Une vingtaine de parlementaires marocains sont dans le collimateur de la justice. Ils sont poursuivis pour faux et usage de faux, abus de pouvoir, dilapidation et détournement de fonds publics.
Les Marocains ont voté à l’occasion d’élections législatives présentées par le pouvoir comme les plus honnêtes et les plus transparentes.
Il s’agit du premier scrutin de ce type depuis l’accession au trône du roi Mohamed VI en 1999 et d’un test pour les réformes vers une plus grande démocratie prudemment impulsées par le fils du défunt roi Hassan II.
La consultation, dont les résultats ne devraient pas tomber avant samedi, innove aussi en créant des listes uniquement féminines qui garantissent aux femmes au moins 30 sièges. Elles ne sont que deux députées à la Chambre des représentants sortante.
A l’occasion d’une campagne intense sur tous les médias, y compris l’audiovisuel et l’internet, le gouvernement du Premier ministre socialiste Abderrahmane Youssoufi s’est employé à convaincre ses compatriotes de leur devoir civique de voter pour renforcer la démocratie.
"Les Marocains ont été déçus par toutes les échéances passées. Notre objectif est d’organiser de vraies élections, pas sujettes à critiques", a récemment déclaré le vétéran de l’USFP, à la tête d’un gouvernement d’alternance depuis cinq ans.
Lors des dernières législatives de 1997, le taux de participation n’avait été que de 58% et les accusations d’irrégularités et d’achat de voix s’étaient multipliées.
Mais l’apathie du corps électoral après 12 jours d’une campagne terne et un certain désenchantement à l’égard d’une classe politique considérée comme corrompue et éloignée des réalités ne garantissent pas automatiquement une participation plus forte cette année.
La démocratie parlementaire à l’occidentale n’est pas ancrée profondément dans ce pays vivant dans un système de monarchie constitutionnelle de droit divin où le roi, qui est aussi "Commandeur des croyants", dispose de pouvoirs très étendus, notamment par l’intermédiaire d’un petit cercle de conseillers et du "mahzen" (système spécifiquement marocain de différents cercles de pouvoir relayant à tous les échelons les décisions du monarque).
Le roi nomme le chef du gouvernement ainsi que, généralement, les "ministres de souveraineté" (Affaires étrangères, Défense, Justice) et les hauts fonctionnaires comme les "walis" (préfets).
L’actuel Premier ministre, un ancien opposant à Hassan II âgé de 78 ans, assure quant à lui que son pays dispose "(...) d’un exécutif à deux têtes, comme en France. Le pouvoir législatif est un véritable pouvoir (même si) quelques nominations sont faites par le roi".
PROJECTEURS BRAQUES SUR LES ISLAMISTES
Ce dernier, surnommé M6 en raison notamment de sa jeunesse (39 ans), bénéficie d’une image d’un monarque moderne et épris de réformes, qui a pris des mesures audacieuses pour secouer l’appareil hérité de son père.
Mohamed VI a notamment autorisé le retour d’exilés politiques, assoupli la censure et permis l’ouverture d’enquêtes sur les violations commises par le passé en matière de droits de l’Homme comme la torture et les disparitions d’opposants politiques dans les années 60 et 70.
Pour des diplomates, le Maroc est en train de changer certes, mais à son rythme.
"C’est inutile de comparer avec des monarchies constitutionnelles à l’occidentale comme l’Espagne", conseille un diplomate arabe. "Cependant, ce qui se passe avec ces élections est sans précédent dans le monde arabe".
Les politologues pensent que le scrutin de vendredi a peu de chance de déboucher sur une majorité parlementaire unique en raison notamment de l’atomisation de la scène politique (26 formations, dans un pays de 30 millions d’habitants, sont en lice).
L’Union socialiste des forces populaires de Youssoufi, qui dirige une coalition gouvernementale comprenant sept partis, devrait s’en tirer raisonnablement mais tous les projecteurs seront braqués sur la performance des islamistes. Une seule formation islamiste présente des candidats, le Parti de la justice et du développement (PJD, modéré). Les radicaux de l’association Justice et bienfaisance (Adl Oual Ihsane) du cheikh Yassine ont refusé de participé au scrutin.
Les élections se joueront aussi sur le bilan contrasté du gouvernement sortant.
Avec un taux de chômage d’officiellement 12% (20% selon l’opposition), un taux d’analphabétisme de 61% de l’électorat et plus de cinq millions de Marocains vivant en-deçà du seuil de pauvreté ou l’équivalent d’un dollar par jour, les défis ne manquent pas.
"Certes, ce ne sont pas les premières élections organisées au Maroc, loin s’en faut. Mais pour des raisons multiples (...), les élections avaient principalement pour but d’organiser le partage entre les differents acteurs", écrit l’éditorialiste de L’Economiste. "Maintenant, elles ont pour but d’assurer la représentativité réelle des Marocains", ajoute le quotidien des milieux d’affaires.
Reuters
Ces articles devraient vous intéresser :