Une vingtaine de parlementaires marocains sont dans le collimateur de la justice. Ils sont poursuivis pour faux et usage de faux, abus de pouvoir, dilapidation et détournement de fonds publics.
Transparency Maroc n’y va pas par quatre chemins pour dénoncer l’utilisation de l’argent sale dans la corruption qui entoure le renouvellement partiel à la deuxième Chambre des conseillers. Il vient d’asséner « un coup de pied dans la fourmilière » en adressant une lettre ouverte au Premier ministre afin de l’interpeller sur les méthodes frauduleuses utilisées par des individus mal intentionnés.
Dans ce courrier officiel, Azeddine Akesbi, secrétaire général de Transparency Maroc, déplore une situation qu’il qualifie de dramatique et inquiétante. « Le renouvellement partiel des institutions représentatives devrait être une occasion pour marquer une rupture avec un passé dans lequel la falsification des élection reposait notamment sur l’utilisation de l’argent sale et la corruption », déclare-t-il. Celui-ci affirme détenir des informations sérieuses et graves. « Nous avons reçu des témoignages qui confirment l’usage d’argent dans le processus d’élection qui mène à la seconde Chambre. L’ampleur du phénomène, confirmé par différentes sources, justifie l’interpellation du gouvernement pour qu’il diligente une enquête et procède aux vérifications ».
S’il est très souvent délicat de prouver l’utilisation d’argent « sale » à des fins corruptives, il n’en reste pas moins que la palette de « témoins » est suffisamment importante pour prendre au sérieux la situation. « Nous demandons que les témoignages des responsables politiques et d’élus de tous bords soient vérifiés. Il ne nous appartient pas de procéder à des investigations de ce genre, nous n’en avons pas les moyens », précise le secrétaire général. Il ajoute que c’est la raison pour laquelle Transparency Maroc demande une enquête et réclame que l’opinion publique soit informée des résultats des investigations. « Nous sommes persuadés que si la volonté est au rendez-vous, l’Etat et ses différents appareils, dont le ministère de l’Intérieur en particulier, pourraient obtenir des informations crédibles et des résultats concrets ».
Législatives 2007 en ligne de mire
A combien s’élève le nombre de corrompus ? D’après une source bien informée, il semblerait que le nombre est important. Des partis de la majorité seraient dans le collimateur... Face à cette situation, que peut faire ou entreprendre le gouvernement Jettou ? « Lancer une enquête d’urgence, informer l’opinion publique des résultats et prendre, si besoin est, des mesures adéquates. Il n’est pas tolérable que la corruption et l’argent, provenant notamment de la drogue, continuent à jouer un rôle déterminant dans la constitution des institutions politiques. Elles sont censées être représentatives », insiste Akesbi.
Alors que les élections législatives se profilent, que le Souverain appelle à la mobilisation générale pour une large participation au scrutin, que des mouvements collectifs (Daba 2007...) se sont créés pour que 2007 soit l’année électorale synonyme de rupture avec les pratiques frauduleuses du passé, cette « nouvelle affaire » vient rappeler que le chemin est encore long. « Vu les informations en notre possession, si rien n’est fait dans les plus brefs délais, il y a de quoi être inquiet quant à la tenue d’élections législatives transparentes », poursuit ce dernier. Selon lui, il est urgent de ratifier la convention des Nations unies contre la corruption, de mettre en place l’agence indépendante de lutte contre la corruption, de faire adopter une déclaration du patrimoine, de réformer sérieusement la justice... « Autrement dit, concrétiser le plan d’action de lutte contre la corruption du gouvernement », conclut Azeddine Akesbi.
Comment promouvoir la transparence
Dans le cadre de son 10e anniversaire, Transparency Maroc organise des ateliers de créativité pour produire des outils et matériaux de promotion de la transparence et de sensibilisation à la lutte contre la corruption. L’objectif de ces ateliers est de promouvoir la créativité, de sélectionner et de produire les meilleures propositions dans ce domaine. Les candidats peuvent proposer des idées, des concepts et des suggestions qui couvrent tous les champs et formes d’expression (dessin, peinture, photos, projets de pièces de théâtre, de sketchs...). Les propositions doivent viser la promotion des valeurs de transparence, d’éthique et de sensibilisation à la corruption. Chaque proposition doit être accompagnée par une fiche décrivant le projet, l’idée, les objectifs et les modalités de réalisation. Les auteurs des projets retenus seront invités à participer aux ateliers de créativité qui seront organisés par Transparency Maroc pour développer et finaliser les meilleurs projets. Propositions et candidatures aux ateliers de créativité sont à adresser à Transparency Maroc avant le 15 septembre prochain.
500.000 DH l’investiture !
L’achat de voix, l’obtention frauduleuse d’une investiture... (on parle de 500.000 DH comme ticket d’entrée à la Chambre des conseillers, mais comment le prouver !?) sont au centre des préoccupations des ministères de l’Intérieur (www.leconomiste.com) et celui de la Justice.
En effet, Mohamed Bouzoubaâ, le ministre de tutelle, vient d’ordonner une enquête sur le recours des députés démissionnaires et candidats aux élections des conseillers, prévues le 8 septembre prochain. Il est acquis que l’Etat ne compte pas demeurer passif face à un fléau qui décrédibilise les consulta-
tions électorales et, par voie de
conséquence, les institutions politiques.
Malheureusement, une partie de l’opinion publique a baissé les bras considérant qu’il n’y a rien à faire (banalisation de la corruption) ou que les organes sont inefficaces ou eux-mêmes partie prenante de la corruption (rejet des institutions).
Rachid Hallaouy - L’Economiste
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