Une cinquantaine d’individus ont été arrêtés mercredi au Maroc lors d’une importante opération visant des membres présumés de groupes djihadistes.
Le débat sur le projet de loi relatif à la lutte contre le terrorisme qui a débuté depuis près d’une semaine en commission à la Chambre des représentants, va probablement se prolonger autour de la rigueur de certaines de ses dispositions et ne manquera donc pas de susciter quelques propositions d’amendements.
Ce projet est en réalité une sorte de complément du code pénal et du code de procédure pénale qui encadrent les dispositions légales concernant un aspect criminel particulier, à savoir le terrorisme.
Il début par la définition de ce dernier. Ainsi dans l’article 218-1, le premier du chapitre premier bis, additif au livre III du titre premier du code pénal, présente 12 infractions qui "constituent des actes de terrorisme, lorsqu’elles sont intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler l’ordre public par l’intimidation, la force, la violence, la frayeur ou la terreur".
A la tête de ces infractions, on trouve "l’atteinte à la sûreté intérieure et extérieure de l’Etat", suivie de "l’atteinte volontaire à la vie des personnes ou à leur intégrité, ou à leur liberté, l’enlèvement ou la séquestration des personnes", "la contrefaçon ou la falsification des monnaies ou effets de crédit public, des sceaux de l’Etat et des poinçons, timbres et marques, ou le faux ou la falsification ".
Dans la liste, on retrouve aussi les destructions, dégradations ou détériorations. Des définitions prises de manière générale, puis celles qui menaceraient les aéronefs, navires, ou tous moyens de transport, ainsi que des installations les concernant.
La fabrication, la détention, le transport, la mise en circulation ou l’utilisation illégale d’armes, d’explosifs ou de munitions entrent, bien entendu, dans la liste des infractions qualifiées de terrorisme, aussi bien d’ailleurs celles qui concernent les systèmes de traitement automatisé des données.
Les conséquences ou les participations matérielles ou par la propagande, la publicité ou l’apologie d’un acte constituant une infraction de terrorisme sont aussi qualifiées d’"infractions terroristes".
L’introduction dans l’atmosphère, sur le sol, dans le sous-sol ou dans les eaux, y compris celles de la mer territoriale d’une substance de nature à mettre en péril la santé de l’homme ou des animaux ou le milieu naturel, constitue aussi un acte terroriste.
Les faits qualifiés dans le 218-1 et suivants sont punis de dix à vingt ans de réclusion.
Cette peine atteint la perpétuité quand les faits ont entraîné une infirmité permanente, et la peine capitale quand ils ont entraîné la mort d’une ou de plusieurs personnes.
Toutes les formes d’aide directe ou indirecte fournies à ceux qui, intentionnellement, commettent un acte terroriste sont elles-mêmes qualifiées d’actes terroristes, avec des sanctions spécifiées pour les personnes physiques de 5 à 20 ans de réclusion et une amende de 5000.000 à 2.000.000 dh, pour les personnes morales d’une amende de 1 à 5 millions de dh, sans préjudice des peines que risquent leurs dirigeants ou agents impliqués dans les infractions.
Quand les infractions ont donné lieu à l’utilisation de facilités que procure l’exercice d’une activité professionnelle, en bande organisée ou en cas de récidive, les peines de prison vont de 10 à 30 ans et l’amende est doublée.
La personne coupable de financement du terrorisme risque en plus la confiscation de tout ou une partie de ses biens.
Les formes d’assistance pécuniaire, moyens de subsistance, de correspondance ou de transport, un lieu de réunion, de logement ou de retraite, ou de dépôt du produit du méfait, sont aussi punis de 10 à 20 ans de prison.
Les parents ou alliés jusqu’au quatrième degré peuvent être exempts de la peine, lorsqu’ils ont fourni logement ou moyens de subsistance personnels.
De manière générale, le texte aggrave les peines prévues dans le code pénal et durcit aussi les sanctions contre la non-révélation d’infractions constituant des actes de terrorisme, tout en accordant le bénéfice d’une "excuse absolutoire" pour les auteurs, co-auteurs ou complices qui dénoncent l’infraction, avant que les actes ne soient commis et des réductions de peine lorsque la dénonciation intervient après.
Ce durcissement prévu par le projet entraîne par conséquence l’introduction d’exception dans la procédure pénale à l’encontre des personnes concernées.
Ainsi, pour les visites domiciliaires, les perquisitions et sur autorisation écrite du "ministère public", peuvent être effectuées hors des périodes prévues par la loi, en l’occurrence avant 6 heures et après 21 heures, y compris sans le consentement des propriétaires des lieux.
D’autre part, le procureur du Roi peut également, si les nécessités de l’enquête l’exigent, demander par écrit, au premier président de la cour d’appel d’ordonner l’interception des communications téléphoniques ou des communications à distance, de les enregistrer, d’en prendre copie ou de les saisir lorsqu’il s’agit d’une infraction relative à l’atteinte de la sûreté de l’Etat et au terrorisme.
Ces enregistrements ne peuvent cependant être utilisés que dans le cadre de l’enquête concernée.
En matière de terrorisme, la garde à vue est aussi prolongée. Elle est fixée à 144 heures renouvelables deux fois pour 96 heures chaque fois sur autorisation écrite du ministère public.
De même que la communication de l’avocat avec son client peut être interdite ou retardée.
Le projet introduit aussi toute une partie de procédures concernant le financement, les renseignements que la justice peut exiger des institutions bancaires, la collecte d’informations sur les mouvements de fonds des comptes, soupçonnés de servir une entreprise terroriste. A cet égard, le secret professionnel ne peut être invoqué.
Mais l’ensemble des fonctionnaires et personnes intervenant dans une enquête sur une entreprise terroriste, sont tenus au secret professionnel exigé par l’enquête.
Dernière nouveauté apportée par ce projet : la compétence donnée à la cour d’appel de Rabat en ce qui concerne les poursuites, l’instruction et le jugement des actes constituant des infractions de terrorisme. Cette cour peut, exceptionnellement, tenir ses audiences dans les sièges d’une autre juridiction.
LIbération (Casablanca)
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