Le Maroc a lancé un appel d’offres international pour l’acquisition et l’installation de dispositifs automatiques de comptage du trafic routier. Le coût du marché est de 16 millions de dirhams.
Silence, ça roule ! Le rush de l’automobile et l’euphorie des ventes sont sans précédent ! En effet, l’an 2007 marque un tournant dans la vie du parc roulant national. Il suffit de conduire dans une métropole comme Casablanca ou Rabat en heure de pointe pour s’en rendre compte au quotidien. Du jamais-vu ! Partout, des voitures flambant neuves (WW), tous segments confondus ; de la petite citadine à la berline de luxe en passant par l’imposant 4x4 à la robe surdimensionnée.
Bien sûr, autant de désagréments pour la conduite, la fluidité du trafic et la productivité des entreprises ! Une dynamique et un engouement qui s’expliquent, selon des professionnels du marché de la distribution, en partie par le sursaut de fin d’année, mais surtout « l’émergence d’une classe moyenne ou encore une nouvelle génération de cadres et de ménages bancarisés et très solvables ».
C’est, dit-on, l’an 1 du décollage de l’automobile au Maroc puisque pour la première fois l’on va franchir la barre psychologique des 100.000 voitures neuves vers fin décembre. Une prouesse, diraient certains, mais il n’en demeure pas moins que ce cap reste dérisoire ramené aux besoins de motorisation et au taux de pénétration. De l’avis de Abderrahim Benkirane, président de l’Association des importateurs de véhicules automobiles (Aivam) et PDG de Sopriam : « L’on se réjouit dans le secteur de pouvoir atteindre ce volume plus tôt que prévu (ndlr : la barre des 100.000 était prévue pour 2010), mais en même temps ce chiffre reste dérisoire quand on réalise que le taux de pénétration est de 1 véhicule pour 70 à 80 ménages au Maroc ». Aux yeux du président de l’Aivam, les ventes importantes enregistrées ces derniers mois s’expliquent par la conjonction de plusieurs facteurs dont l’introduction de voitures low cost ou à prix bas inférieur à 100.000 dirhams, le coût du crédit à la consommation, l’effort marketing soutenu…
Mohamed Ouzif, directeur de l’Association marocaine pour l’industrie automobile (Amica), évoque à son tour plusieurs facteurs : « L’effort sur les prix est devenu soutenu avec des promotions et remises à longueur d’année au lieu d’opérations ponctuelles (fin d’année, à la veille de vacances…), des crédits sans intérêt, assurance gratuite, la formule LOA (location avec option d’achat)… ». Parallèlement, renchérit Ouzif, les besoins en motorisation ont considérablement évolué ces dernières années compte tenu de la dynamique économique enclenchée, les grands chantiers lancés, le boom immobilier et surtout l’évolution du secteur tertiaire qui s’accompagne de l’arrivée d’une nouvelle génération de cadres, lesquels optent généralement pour le neuf. A ceux-là s’ajoute le pouvoir d’achat de ménages actifs qui se traduit souvent par l’acquisition de 2 véhicules par ménage surtout dans l’axe Casa-Rabat. Du coup, la voiture n’est plus perçue comme un luxe, encore moins ce signe extérieur de richesse que seuls des nantis peuvent se procurer. Elle est désormais en passe de devenir un simple moyen de locomotion, sans plus, s’accordent à dire plusieurs concessionnaires.
Le déficit du transport en commun et l’incommodité des conditions des déplacements (promiscuité, insécurité, inconfort, retards et désagréments de tous genres) expliquent que même les petites bourses et autres ménages à revenu limité ne résistent plus à la tentation de devenir propriétaire d’un véhicule quel qu’en soit l’état ou l’âge. La voiture particulière continuera donc à grignoter des parts de marché aux autres modes de transport : bus, taxi, deux-roues. En chiffres, elle atteindra près de 20% des déplacements en 2009, contre 16% actuellement. Au ministère du Commerce et de l’Industrie (MCI), l’on estime que la dynamique des ventes ne date pas d’aujourd’hui. Certes, elle est devenue plus prononcée en 2007, mais elle remonte aux deux dernières années, exactement depuis 2006. « La croissance aura été de plus de 30% en 2006, soit 84.274 véhicules contre 64.600 en 2005 », tient à préciser Abderrahim Chakour, chargé de la Direction de la production industrielle au MCI.
En 2006, le marché a été tiré principalement par une croissance de plus de 60% de la production locale, soit près de 30.000 véhicules produits par la Somaca. Il est vrai que la Logan ainsi que les véhicules utilitaires berlinisés CKD (Partner, Kango et Berlingo montés localement) sont passés par là. Aujourd’hui, les motorisations essence reviennent au même titre que celles diesel dites de dernière génération, roulant à l’eurodiesel. En dépit de cette cure de jouvence, le parc roulant pâtit encore du vieillissement. La moyenne d’âge des véhicules roulants se situe autour de 15-17 ans. Un parc majoritairement diesel (55 à 60%). C’est connu, plus de la moitié des véhicules qui circulent au Maroc ont en moyenne plus de dix ans.
Cela a été démontré : le vieillissement du parc est un facteur d’insécurité routière qui est à l’origine de nombreux accidents survenus ces dernières années. Avec plus de 10 morts par jour, le Maroc perd plus de 4.000 personnes sur l’asphalte. Si l’on continue sur ce train-là, ce sont 1.000 personnes/an supplémentaires qui trouveront la mort en 2012. Au rythme actuel des ventes, estime le président de l’Aivam, « il nous faudra au moins 8 ans pour réduire la moyenne d’âge du parc de moitié ». Pas si sûr eu égard au nombre important de véhicules d’occasion que l’on dédouane encore. Selon Mohamed Ouzif, sans compter les poids lourds, l’année dernière les nouvelles immatriculations ont atteint 106.000 véhicules entre le neuf et les voitures d’occasion importées et dédouanées. C’est dire, en attendant le démantèlement tarifaire (2012) que le dédouanement a encore de beaux jours devant lui. En 2006, 18.749 voitures d’occasion (VO) ont été importées et dédouanées. Cette année, l’on estime le nombre de véhicules importés d’Europe et dédouanés à plus de 20.000 unités. Les Mercedes restent les plus plébiscités compte tenu de leur cotation sur le marché de l’occasion. Les droits de douane d’une Mercedes vieille de plus de 15 ans dépassent les 100.000 DH ! Le dédouanement des voitures d’occasion est une donne qui échappe complètement aux études, souligne Ouzif. Pour le DG de l’Amica, « ce sont généralement des voitures de luxe récentes de 2 à 3 ans, des berlines haut de gamme surtout de marque Mercedes ou encore des SUV (4x4), voire des véhicules industriels et autres engins lourds de BTP ». Face à la tendance baissière des prix du neuf et aux facilités de paiement, « logiquement plus rien ne justifie de dédouaner de vieilles voitures ou encore des véhicules bas de gamme », poursuit le directeur de l’Amica.
Démantèlement
Le dédouanement de véhicules d’occasion (VO) a encore de beaux jours devant lui en dépit des droits et taxes jugés onéreux. Le dernier semestre en témoigne. A titre d’exemple, pour une Mercedes 250 D diesel vieille de plus de 15 ans et qui a une valeur de 2.000 euros en Allemagne, il faut débourser pas moins de 105.000 DH en droits de douane, sans compter les frais d’immatriculation et autres débours. Et ce sont les Mercedes qui se dédouanent le plus compte tenu de leur forte cote à la revente sur le marché de l’occasion. Suivent juste après les Volkswagen, BMW et autres 4x4. Curieusement, les Renault 19, vieilles en moyenne de 15-17 ans, se dédouanent encore. Principaux pays d’origine : Italie, Belgique, Pays-Bas… Des marchés émetteurs classiques connus pour leurs prix, dit-on, « attractifs » et la « fiabilité de leur carrosserie ». Une clientèle nantie opte aussi pour le dédouanement de Mercedes neuves, voire très récentes (1 à 3 ans). Pour ce segment de clientèle : acheter une voiture est aussi une façon de marquer son appartenance à une catégorie sociale donnée, un statut social. Ce type de clients fait aussi des commandes spéciales « direct usine » ou via des concessionnaires à Stuttgart, Munich, Francfort ou Baden Baden… pour des voitures personnalisées.
De l’avis de plusieurs importateurs, l’euphorie actuelle qui caractérise les ventes n’est que conjoncturelle. Ils sont nombreux à redouter que « l’accélération du démantèlement des droits de douane ne chamboule la donne ». Ils redoutent surtout que des particuliers s’approvisionnent directement du marché européen. D’où un manque à gagner considérable pour la filière distribution. L’Aivam n’est pas du tout du même avis : C’est très improbable. Quel bénéfice pourrait tirer un particulier à importer un véhicule lorsque celui-ci est disponible sur place au prix pratiqué en Europe, précise le président des importateurs. Certes, 2007 marque un tournant dans le secteur avec le passage du palier de baisse des tarifs sur les véhicules importés à 15% pour les produits d’origine européenne. Ce sera autant en 2008 (15%). A l’horizon 2012, l’importation de véhicules neufs made in UE se fera à zéro droit de douane. Ce sera alors le moyen de donner un coup de fouet au renouvellement du parc automobile.
Le Caire, Calcutta, Istanbul
Mais si le parc auto a considérablement évolué ces deux dernières années en particulier, la circulation, elle, est devenue un véritable cauchemar. A tel point que la densité durant les heures de pointe a été multipliée pratiquement par 2 comparée à il y a quelque 5 ans, estiment des professionnels. Il faut dire qu’à lui seul l’axe Casa-Rabat concentre pratiquement 50% du parc national. La situation est encore maîtrisable, signale Ouzif de l’Amica. Si le trend continue, selon lui, Casablanca pourrait ressembler d’ici peu à Calcutta, Le Caire, Paris ou encore Istanbul. C’est dire que l’infrastructure routière n’a pas toujours suivi. Elle est caractérisée par « une capacité limitée et les conditions d’exploitation génèrent une forte congestion du trafic », souligne Saad Ben Sahraoui, consultant en urbanisme. La forte pression sur les voiries se traduit par des fissures, des bosses et autres nids-de-poule. Par ailleurs, les embouteillages, le manque de respect des priorités, du code de la route en général, le peu de courtoisie et l’incivisme font que la conduite devient insoutenable, un véritable enfer, au quotidien.
Saturation
Le réseau routier de Casablanca s’adjuge à lui seul le tiers du parc national. Il est emprunté par « plus de 2 millions de véhicules ». Casablanca fait partie d’un axe qui concentre, à lui seul, parfois près de 50% de véhicules », souligne le directeur de l’Amica. Selon le diagnostic du PDU, l’évolution du parc s’est traduite ces dernières années par une densité et une forte pression sur les voiries, des carrefours en situation critique, un important déficit en stationnement et en signalisations, voire une lourde attraction vers le centre-ville. Ce qui a engendré une saturation totale de la capacité des voiries pendant les heures de pointe. Les chantiers de canalisations et de lignes téléphoniques lancés tous azimuts ces derniers mois compliquent davantage la situation dans la métropole. Or, il se trouve que les améliorations dans les zones critiques proposées par le PDU pour décongestionner le lourd trafic (rocade du carrefour Sidi Maârouf, simplification des flux, échangeurs, accroissement de la capacité de l’autoroute urbaine...) devaient être enclenchés entre 2005 et 2007. A fin 2007, la situation est encore plus inextricable !
L’Economiste - Amin Rboub
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