Cinéma marocain : quel bilan ?

16 octobre 2002 - 16h20 - Culture - Ecrit par :

Le Maroc a sa journée nationale du cinéma. Elle est célébrée chaque 16 octobre. Elle révèle d’emblée un acte généreux de par le choix de la date même ; celle-ci coïncide en effet avec la commémoration de la disparition d’un cinéaste marocain, feu Mohamed Reggab.

La profession affiche ainsi un devoir de mémoire. une certaine fidélité. Mais nous sommes en présence d’un choix symbolique qui inscrit la fête dans une logique de disparition et de deuil. Une journée sous le signe de l’émotion en somme, comme dans un mélodrame classique où l’on se retrouve autour d’une sépulture pour le souvenir, et une dose de regrets. Sans les larmes.
La journée offre, par ailleurs, à notre cinéma un cérémonial qui revient chaque année comme un rituel de passation que l’anthropologie nous permet de lire comme une étape sur la voie de la constitution du Moi. L’historique de cette journée est à ce propos riche en enseignements. Née dans l’euphorie de la dynamique qui a marqué la production durant la décennie 90, cette journée organisée chaque fois autour d’un thème spécifique concernant le fonctionnement de l’activité cinématographique a permis ainsi d’aboutir à un immense cahier de doléances, à un véritable catalogue des lacunes et maux qui entravent ce décollage tant attendu d’une véritable industrie cinématographique marocaine. De guerre lasse, une dernière journée a été consacrée à un jeu de miroir où comme dans un récit antique, la journée s’est transformée en un moment d’introspection pour réfléchir sur les débats qui ont été menés, sur l’immense littérature produite et accumulée dans les archives de qui de droit. Il fallait bien sensibiliser les décideurs politiques à prendre conscience qu’une profession ne peut continuellement produire de la revendication. Il faudra bien trouver quelque part des voies qui mènent à la concrétisation de certains projets cruciaux, décisifs pour l’avenir.
Quel bilan alors peut-on tirer cette année au moment où l’on se propose de réfléchir aux nouvelles stratégies pour le cinéma marocain ? Celui-ci présente une image à l’instar de l’ensemble du pays : des lacunes, des potentialités et d’énormes espoirs. Avec cette précision toutefois est que dans le domaine du cinéma, les acquis sont encore plus fragiles. La production, perçue en termes de sorties nationales, tarde à prendre un rythme de croisière. On vient de sortir d’une année médiocre à ce niveau, pour entamer une année prometteuse. Un balbutiement de nature stratégique justement. Il est avéré maintenant que l’on ne peut doper la production uniquement par l’apport de l’argent public. La jeune expérience marocaine a démontré que l’argent seul ne suffit pas à produire du cinéma ; encore moins, hélas du bon cinéma.
Il faut se rendre à l’évidence et cesser de caresser l’opinion de la profession dans le sens des seuls intérêts corporatistes. La question du cinéma mérite un débat de fond qui engage toute sa dimension, y compris et surtout culturelle. L’handicap majeur de notre cinéma est d’ordre culturel. Il est difficile de voir émerger une activité cinématographique sans un environnement culturel nourri de cinéphilie, sans un climat général favorable. Comment est perçue l’image du cinéma, des cinéastes dans notre champ social ? Comment les professionnels vivent eux-mêmes leurs rapports au cinéma ? Quelle est la place de la culture cinématographique dans les pratiques culturelles institutionnelles ? Quel est le mode d’alimentation et de renouvellement des cadres dans le domaine ? Quelles sont les choix esthétiques débattus au sein de la sphère de réception du film marocain ? Quels sont les supports qui véhiculent un discours raisonné sur le cinéma ? Qu’est-ce que être cinéaste aujourd’hui au Maroc ?

Mohammed BAKRIM

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