Les terroristes qui, le 11 septembre 2001, avaient frappé à New York et Washington visaient les symboles de la puissance économique et militaire des Etats-Unis. Ceux qui, ce soir du vendredi dernier, ont plongé Casablanca dans le sang et l’horreur s’en prenaient, eux, à des valeurs autrement plus symboliques : une démocratie émergente, une tolérance à toute épreuve, une stabilité politique et sociale dont peu de pays peuvent se prévaloir en ce début de millénaire et une communauté en train de négocier sa transition démocratique et de remodeler son espace économique, social et culturel pour mieux s’arrimer au monde alentour.
Les attentats de ce 16 mai n’étaient pas le fait d’étrangers visant à attenter à la vie et aux biens d’autres étrangers mais portent bien la signature de Marocains gonflés à bloc (par qui ?) pour massacrer, avec une violence aveugle et une haine inouïe, d’autres Marocains, détruire des édifices et des biens marocains et semer la terreur et le doute dans l’esprit des Marocains.
Dans l’intérêt de qui ? Au nom de quelle « cause » et de quels « principes » ? Il est sans doute trop tôt pour répondre à ce genre d’interrogations auxquelles seule une enquête judiciaire très poussée et sereine apportera des réponses.
Mais une chose est d’ores et déjà certaine : les criminels qui ont sévi dans la nuit du vendredi 16 mai ne ciblaient pas des intérêts ou des symboles « impérialo-sionistes » (le club de l’Alliance juive ou le cimetière israélite situé en pleine médina de Casablanca ne sauraient être assimilés à des symboles sionistes ou même israéliens) mais bien une conception différente de la vie en société.
Le choix des lieux où ces crimes barbares ont été commis suffit, à lui seul, pour nous renseigner sur les intentions et les mobiles de ceux qui les ont planifiés et exécutés : l’hôtel Farah, le club de l’Alliance israélite ou la Casa de Espana sont, en effet, autant d’espaces où des Marocains-musulmans ou juifs - se mêlent quotidiennement et en parfaite intelligence à d’autres Marocains ou à des étrangers de diverses confessions, races, professions.... discutent, partagent un repas ou concluent parfois des affaires avec eux. Mais, visiblement, les kamikazes de ce vendredi noir ne veulent pas de cette ouverture, de ce brassage des cultures, de cette convivialité et de cette diversité. Ils veulent un Maroc lugubre, arriéré, ignorant, pauvre et recroquevillé sur lui-même. Un Maroc imperméable à tout ce qui ne s’apparente pas à leur idéologie obscurantiste et à leur vision apocalyptique et, somme toute, primitive du monde et de la vie sur Terre.
Ahmed El Fadili pour Lematin.ma