Au Maroc, le mariage des mineures persiste malgré la loi
Le mariage des mineures prend des proportions alarmantes au Maroc. En 2021, 19 000 cas ont été enregistrés, contre 12 000 l’année précédente.
Le mariage des mineures est un phénomène persistant au Maroc en raison du pouvoir de dérogation accordé aux juges. Le ministre de la Justice, Abdellatif Ouahbi, farouchement opposé à cette pratique, entend y remédier à travers la réforme du Code pénal.
« La question du mariage des mineures ne doit plus être posée. Il faut la trancher, car il est inconcevable qu’une fille soit privée de sa scolarité et de son enfance », déclarait Abdellatif Ouahbi le 3 janvier, dans un talk-show sur la chaîne marocaine al-Aoula. Le ministre de la Justice et secrétaire général du Parti authenticité et modernité (PAM) considère cette pratique comme « un viol », donc un crime qui devrait être puni par la loi. Interpelé sur le sujet le 28 novembre dernier au parlement, il affirmait être favorable à « la criminalisation du mariage des mineures », rappelant que « l’âge minimum du mariage doit être de 18 ans, pas en dessous ».
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Mais bien que le législateur ait fixé la majorité à 18 ans, il a laissé au juge le pouvoir d’autoriser le mariage des mineurs « par décision motivée précisant l’intérêt et les motifs justifiant ce mariage… » (article 20 du Code de la famille ou Moudawana). Sur près de 28 930 demandes d’autorisation de mariages de mineurs en 2021, le juge en a accordé 20 000, la plupart contre l’avis du parquet, soit un taux d’acceptation de 70 %, fait savoir Middle East Eye, précisant que 13 000 demandes sur près de 20 000 avaient été autorisées un an plus tôt, selon un rapport du ministère public qui alerte contre la hausse inquiétante de ces autorisations depuis 2004.
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Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) avait également dénoncé le phénomène. « Le problème est que le législateur, en dérogeant aux normes qu’il a lui-même fixées en matière de mariage, a créé en même temps de la confusion et des antinomies dans les lois qui affaiblissent la protection juridique des enfants », a-t-il indiqué dans un rapport publié en 2019, notant aussi des conséquences néfastes de ce mariage sur la santé mentale et physique des jeunes filles. « Les mères entre 15 et 19 ans courent deux fois plus de risque de mourir des suites d’une grossesse ou d’un accouchement […] et sont très exposées aux violences familiales et conjugales, physiques, sexuelles et verbales », relève le CESE.
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« La non-scolarisation et la déscolarisation prématurée des filles, l’inégalité entre les hommes et les femmes, le manque d’accès à une éducation de qualité, aux services de santé et de la justice, sont considérés à la fois comme des causes et des conséquences du mariage d’enfants et des facteurs de pérennisation de cette pratique », précise le CESE dans son rapport. Pour remédier au problème, il faut supprimer le pouvoir de dérogation accordé au juge et « criminaliser » le mariage des mineurs, assure Abdellatif Ouahbi. C’est l’objectif de la réforme du Code pénal initiée par le gouvernement, et fortement combattue par le parti islamiste, le Parti de la justice et du développement (PJD).
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