Des changements ont été opérés pour impacter positivement le secteur de l’immobilier. Le délai prévu dans l’article 573 relatif à l’introduction d’une action en justice pour défaut de garantie n’est plus limité à 365 jours.
Officiellement, le marché est au beau fixe. Officieusement, de plus en plus de promoteurs ne trouvent pas d’acheteurs à leurs logements. Analyse.
L’immobilier est-il en train de vivre une crise ? La question meuble, ces derniers temps, les conversations de salon. Et pour cause, les plus grandes puissances économiques mondiales sont touchées et le prix des biens immobiliers ne cesse de chuter. Chez nous, depuis 2000, date d’entrée en vigueur des exonérations fiscales liées au logement social, le secteur a littéralement explosé. Investissements, vente de logements, création de villes nouvelles, développement de l’industrie des matériaux de construction, création d’emplois… une véritable dynamique économique a fait du Maroc un eldorado immobilier méditerranéen. “Mais cela fait plusieurs mois que nous constatons un recul de l’activité”, souligne cet agent immobilier casablancais. Certaines villes sont beaucoup plus touchées que d’autres, comme Marrakech qui connaît une stagnation de l’immobilier depuis près d’un an. En l’absence de baromètres immobiliers officiels, des estimations établies par des agences immobilières marrakchies font état d’une baisse de 15 % en moyenne. Pour tous les spécialistes de l’immobilier dans la ville ocre, la raison de ce “tassement” des ventes n’est autre que la hausse vertigineuse des prix, enregistrée ces deux dernières années : “50 % au bas mot”, selon ce professionnel.
Marrakech n’est pas la seule à connaître une baisse des ventes immobilières. D’après des chiffres communiqués par l’agence urbaine de Tanger, le nombre de logements produits durant les neuf premiers mois de cette année atteint 18.517 unités contre le chiffre record de 42.501 unités en 2007. Les investissements dans l’ensemble du secteur de l’immobilier (lotissement, logement, tourisme et industrie) témoignent également du ralentissement du secteur cette année après l’euphorie de 2007. En effet, ce montant global est passé de 20,1 milliards de dirhams en 2007 à seulement 7 milliards de dirhams durant les trois premiers trimestres 2008.
Des agrégats à la hausse
Mais officiellement, le Maroc ne vit aucune crise immobilière. Pour rassurer, le ministre de l’Habitat dément l’existence de tout fléchissement dans le secteur qu’il dirige depuis six ans. “Il n’y a pas de crise immobilière au Maroc. Et je m’engage personnellement à le déclarer publiquement dans le cas où les prémices d’une stagnation se profileraient à l’horizon”, précise-t-il. Pour Taoufik Hejira, les chiffres ne mentent pas. Aussi ne rate-t-il aucune sortie médiatique sans débiter pourcentages, taux et agrégats, tous à la hausse pour l’année 2008. Florilège. A fin septembre 2008, l’encours de crédits immobiliers a enregistré un accroissement de plus de 43% par rapport à la même période l’an dernier. Les Marocains, particuliers et promoteurs, ont emprunté lors des dix premiers mois de 2008, plus de 31 milliards de dirhams, en hausse de 30 %. Autre chiffre : la hausse des ventes de ciment. Sur les dix premiers mois de l’année 2008, près de 12 millions de tonnes de ciment ont été écoulées, ce qui représente une hausse de 11,90% par rapport à la même période de l’année 2007 qui a enregistré près de 10,78 millions de tonnes. La consommation du mois d’octobre 2008 a atteint un peu plus d’un million de tonnes contre 9,5 millions de tonnes en octobre 2007, soit une variation à la hausse de l’ordre de 11,55%.
Autre argument, l’immobilier embauche toujours autant. Entre le troisième trimestre de 2007 et la même période de cette année, 62.000 nouveaux emplois ont été crées dans le secteur dont 51.000 postes en milieu urbain. “Comment voulez-vous parler de crise alors que tous les voyants du secteur sont au vert ?”, commente le ministre istiqlalien. Même son de cloche du côté des banquiers. Pour Noureddine Charkani, directeur général de Wafa Immobilier (groupe Attijariwafa bank), aucune frilosité n’est à enregistrer dans l’attitude des institutions financières nationales quant au secteur immobilier. “Il serait faux de faire un parallèle entre la crise des subprimes, qui a coulé de grandes banques aux Etats-Unis notamment, et la situation immobilière actuelle dans notre pays. Et pour cause, notre système n’est pas basé sur des prêts hypothèques mais sur la solvabilité des personnes”, explique-t-il. Autrement dit, dans les pays européens et aux Etats-Unis, le prêt immobilier est accordé sur la base de la valeur du bien à acquérir, alors que chez nous, la plus grande garantie acceptée par les banques reste les rentrées d’argent du futur propriétaire. “Notre confiance dans la croissance de l’immobilier au Maroc n’est pas ébranlée et nous continuons à financer projets immobiliers et acquisitions personnelles”, conclut le banquier.
Inadéquation de l’offre
Pour le ministre de tutelle comme pour les banquiers, le constat est clair. Le Maroc ne vit pas de crise immobilière. Toujours est-il qu’acheter un logement est devenu de plus en plus difficile. Les promoteurs immobiliers continuent de produire des logements qui, en termes de standing et de prix, ne répondent pas aux attentes de la classe moyenne. “Un promoteur immobilier est avant tout un investisseur. Il est tout à fait normal qu’il place son argent dans un segment qui lui est le plus rentable”, argue Youssef Ibn Mansour, président de la FNPI (Fédération nationale de la promotion immobilière). Les promoteurs ne sont pas actuellement en difficulté, mais voient venir la crise. “Aucun effort n’est fourni par le gouvernement pour maintenir la croissance du secteur immobilier”, souligne le président de la fédération professionnelle. En d’autres termes, l’Etat ne veut plus subventionner le logement. Le partenariat entre le privé et le public en matière de production de logement social, qui a permis de dépasser la barre des 100.000 logements sociaux produits en 2007, a montré ses limites. L’aveu est celui de Taoufik Hejira qui a, à maintes reprises, demandé aux professionnels de trouver de nouvelles pistes de coopération, touchant d’autres segments de logement, comme l’économique et le moyen standing. “La demande la plus pressante existe en logements dont les prix vont de 500.000 à un million de dirhams. Or, aucune offre valable n’y répond efficacement”, souligne le ministre.
L’année 2009 sera d’ailleurs charnière dans ce sens. De nombreuses actions sont en cours d’élaboration en vue de diversifier l’offre immobilière destinée à cette catégorie de Marocains, jusque-là exclue de la propriété immobilière en raison de l’inadéquation des biens immobiliers existants sur le marché. Suffiront-elles à donner un nouveau souffle à un secteur qui contribue à hauteur de 25% dans la valeur ajoutée crée par l’économie marocaine et qui emploie plus de 800.000 personnes ?
80% des Marocains propriétaires en 2012
Ce n’est un secret pour personne : le Marocain aime habiter chez lui. La location est toujours considérée comme une situation inconfortable pour le ménage marocain, d’où une forte demande sur le marché de l’acquisition. Etre propriétaire est un objectif que la grande majorité des familles tentent par tous les moyens d’atteindre. En effet, actuellement, 64% des ménages marocains sont propriétaires de leurs logements, alors qu’en 2004, ils étaient “uniquement” 57%. “Ce taux atteindra 80% en 2012”, souligne le ministre de l’Habitat.
Haut standing : Un secteur qui stagne
Si les différents acteurs du marché de l’immobilier ne sont pas unanimes quant à l’existence d’une crise, ils sont tous d’accord sur le fléchissement des ventes sur un segment particulier, celui du haut standing. Ces dernières années, les offres de villas, appartements et autres maisons traditionnelles, à la finition luxueuse, ont fleuri dans différentes villes du Maroc, avec des prix se chiffrant à plusieurs millions de dirhams. Mais depuis quelques mois, la situation sur le haut standing est devenue plus problématique que le reste des autres segments. Et ce pour de nombreuses raisons : une saturation du marché d’abord, puisque le Maroc n’est pas un pays réputé pour ses riches, une baisse des acquéreurs étrangers qui constituent l’essentiel de la clientèle de nombreux projets immobiliers de haut standing, notamment dans des villes comme Tanger, Marrakech ou encore Agadir, et la crise immobilière mondiale qui touche particulièrement ce segment de l’immobilier.
Source : TelQuel - Farida Ghazoui
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