Comme annoncé, l’aide prévue pour les familles marocaines dans le besoin sera versée par le gouvernement. Celle-ci devrait intervenir sous peu. Quel montant ? quand est-ce qu’elle sera versée ?
Voilà un dilemme de taille. « Comment articuler la croissance économique au développement social ? », s’interroge Driss Khrouz, universitaire et directeur de la Bibliothèque nationale. Khrouz, qui est également chroniqueur à Atlantic Radio, souligne, avec une tonalité humaniste, que « derrière le marché, il y a le lien social ».
Toujours est-il que sa question a enclenché le débat, tenu le 27 mars à l’Institut des hautes études de management (HEM) de Casablanca.
L’exercice est périlleux et « exige une lucidité et un courage politique », lâche d’emblée Abdelali Benamour, président de HEM.
Les problématiques se bousculent : créer des emplois ou augmenter les salaires ?, opter pour un syndicalisme revendicatif ou d’accompagnement ?, quelle réforme pour la Caisse de compensation ?
Il ne serait donc pas sage d’esquiver ces équations économiques, car si capitales. Et le « courage politique » reste un ingrédient déterminant pour les résoudre en vue de passer à un nouveau pallier de croissance. Pour le moment, des dossiers sont en suspens. La mauvaise répartition des subventions de la Caisse de compensation a déjà provoqué un tollé.
En outre, on a dépassé les 20 milliards prévus initialement. L’envolée des prix du baril de pétrole, entre autres, a faussé tous les calculs. Et qu’en est-il du pouvoir d’achat lié au débat sur le smig ?
Lorsqu’on interroge Hassan Abou Ayoub, ambassadeur itinérant, sur le sujet, il n’hésite pas à rétorquer : « Arrêtons de sacraliser les dysfonctionnements ! ». Dans certains pays, « le Smig n’existe pas. les salaires sont même inférieurs à ceux du Maroc ». C’est le cas, par exemple, en Géorgie (80 euros). Quant à l’emploi, « ce n’est pas une variante, c’est un résultat ».
Le résultat d’un processus d’éducation et de formation efficaces. Car une croissance et une productivité pérennes émanent surtout de l’innovation. Il faut donc la stimuler, « d’où la nécessité de diffuser l’information » à partir de l’école.
Mohamed Berrada, universitaire et ex-ministre des Finances, prend le relais. Il met aussi en avant le rôle de l’éducation, de la communication et de l’innovation. Pour lui, le débat devrait porter aussi sur « la qualité de la croissance économique ». Il faut d’abord « maintenir la régularité de son taux ». Effectivement, certains secteurs montent en flèche, tel le tourisme. Mais, « qu’en est-il des exportations qui peinent à décoller ? ».
Evidemment, les intervenants s’accordent à dire qu’au cœur de la croissance, il y a l’humain. Car le tout économique est un danger.
Stratégie de ciblage
« La situation est difficile mais pas désespérée », relativise José Lopez Calix, économiste en chef de la Banque mondiale pour l’Afrique du Nord. Bonne nouvelle ! « Le Maroc a atteint un nouveau pallier de croissance durant les années 2000 (moyenne de 5%) », d’après un rapport en cours d’élaboration par la BM.
Pourtant, entre 1994 et 2004, le seuil de pauvreté dans certaines régions du Royaume a été dépassé. Et même l’INDH, lancée en 2006, n’a finalement qu’un rôle de « palliatif », de « complément », soulignent, respectivement, Hassan Abou Ayoub et Mohammed Berrada.
Parmi les propositions de la BM, « réorienter les politiques budgétaires et particulièrement celles de la Caisse de compensation ». « Il ne suffit pas de verser 55% du budget dans des dépenses sociales. Encore faut-il savoir les dépenser », préconise son rapport. C’est là que la stratégie de ciblage fait son entrée. L’idée fait l’unanimité, même si elle paraît presque évidente.
La dernière sortie de l’équipe HCP parle d’ailleurs de « ciblage géographique de la pauvreté ». Hassan Abou Ayoub anticipe en parlant même de « carte biométrique de pauvreté ».
Productivité
Si l’on se fie à cette maxime, un rendez-vous manqué ou un délai dépassé, a ses conséquences : la marge de productivité d’un individu, d’une entreprise, voire de toute une communauté qui s’amenuise, ou pire, se volatilise.
Ce scénario est transposable, à plus grande échelle, sur les politiques budgétaires. C’est le cas lorsqu’il s’agit de réformer la Caisse de compensation, à titre d’exemple. Ses dépenses pourraient cumuler à 30 milliards de DH à fin 2008. Un budget qui équivaut à celui des dépenses publiques ! Proche des dépenses d’investissements de l’Etat.
Ce sont là des instruments décisifs pour relancer, maintenir ou booster la croissance économique. Derrière la croissance, il y a la sueur mais pas seulement. Le monde appartient à ceux qui travaillent et surtout à ceux qui cogitent...
Source : L’Economiste - Faiçal Faquihi
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