Interpellé par un groupe parlementaire sur le droit des Marocains résidant à l’étranger (MRE) à participer aux élections au Maroc, Abdelouafi Laftit, ministre de l’Intérieur a répondu sans détour.
Crédité de plus de 20% des intentions de vote dans les sondages, le centriste François Bayrou pourrait bien être le troisième homme de l’élection présidentielle française. Que prévoit le candidat de l’Union pour la démocratie française (UDF) pour les Français d’origine étrangère ? Quelle est sa vision de la France de demain ? Réponse d’Aziz Senni, son conseiller spécial pour les questions de société.
Si François Bayrou était président de la république française, qu’est-ce que cela changerait pour les Français d’origine étrangère ? Beaucoup de choses, si l’on en croit Aziz Senni, conseiller spécial pour les questions de société du candidat de l’Union pour la démocratie française (UDF) à la présidentielle. Ce jeune homme d’origine marocaine, patron de la compagnie Alliance Transport, estime notamment que François Bayrou apportera à ces Français une réelle égalité avec ceux dits « de souche ». L’auteur de L’ascenseur social est en panne… : J’ai pris l’escalier ! s’en explique et revient sur son engagement auprès de celui qui pourrait bien être le troisième homme de la course à la magistrature suprême.
Pourquoi soutenez-vous l’UDF ?
Je me suis engagé avec plus que l’UDF : avec François Bayrou. D’abord et avant tout pour une vision de la France qui est celle de faire travailler ensemble les gens sur ce qui nous rapproche avant de commencer à parler de ce qui nous divise. Je viens d’un quartier, je viens de banlieue, le vivre ensemble ça fait trente ans qu’on nous en parle. J’estime qu’il est temps, en tout cas à mon niveau, d’expliquer aux politiques que s’ils nous expliquent le vivre ensemble, nous on doit leur expliquer le « travailler ensemble dans l’intérêt de tous ».
Pourquoi les Français d’origine africaine devraient voter Bayrou ?
Parce qu’avec lui on n’est ni dans la victimisation, ni la charité, que peut parfois avoir ou prendre le discours de Ségolène Royal, du côté socialiste, avec cet esprit post-colonial du type SOS racisme, du type « Touche pas à mon pote ». Je pense qu’on est arrivé à un temps où c’est plutôt « Vas-y mon pote » que « Touche pas à mon pote ». Mon pote a envie de s’exprimer, s’il n’y arrive pas, il faut l’aider plutôt que de lui dire : « Tais-toi, je vais faire les choses à ta place ». Encourageons-le ! Avec François Bayrou on n’est pas non plus dans la stigmatisation, je cite : les problèmes liés à la polygamie, les moutons qu’on égorge dans les baignoires… On n’est pas dans la discrimination positive liée à l’origine ethnique. Donc François Bayrou propose quelque chose de juste, basé sur les compétences, avec une vraie égalité des chances. Il a face à lui ce qu’il appelle « la nouvelle France ». Il ne parle même plus de la France mais de la nouvelle France parce que le visage de la France a changé, qu’il en est bien conscient et qu’il a envie de voir la diversité s’exprimer aussi bien dans l’administration que dans le gouvernement qu’il aura à mettre ne place. Je parle déjà au futur parce que je sûr qu’il sera élu !
On constate aux côtés des différents candidats à la présidentielle des personnes issues de la diversité, qu’on met en avant. Ne craignez-vous pas de passer pour l’« arabe de service » ?
Vous avez raison de poser la question. Le tout est de ne pas être dupe. Je l’ai raconté dans mon livre (L’ascenseur social est en panne… : j’ai pris l’escalier !, ndlr), depuis le départ, je sais que se prendre en photo quand on est un homme politique avec le jeune beur de la cité du Val-Fourré (département des Yvelines, Ouest de Paris, ndlr) qui a monté sa boîte et qui est un peu le symbole de cette success story à la française, c’est très sympathique. C’est un peu de la récupération, mais l’important c’est qui je suis et pourquoi je suis là. Je ne suis pas dupe, ça s’est passé avec Chirac, avec Villepin, avec Martine Aubry, avec tant d’autres… Mais je me suis toujours, toujours, juré de ne pas me laisser aveugler. J’avais un message, je me bats pour ce territoire, j’ai envie d’abord qu’il s’en sorte par l’économie. Certes, j’ai été pris en photo avec ces gens-là, mais je n’ai jamais été dupe et j’en ai aussi toujours profité pour utiliser ces contacts dans les buts que je me suis fixé.
Ce rôle ne vous gêne donc pas ?
Comme je le dis dans mon livre, [être] « l’arabe de service », j’assume. Je tiens à préciser que Simone Veil a été la femme de service très longtemps. Si à l’époque on avait Simone Veil à la table, c’était pour ne pas passer pour un macho. Aujourd’hui, le combat de la femme a avancé, elle n’a jamais oublié pourquoi elle se battait. Et si aujourd’hui on a Aziz Senni autour de la table, j’espère que dans dix ans les choses seront tellement normales qu’on se rappellera en se disant : « C’est vrai qu’il a été le beur de service et que ça a servi ». Le beur de service ou le black de service, ça ne doit être qu’une étape, mais je pense qu’on est obligés de passer par là. Mais il ne faut pas que ces Beurs et blacks de service s’enferment et gardent ce monopole parce que c’est vrai qu’il y a le beur de service qui se bat et puis il y a le beur de service type Malek Boutih qui, une fois arrivés, vous met des couteaux dans le dos.
Vous avez l’air d’en vouloir beaucoup à Malek Boutih, secrétaire national au Parti socialiste chargé des questions de société et ex-président de SOS racisme…
Je pense que l’association SOS Racisme a fait beaucoup, beaucoup, de mal dans les quartiers. Parce qu’à l’heure où ils se battaient pour qu’on rentre en discothèque ou dans les supermarchés, j’aurais bien aimé il y a vingt ans qu’on commence à se battre pour l’accès à la culture, dans les grands lycées, les grands collèges, pour l’entrée dans des fonctions, des entreprises… Et aujourd’hui, lorsque vous écoutez leur discours, il n’a pas changé. C’est toujours « Touche pas à mon pote », c’est toujours un esprit un peu protectionniste. Je veux qu’on encourage les gens, pas qu’on les mette dans une situation de victime, d’assistanat. Oui, c’est très dur. Oui, quand on voit un Noir ou un Arabe et qu’on vient du Val-Fourré ou de Sarcelles c’est extrêmement difficile, mais on ne doit pas baisser les bras. D’abord pour soi, ensuite, pour beaucoup, nos parents ont vécu le sacrifice de l’immigration, donc c’est aussi une façon de leur dire merci. Je pense que SOS racisme a vingt ans de retard avec son discours, c’est le dernier chapitre de mon livre.
En parlant de votre livre, pensez-vous que François Bayrou pourra « réparer » l’ascenseur social ?
L’ascenseur social, il l’a pris lui ! Il est fils de paysan, quand d’autres sont fils de hauts fonctionnaires, pour ne pas dire fils d’aristocrates quand on s’appelle Nicolas Sarkozy. Il a été le seul à travailler de ses mains, il a été professeur et en même temps il a été soutien de famille, puisque son père était décédé et qu’il tenait une ferme. C’est le seul candidat crédible aujourd’hui qui a travaillé de ses mains. C’est quelqu’un aussi qui est issu d’un milieu modeste, qui a travaillé à l’école et qui s’en est sorti grâce à l’école. Donc cet espoir de l’ascenseur social, lui il le connaît. Il a vécu à un temps où on pouvait dire : « Si je travaille à l’école, si j’ai un diplôme, je pourrais trouver un job ». Ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. Cette problématique lui tient très à cœur parce que, j’en ai souvent discuté avec lui, il regrette énormément que des fils de paysan comme des fils d’ouvrier dans le milieu urbain ne puissent pas avoir un petit peu ce rêve que lui a eu. Et, justement, il en fait un challenge de réparer cet ascenseur social et de le réparer pour tout le monde.
Y compris pour les Français d’origine étrangère, donc…
Que ce soit pour les gens d’origine africaine, maghrébine ou autre, on est d’abord des Français. L’UDF, c’est cette vision-là. En France, il y a deux catégories de population : il y a les Français et les étrangers avec un titre de séjour. Et on se bat à l’UDF pour qu’il y ait cette reconnaissance. Vous savez, je suis de ceux qui rêvent que l’expression « Français de souche » disparaisse. Le grand combat qu’on doit tous mener, et je pense que cela devrait faire l’unanimité au niveau de tous les partis, c’est qu’un jour on soit capable de dire, pour ma part, « mes ancêtres les Arabes et nos ancêtres les Gaulois ». Je suis à la fois héritier d’une culture et d’une tradition par mes parents, par mes origines, mais je suis aussi l’héritier, culturellement parlant, de toute l’histoire de France. Donc c’est tout cela : mettre ensemble deux choses qui a priori se contredisent. On est les champions du « mettre ensemble » à l’UDF.
Quand François Bayrou sera élu, puisque vous en êtes convaincu, aurez-vous un poste ministériel ?
De deux choses : Est-ce que vous pensez que s’il me l’avait proposé je vous le dirais ? Je ne pense pas (rires). Et la deuxième, ce n’est pas tout à fait comme ça que je conçois les choses. Aujourd’hui, on est sur une présidentielle, il y a du travail à faire d’abord pour expliquer aux Français et les convaincre qu’il y a une nouvelle vision qui est à mettre en place. C’est quelque chose de tout à fait nouveau, les gens ont l’habitude de voir un camp contre un autre. Aujourd’hui, on propose à l’UDF, avec François Bayrou, d’être au-dessus de ça. Il faut déjà faire adhérer les gens là-dessus. Ensuite, je vais être candidat aux législatives à Mantes-la-Jolie, sous la bannière UDF, donc j’ai mon propre parcours à mener. Après, ce qui adviendra adviendra, on verra en temps et en heure. Mais je suis et je reste un chef d’entreprise, je ne suis pas un fonctionnaire en disponibilité, je ne suis pas un associatif en manque de carrière ou assoiffé de pouvoir. Je vis de mon entreprise et de mon travail et je souhaite que cela reste le cas. J’ai peut-être moins d’avidité que d’autres, mais pas moins d’ambition. Et l’ambition, il en faut.
Afrik.com - Habibou Bangré
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