité et la quiétude du pays ». Les mots seront à la mesure de l’intensité du drame. 72 heures après ces tristes événements, le fracas des explosions, l’image des corps déchiquetés, celle des mères, des épouses, des enfants éperdus de douleur étaient toujours là, présentes pour longtemps encore. C’est très probablement ces images fortes, ces moments de douleur insoutenable, ces instants d’une violence frappant aveuglément qui habitaient toutes les pensées de Driss Jettou et qui allaient traverser son message télévisé aux citoyens. Celui qui est aussi le chef de la majorité s’est départi de ses habits de la réserve politiquement correcte. L’heure est grave ; elle n’est ni au discours alambiqué et encore moins aux formules ambiguës. Jettou prend position et dit clairement, haut et fort, que ce sont les choix démocratiques, la transition, les valeurs de modernité et de tolérance qui font cette « exception marocaine » qui ont été frappés ce 16 mai dans la nuit casablancaise, dans cette nuit de l’horreur.
Parce que cela n’arrive pas qu’aux autres, parce que cela nous est arrivé, ici, en terre marocaine, en une soirée presque d’été, le Premier ministre a lancé un appel aux forces vives. Un appel de vigilance et de mobilisation à tous ceux et celles ayant à cœur que dure et perdure ce vent de liberté qui souffle en ce Royaume, pour que la transition soit préservée et que ce rêve de démocratie ne soit pas assassiné.
« J’appelle toutes les forces vives de notre pays à resserrer les rangs et à faire preuve de vigilance dans la défense du projet de société irréversible pour lequel nous avons opté, sous la conduite de SM le Roi, comme référence pour l’édification de l’avenir de notre pays » a -t-il déclaré solennel.
Depuis dimanche soir, Khalid Naciri, membre dirigeant du PPS, a retrouvé toutes les forces de se battre. Samedi, il avait été d’ailleurs à l’origine de la toute dernière manifestation organisée à Rabat pour dire « Oui à la démocratie et non au terrorisme ». Quant à la déclaration de Jettou, ce constitutionnaliste, épris de démocratie, n’a qu’un seul mot « Bravo ». « Bravo Monsieur le Premier ministre. Bravo pour ce langage du cœur, de la raison, de la franchise et de la fermeté », nous a t-il déclaré.
La rigueur de la loi
Dans les états-majors partisans, d’un bout à l’autre de l’échiquier politique, c’est justement le langage de fermeté, cette volonté ardente de faire appliquer la loi et rien que la loi qui a retenu toutes les attentions. Le populisme sur fond de discours démago a, semble-t-il, fait long feu. Le chef de l’Exécutif a sonné le glas à toute forme de laxisme, et les partis politiques applaudissaient à l’unisson, lundi matin. Jettou ne mâche pas ses mots ni ne s’embarrasse de circonlocutions alors que la bête immonde est parmi nous. « Les événements sanglants qui ont eu lieu dans la ville de Casablanca ont administré la preuve irréfutable du non fondé de l’attitude de ceux qui ont pris l’habitude de considérer la préservation de l’ordre public et de la sécurité des personnes et des biens contre toute forme de violence ou d’extrémisme comme une simple imposition de la logique sécuritaire et un retour en arrière comme ils le prétendent ». Le chef de l’Exécutif n’est pas à la pêche aux voix et, pour lui, il n’y a qu’une seule et unique préoccupation : un pays nommé Maroc. Alors celui qui a été ministre de l’Intérieur rappelle cet été meurtrier qui a précédé les élections législatives et met face à leur conscience ceux qui ont osé dire que l’existence du mouvement de la Salafya Jahidya, auteur de crimes odieux, « était une pure création des services de sécurité ». Jettou parle clairement de calculs électoraux. Et il est déjà inutile de suivre son regard pour comprendre à qui il fait allusion.
Pour le ministre des droits de l’Homme, qui est aussi un cacique du Rassemblement national des indépendants, la déclaration du Premier ministre est d’abord et avant tout « une clarification des positions ». « Cela signifie que dans un état de droit, un gouvernement doit avoir le courage intellectuel d’assumer ses positions et ses choix de société », nous explique-t-il avant d’ajouter que « M. Jettou a clairement dit la volonté du gouvernement d’appliquer le droit. Nous n’avons pas de leçons à recevoir. Les choix du Maroc font honneur au Roi et à notre peuple. Arrêtons cette autoflagellation ». La loi sera donc appliquée, dans toute sa rigueur, et sous le ciel d’un Etat de droit. Sans abus mais sans laxisme non plus. L’engagement est de celui qui conduit l’Exécutif de l’après-27 septembre. « Le gouvernement œuvrera pour mobiliser tous les moyens nécessaires afin de traquer les commanditaires et les auteurs de ces crimes odieux partout où ils se trouvent et quelle que soit la couverture derrière laquelle ils se cachent. Les pouvoirs publics vont adopter la méthode appropriée pour poursuivre et punir les auteurs de ces actes et ce avec la détermination et la rapidité que requiert la gravité de ces actes criminels ».
Partout dans une société marocaine qui a choisi de rester debout et de faire front contre la violence et le terrorisme, c’est la même itération : « Plus rien ne sera comme avant ». Et parce qu’il y aura un après 16 mai, de sinistre mémoire, Hassan Abdelkhalek, membre du comité exécutif de l’Istiqlal, est convaincu « qu’aujourd’hui plus que jamais, il faut donner du sens à la politique de proximité. Plus que jamais, il faut prendre des mesures sur le champ économique et adopter une vraie politique de communication ».
Narjis Rerhaye pour Lematin.ma
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