Défendre les libertés individuelles relayé par la presse marocaine

29 janvier 2008 - 11h55 - Maroc - Ecrit par : L.A

Quinze titres marocains publient une pétition initiée par l’association Bayt Al Hikma pour défendre les libertés individuelles. Pourquoi soutenir cet appel ? Ahmed Réda Benchemsi, directeur de TelQuel, l’une des quinze publications ayant soutenu cette initiative, part d’un constat : Le "camp d’en face" (celui des islamistes plus ou moins extrémistes et de tous les populistes qui, objectivement, font leur jeu), dispose d’un cadre idéologique clair : la religion et la morale islamique "pures et parfaites" - ou du moins, c’est ainsi qu’ils la fantasment.

"L’autre camp" (celui des démocrates, libéraux et autres humanistes) a, lui, un problème : son discours ne s’inscrit pas dans un corps de doctrine clair et ouvertement affirmé. Ce camp-là se contente de dire, à chaque fois que l’actualité l’exige : "Ce n’est pas bien de juger et de condamner autrui sur la base de choix de vie personnels"... mais sans dire, en contrepoint : "Voilà ce qui est bien, et voilà la doctrine universellement reconnue dans laquelle notre condamnation s’inscrit". Cette doctrine, qu’il s’agit désormais de revendiquer haut et fort, porte un nom : cela s’appelle les "libertés individuelles". C’est en ces termes que le directeur de TelQuel explique les raisons de son adhésion à ce manifeste qui commence comme suit :

"Depuis quelques années, on assiste au Maroc à une inquiétante prolifération des menaces et agressions (verbales ou physiques) à l’encontre de divers groupes ou individus." Les auteurs de cette pétition estiment que des "campagnes de stigmatisation religieuse émanent de divers groupes intégristes, y compris des titres de presse et constituent de graves atteintes aux libertés individuelles.

En effet, fin 2007, une véritable joute, par éditoriaux interposés, avait opposé les titres indépendants francophones Telquel et Le Journal Hebdomadaire au quotidien arabophone Al Massae suite à la publication par ce dernier d’images d’une soirée privée qui allait ainsi devenir l’affaire du « mariage supposé homosexuel ».

Rappelons les faits : Le 18 novembre, plusieurs dizaines de personnes assistent à une fête dans une maison de Ksar El-Kébir, bourgade paisible au nord du Maroc. Des images prises pendant cette soirée privée se retrouveront sur le site de YouTube. Dans cette vidéo, on voit des hommes danser, l’un d’entre eux porte une tenue de mariée. Le lendemain, court la rumeur d’un « mariage gay ». Certains medias, dont le quotidien arabophone Al Massae, l’un des meilleurs tirages du pays, rendent compte de l’affaire. Les jours qui suivent, des manifestants homophobes, et parfois violents, prennent d’assaut les rues tranquilles de Ksar El-Kébir.

La semaine suivante, six personnes soupçonnées d’avoir eu des relations homosexuelles au cours de cette soirée sont arrêtées. Le 10 décembre, le tribunal de première instance de Ksar El-Kébir condamne six hommes à des peines de prison. Le 15 janvier, la cour d’appel confirme la peine de dix mois de prison ferme pour le principal accusé, inculpé pour « homosexualité » et « commerce illégal d’alcool », et deux à quatre mois de prison ferme pour ses coaccusés.

L’association Bayt Al Hikma, fondée et présidée par la militante des droits de l’homme Khadija Rouissi, a été crée en juillet dernier dans le but de défendre les libertés individuelles. L’affaire de Ksar El-Kébir montre combien son combat est nécessaire.

APN

L’appel :

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : Droits et Justice - Presse - Médias - Liberté d’expression - Homosexualité Maroc - Sexualité

Ces articles devraient vous intéresser :

Maroc : Ahmed Assid dénonce la répression des voix d’opposition par l’astuce des mœurs

Dans un podcast, l’universitaire et activiste amazigh Ahmed Assid s’est prononcé sur plusieurs sujets dont la répression des voix contestataires au Maroc, la liberté d’expression ou encore la laïcité.

Maroc : plus de droits pour les mères divorcées ?

Au Maroc, la mère divorcée, qui obtient généralement la garde de l’enfant, n’en a pas la tutelle qui revient de droit au père. Les défenseurs des droits des femmes appellent à une réforme du Code de la famille pour corriger ce qu’ils qualifient...

Prison : le Maroc explore les « jour-amendes »

L’introduction du système de jour-amende dans le cadre des peines alternatives pourrait devenir une réalité au Maroc. Une loi devrait être bientôt votée dans ce sens.

Maroc : Vague d’enquêtes sur des parlementaires pour des crimes financiers

Une vingtaine de parlementaires marocains sont dans le collimateur de la justice. Ils sont poursuivis pour faux et usage de faux, abus de pouvoir, dilapidation et détournement de fonds publics.

Corruption au Maroc : des élus et entrepreneurs devant la justice

Au Maroc, plusieurs députés et élus locaux sont poursuivis devant la justice pour les infractions présumées de corruption et d’abus de pouvoir.

Le Magazine Marianne censuré au Maroc

L’hebdomadaire français Marianne (numéro 1407) a été interdit de distribution au Maroc, en raison d’un dessin caricatural jugé offensant pour le prophète Mohammad.

Un député marocain poursuivi pour débauche

Le député Yassine Radi, membre du parti de l’Union constitutionnelle (UC), son ami homme d’affaires, deux jeunes femmes et un gardien comparaissent devant la Chambre criminelle du tribunal de Rabat.

Affaire de viol : Achraf Hakimi devant le juge

L’international marocain du Paris Saint-Germain, Achraf Hakimi, a eu affaire à la justice ce vendredi matin, en lien avec une accusation de viol portée contre lui.

Immobilier au Maroc : bonne nouvelle pour les nouveaux acquéreurs

Des changements ont été opérés pour impacter positivement le secteur de l’immobilier. Le délai prévu dans l’article 573 relatif à l’introduction d’une action en justice pour défaut de garantie n’est plus limité à 365 jours.

Au Maroc, le parti au pouvoir dit niet au mariage homosexuel

Le parti Rassemblement national des Indépendants (RNI) présidé par Aziz Akhannouch, chef du gouvernement marocain, affiche son opposition au mariage homosexuel.